Israël pulvérise des herbicides près des terres agricoles palestiniennes
Pendant plusieurs jours, des avions israéliens ont volé près de l’est de la bande de Gaza et pulvérisé des produits chimiques soupçonnés d’être des herbicides à proximité de terres palestiniennes adjacentes à la barrière frontalière.
La fréquence de ces épandages est déterminée par la direction du vent, affirment des témoins oculaires, qui précisent que ces opérations s’arrêtent lorsqu’il pleut ou lorsque le vent souffle « dans la direction opposée ».
« Cela fait des années que nous vivons le même scénario. Toutes les deux semaines, ils envoient des drones pour pulvériser nos terres et endommager les cultures »
– Youssef Abu Maghadid, agriculteur palestinien
« Ils ne commencent à pulvériser le long de la barrière frontalière que lorsque le vent souffle vers l’ouest, en direction des terres palestiniennes, afin de permettre aux herbicides de couvrir une plus grande surface à l’intérieur de nos terres », indique Youssef Abu Maghadid, un agriculteur palestinien interrogé jeudi par Middle East Eye.
« Mais quand le vent commence à souffler vers l’est, ils s’arrêtent immédiatement parce que cela leur porterait préjudice. »
À Gaza, environ 40 000 Palestiniens dépendent de l’agriculture comme unique moyen de subsistance.
Youssef Abu Maghadid estime que la dernière opération d’épandage a couvert au moins 60 hectares de terres agricoles, ce qui affecte directement les moyens de subsistance de 35 à 40 agriculteurs.
Une agriculture rendue difficile
L’armée israélienne affirme régulièrement qu’elle emploie des herbicides pour défricher la zone tampon du côté gazaoui de la barrière afin d’en avoir une vue plus dégagée pour des raisons militaires.
Mais les Palestiniens affirment que cette politique affecte considérablement les habitants de Gaza. Youssef Abu Maghadid accuse les autorités israéliennes d’endommager intentionnellement les cultures palestiniennes dans les terres agricoles de l’est de la bande de Gaza en employant diverses tactiques au fil des ans.
« Cela fait des années que nous vivons le même scénario. Toutes les deux semaines, ils envoient des drones pour pulvériser nos terres et endommager les cultures afin de pouvoir mieux surveiller la zone. »
« Parfois, cela se produit seulement quelques jours avant la saison des récoltes […] Vous pouvez imaginer l’ampleur des pertes que nous subissons », déplore l’agriculteur de 47 ans.
Outre la pulvérisation d’herbicides, les agriculteurs palestiniens doivent également faire face aux tirs constants de gaz lacrymogène effectués par les forces israéliennes déployées le long de la barrière frontalière à l’est de Gaza.
« Rien qu’aujourd’hui, les forces israéliennes ont tiré plus de dix grenades lacrymogènes sur des bergers pour les éloigner de la zone tampon, mais le vent emporte le gaz vers nous et nous devons quitter nos terres plusieurs fois par jour pour éviter de le respirer. Cela se produit quotidiennement et plusieurs fois par jour », explique Youssef Abu Maghadid.
Une « guerre des herbicides » menée contre Gaza
Selon des groupes de défense des droits de l’homme, Israël procède à des épandages aériens d’herbicides dans cette zone depuis plusieurs années, généralement « sans en informer ou avertir au préalable les agriculteurs palestiniens ».
Israël procède à ces épandages lorsque le vent souffle vers l’ouest, ce qui permet de transporter les produits chimiques « au cœur de Gaza », sur une distance allant « jusqu’à 1 200 mètres à l’intérieur de la bande [de Gaza] », selon les activistes.
« Cette pratique continue détruit non seulement des pans entiers de terres arables le long de la barrière frontalière, mais aussi des cultures et des terres agricoles situées plusieurs centaines de mètres à l’intérieur du territoire palestinien »
– Forensic Architecture
« Depuis 2014, le déblaiement et la destruction au bulldozer de terres agricoles et résidentielles par l’armée israélienne près de la frontière orientale de Gaza sont complétés par des opérations inopinées d’épandage aérien d’herbicides qui ravagent les cultures », a constaté le groupe de recherche Forensic Architecture en 2019.
L’organisation établie à Londres a examiné pendant plus d’un an les répercussions environnementales et juridiques de l’épandage aérien d’herbicides effectué par Israël le long de la frontière gazaouie.
« Cette pratique continue détruit non seulement des pans entiers de terres arables le long de la barrière frontalière, mais aussi des cultures et des terres agricoles situées plusieurs centaines de mètres à l’intérieur du territoire palestinien, ce qui compromet les moyens de subsistance des agriculteurs gazaouis », a indiqué l’agence dans un communiqué.
Des pertes récurrentes
Les agriculteurs ne constatent l’étendue des dégâts causés par les herbicides que plusieurs jours ou semaines après leur épandage, indique Iyad Abughleba.
« Nous ne pouvons pas encore déterminer si les épandages ont endommagé les cultures. Il faut généralement attendre huit à dix jours pour voir des taches sombres commencer à apparaître sur les feuilles, et c’est à ce moment-là que nous comprenons que les cultures sont endommagées et ne peuvent pas être récoltées », explique l’agriculteur à MEE.
« Nous sommes censés récolter les cultures, notamment les poivrons, les courgettes et le blé dans les deux ou trois prochains mois. Si les herbicides ont effectivement affecté les cultures, ce que nous saurons dans une semaine environ, alors toute la saison sera gâchée et nous perdrons des dizaines de milliers de dollars », affirme Iyad Abughleba.
Ainsi, explique-t-il, de nombreux agriculteurs sont confrontés à des dettes croissantes liées à cette pratique continue d’Israël visant à endommager les cultures palestiniennes.
La situation s’est aggravée lorsqu’Israël a attaqué Gaza en mai 2021, entraînant des pertes estimées à 204 millions de dollars dans le secteur agricole gazaoui, selon le ministère palestinien de l’Agriculture.
« Nous subissons toujours les conséquences de la dernière attaque contre Gaza, qui est à l’origine de dégâts considérables après le bombardement et la destruction des terres, l’abandon des cultures tout au long des onze jours de l’attaque, puis la décision d’Israël de fermer les frontières et d’empêcher les exportations », souligne Iyad Abughleba.
« Nous ne sommes pas prêts pour une nouvelle année où nos terres agricoles seront continuellement visées. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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