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Guerre Israël-Palestine : la Défense civile de Gaza contrainte de laisser des centaines de victimes sous les décombres

Les équipes de secours, débordées, n’ont pas d’autre choix que de laisser de nombreux morts sous les bâtiments effondrés afin de sauver les blessés
Des Palestiniens portent un enfant retrouvé sans vie sous les décombres d’une maison détruite après des frappes aériennes à Gaza, le 24 octobre 2023 (AP)
Des Palestiniens portent un enfant retrouvé sans vie sous les décombres d’une maison détruite après des frappes aériennes à Gaza, le 24 octobre 2023 (AP)
Par Maha Hussaini à GAZA, Palestine occupée

Alors que les frappes aériennes israéliennes sur la bande de Gaza continuent de faire un nombre impressionnant de victimes, les équipes de la Défense civile se retrouvent face à un dilemme : passer des heures à essayer de récupérer les corps, ou laisser les morts sous les décombres et se précipiter vers d’autres secteurs pour sauver ceux qui sont encore en vie.

Alors que le ministère palestinien de la Santé dénombre les milliers de personnes tuées ou blessées par les attaques israéliennes, la Défense civile affirme que des centaines de corps sans vie gisent sous les bâtiments effondrés.

Des Palestiniens évacuent un homme blessé après une frappe israélienne près d’une école de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 21 octobre 2023 (AFP/Mahmoud Hams)
Des Palestiniens évacuent un homme blessé après une frappe israélienne près d’une école de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 21 octobre 2023 (AFP/Mahmoud Hams)

Compte tenu du manque de matériel de sauvetage et du fait que ses équipes sont régulièrement prises pour cible, la Défense civile indique à Middle East Eye qu’elle suit un plan qui privilégie le sauvetage des victimes encore en vie au détriment de la récupération des corps sans vie.

« Nous arrivons à l’endroit ciblé et si nous découvrons qu’il y a des personnes encore en vie sous les décombres, nous déblayons jusqu’à pouvoir les en extraire. Mais si nous avons la certitude que ceux qui sont sous les décombres sont morts, nous partons vers un autre site ciblé », explique à MEE Khalil Saifan, membre de la Défense civile.

Encore sous les décombres

« Les bombardements ont lieu à différents endroits en même temps, des dizaines d’endroits sont visés en l’espace de dix minutes, et nous disposons d’un matériel et d’effectifs très limités pour agir », poursuit-il.

« Nous devons donc choisir entre passer des heures à essayer de récupérer un certain nombre de corps, ou donner la priorité aux blessés pris au piège sous les décombres avant qu’ils ne viennent s’ajouter aux dizaines de morts. »

Plus de 8 300 Palestiniens ont été tuées, en grande majorité des femmes et des enfants, depuis qu’Israël a déclenché une violente campagne de bombardements contre Gaza le 7 octobre, lorsque le Hamas a mené une attaque sans précédent contre des villes du sud d’Israël. Environ 1 400 Israéliens ont été tués et plus de 200 personnes ont été prises en otage.

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Selon Khalil Saifan, qui travaille au quartier général de la Défense civile de Gaza à al-Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, des centaines d’habitants tués se trouvent encore sous les décombres.

« Sans qu’il faille décrire le lourd bilan humain causé par une seule frappe aérienne, vous pouvez imaginer la scène qui se déroule dans un quartier quelques minutes après la destruction des bâtiments », souligne-t-il. « Sur place, nous devons donner la priorité à ceux qui respirent encore sous les décombres. Ce choix se fait toujours entre les victimes mortes et vivantes, mais jamais entre les personnes vivantes. »

« Si nous savons qu’il y a une personne vivante, il nous faudra peut-être des heures pour la sortir des décombres, mais il nous est impossible de la laisser là. »

Khalil Saifan ajoute que compte tenu du ciblage constant des équipes de la Défense civile et du manque de matériel, il leur est pratiquement impossible de sauver toutes les personnes se trouvant sous les décombres.

« Nous avons été pris pour cible à de multiples reprises et dans plusieurs secteurs depuis le début de l’offensive. Nos secouristes passent du côté des victimes », déplore-t-il.

« Aucun pays ne peut faire face à un tel nombre de frappes aériennes visant différents secteurs en même temps et à un tel nombre de victimes. Pouvez-vous imaginer cela à Gaza ? »

La crise est encore aggravée par le manque de carburant nécessaire aux bulldozers, dont dépendent les équipes de la Défense civile pour déblayer les décombres des immeubles résidentiels et atteindre les victimes.

Toujours portés disparus

Le ministère palestinien de la Santé a déclaré avoir reçu au moins 1 650 signalements de familles concernant la disparition de proches, selon les informations en date du 27 octobre.

Selon Ashraf al-Qudra, porte-parole du ministère, environ 940 enfants morts se trouvent toujours sous les décombres de leur logement ou de celui où leur famille s’était réfugiée.

Dans le quartier de Shuja’iyya, des dizaines d’immeubles résidentiels ont été détruits sans que l’armée israélienne ait donné l’ordre d’évacuer les lieux au préalable. En conséquence, des familles entières ont été décimées et de nombreuses personnes sont toujours portées disparues sous les décombres.

« Lorsque l’attaque sera terminée et que nous aurons extrait tous les corps dans les décombres, le nombre de victimes sera probablement deux fois plus élevé qu’aujourd’hui »

- Khalil Saifan, membre de la Défense civile

Lorsque les bombardements se sont intensifiés au cours du mois, les cousins d’Amena Mughani et leurs enfants se sont réfugiés chez leur sœur à Shuja’iyya, l’un des secteurs les plus densément peuplés de la bande de Gaza. Une trentaine de personnes s’y trouvaient au moment de l’attaque qui a détruit la maison et emporté tous ses occupants.

« Je ne sais plus quel jour c’était, mais je me rappelle avoir reçu un appel de quelqu’un de ma famille à midi pour me dire que la maison avait été rasée et que tous mes proches avaient été tués », raconte à MEE Amena Mughani, qui vit à Gaza.

« Deux jours après l’attaque, leurs corps n’avaient pas encore été retrouvés. La Défense civile n’a pas pu accéder à leur maison car elle se trouve dans le secteur est de Shuja’iyya, qui est très dangereux. Depuis cinq jours, j’essaie en vain de joindre ma famille pour savoir si les corps de nos proches ont été extraits des décombres, mais j’imagine qu’ils y sont toujours. »

Selon le ministère de la Santé, au moins 688 familles ont été emportées par les bombardements aériens, d’artillerie et navals d’Israël contre la bande de Gaza sous blocus.

« Lorsque l’attaque sera terminée et que nous aurons extrait tous les corps dans les décombres, le nombre de victimes sera probablement deux fois plus élevé qu’aujourd’hui », affirme Khalil Saifan de la Défense civile.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation

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