Jordanie : le roi nomme un diplomate au poste de Premier ministre avant les élections
Le roi Abdallah II a ordonné la dissolution du parlement jordanien et a nommé l'homme politique Hani Mulki au poste de nouveau Premier ministre du pays, alors qu'un accroissement significatif des investissements en provenance d'Arabie saoudite est prévu.
Cette nomination survient à la fin du mandat de quatre ans du parlement, et quelques heures après la démission d'Abdullah Ensour, l'un des Premiers ministres ayant exercé les plus longs mandats dans l'histoire de la Jordanie.
Dans le respect de la Constitution du pays, Hani Mulki dispose de quatre mois pour organiser des élections et former un nouveau gouvernement. Pour cela, il devra appliquer des nouvelles lois électorales destinées à permettre aux institutions politiques du pays de lutter contre le tribalisme, un facteur identitaire fort de la vie jordanienne.
Dans les élections à venir, les candidats politiques indépendants ne se présenteront plus seuls, mais en tant que membres figurant sur une liste de candidats – un mécanisme défini pour réduire le recours au soutien tribal. La carte électorale a également été redéfinie, et ce, tout particulièrement pour les zones rurales.
Alors que les modifications sont mises en place pour lutter contre le tribalisme lors des votes, les critiques estiment que les efforts restent faibles et que cela entravera les actions des candidats indépendants axés sur les réformes. Le visage de l'opposition sera également différent lors des élections à venir.
Le principal parti d'opposition en Jordanie appartient, depuis toujours, à la société des Frères musulmans, mais le groupe s'est brisé après avoir été soumis à la pression écrasante du gouvernement pour rendre son statut officiel.
Les élections incluront vraisemblablement certains candidats issus des Frères musulmans parmi les principaux partis pro-monarchie et les partis indépendants, mais il y aura également des aspirants appartenant à des partis de moindre ampleur, représentant une incarnation moins brutale du parti qui reste actif sur la scène politique. Hani Mulki a été décrit par certaines personnes comme un Premier ministre bienveillant, mais son passé suggère le contraire.
Crise économique
Le pays est plongé dans une crise économique qui s'intensifie jour après jour. Hani Mulki, un diplomate vétéran et un négociateur de premier ordre lors des accords de paix entre la Jordanie et Israël, connaît l'importance des contributions financières : il a permis à l'une des zones les plus rentables de Jordanie d'être ouverte aux investisseurs étrangers lorsqu’il était Commissaire en chef de la zone économique spéciale d'Aqaba.
Et comme de nombreux hommes politiques jordaniens, il est né pour occuper ce poste : en effet, son père, Fawzi Mulki, a occupé le poste de Premier ministre pour la période 1953-54.
« C'est un homme jouissant d'une solide expérience dans le domaine politique et économique », explique l'ancien porte-parole du gouvernement Nabeel al-Sharif lorsqu'il s'exprime au sujet d’Hani Mulki.
Une fois le nouveau parlement en place, l'une des principales priorités du Premier ministre sera de mener à bien un programme d'investissements majeur entre la Jordanie et sa contrée voisine, l'Arabie saoudite.
Les réformes économiques saoudiennes, menées par le Vice-prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane Al Saoud, comprennent la création d'un conseil jordano-saoudien assurant le suivi des investissements saoudiens en Jordanie. Ce projet illustre le souhait émis par l'Arabie saoudite de diversifier ses propres investissements alors que les pays occidentaux réservent un accueil de plus en plus glacial à l'argent saoudien.
D'un point de vue régional, l'Arabie saoudite et la Jordanie - deux pays définis de longue date comme le grand frère riche et le petit frère dépendant - affichent leur rapprochement face aux crises croissantes.
Les conflits militaires et idéologiques contre le groupe État islamique (EI) sont en première ligne, dans la mesure où la Jordanie et l’Arabie saoudite partagent des intérêts communs.
De plus, les investissements régionaux sont un élément vital pour la Jordanie – surtout à une époque où les bailleurs plus traditionnels comme les États-Unis ne fournissent pas l'argent dont le pays, d'après le roi Abdallah, a besoin pour faire face à la crise. Actuellement, la dette publique de la Jordanie s'élève à 93,8 % de son PIB : de nouvelles approches sont, d'après les experts, nécessaires.
« C'est une nouvelle ère économique pour la Jordanie, qui s'appuie principalement sur les nouveaux investissements saoudiens pour le pays. Des investissements de grande ampleur vont être gérés par le conseil commun. Par le passé, nous parlions de dons ou d'un projet par-ci et d'un projet par-là. Désormais les chiffres donnent le vertige, on parle de milliards », explique Nabeel al-Sharif.
Parmi les dernières choses que le gouvernement jordanien sortant a approuvé, on retrouve des amendements à la Constitution du pays, donnant ainsi au roi le droit de nommer, de manière indépendante, certaines personnes à des postes les plus hauts placés du pays, dont celui de Chef des armées, de Chef des renseignements ou de Chef de la police.
Une nouvelle loi régissant les investissements a été approuvée, créant un fonds national sous la supervision exclusive du monarque. Le roi se retrouve ainsi en charge du contrôle des actifs économiques et sécuritaires du pays, tout en disposant également du titre de Chef de l'État, de Chef du pouvoir exécutif et de Commandant en chef des Forces armées.
Il nomme, renvoie et accepte la démission du Premier ministre et des autres ministres – concernant ce dernier point, il s'appuie sur les recommandations du Premier ministre.
Traduction de l'anglais (original) par STiiL.
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