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La famille de Rashida Tlaib pas surprise par les obstacles érigés par Israël à sa venue en Cisjordanie

Les proches de la première femme d'origine palestinienne à être élue au Congrès américain se préparent depuis juillet à la venue de celle en qui ils voient un espoir pour la cause de leur peuple
La grand-mère de Rashida Tlaib, Muftiya (85 ans), avait hâte de revoir sa petite-fille et d’aller cueillir des figues avec elle (MEE/Shatha Hammad)
Par Shatha Hammad à BEIT UR AL-FAWQA, Cisjordanie occupée

Dans le jardin de sa maison située dans le centre de la Cisjordanie occupée, Muftiya (85 ans), vêtue d’une thobe palestinienne (une robe brodée traditionnelle), boit le café avec son fils Bassam tout en discutant de la visite très attendue de sa petite-fille.

Ils se demandent quelle nourriture lui préparer, évoquent les figues fraiches et les raisins verts qu’ils pourront lui faire partager et réfléchissent à la manière de décorer et de préparer la maison pour accueillir leur famille élargie à cette occasion.

Des drapeaux, des lanternes et d’autres décorations ont été apportés et des déclarations ont été préparées pour être lues à cette occasion.

Celle dont ils attendent la visite avec impatience n’est autre que Rashida Tlaib, première femme américano-palestinienne à être élue au Congrès des États-Unis.

« Je vais préparer toute la nourriture palestinienne qui plait à son cœur et nous allons cueillir des figues ensemble », a déclaré Muftiya lorsque Middle East Eye a rendu visite à la famille en début de semaine.

Mais jeudi après-midi, le ministère des Affaires étrangères israélien a annoncé que la petite-fille de Muftiya se verrait interdire l’entrée dans le territoire palestinien occupé.

En compagnie de sa collègue du Congrès, Ilhan Omar, Rashida Tlaib prévoyait de participer à une visite en Cisjordanie et Jérusalem-Est présentée comme une alternative aux voyages pro-israéliens organisés et parrainés par l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) à l’intention des nouveaux membres du Congrès.

« La décision d’Israël d’interdire [l’entrée dans le pays] à sa petite fille, une élue du Congrès américain, est un signe de faiblesse, car la vérité sur ce qui arrive aux Palestiniens est effrayante »

- Rashida Tlaib, élue américaine

La délégation américaine devait atterrir ce vendredi 16 août et Rashida Tlaib, née à Détroit d’immigrants palestiniens, avait prévu de passer plusieurs jours avec sa famille, loin du travail et des médias.

Quelques heures après l’annonce de son interdiction d’accès à la Cisjordanie, Rashida Tlaib a partagé une photo de sa grand-mère sur Twitter. « Cette femme, ici même, est ma sitti [grand-mère]. Elle mérite de vivre en paix et dans la dignité humaine. Je suis qui je suis grâce à elle », a-t-elle tweeté.

« La décision d’Israël d’interdire [l’entrée dans le pays] à sa petite fille, une élue du Congrès américain, est un signe de faiblesse, car la vérité sur ce qui arrive aux Palestiniens est effrayante. »

En réponse à un tollé international, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré qu’Israël pourrait encore autoriser Tlaib à entrer sur le territoire si elle soumettait une demande d’autorisation de rendre visite à sa famille pour des raisons humanitaires et s'abstenait de faire la promotion du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS).

Jeudi, l'élue a décidé de s'y conformer et le gouvernement israélien a approuvé sa requête de rendre visite à sa famille. Néanmoins, l'interdiction de la visite plus large des deux législatrices reste en vigueur, selon le ministère israélien de l'Intérieur. Rashida Tlaib a alors rejeté la proposition israélienne, qualifiant d’humiliantes les « conditions oppressives » imposée pour la visite.

« Tellement fière d’elle »

La modeste maison du grand-père de Rashida Tlaib, Issa Abdullah, se trouve à l’ouest de la ville de Ramallah. Construite en 1976, elle est aujourd’hui nichée entre deux bases militaires israéliennes, à une intersection située entre les villages palestiniens adjacents de Beit Ur al-Fawqa et Beit Ur al-Tahta.

À environ 100 mètres à l’est de la maison se trouve en effet un site militaire israélien érigé en 2011. Tandis que des soldats israéliens placés derrière des blocs de ciment pointent leurs armes en direction des passants, une quinzaine de caméras de surveillance sont dispersées un peu partout dans la zone.

Au nord, la route 443, exclusivement réservée aux colons israéliens, a été construite sur une partie des terres de la famille de Rashida Tlaib. Enfin, à environ 500 mètres à l’ouest, se trouve l’autre site militaire israélien, en place depuis 1988.

Bassam, 53 ans, est l’un des huit oncles de Rashida. Il explique à MEE que les soldats israéliens surveillent tous les faits et gestes de la famille dans la région, limitent leur accès à la route principale située juste en face de leur domicile et effectuent régulièrement des descentes dans la maison. La dernière fois, c’était lorsqu’un groupe important de journalistes s’était réuni chez eux pour couvrir la victoire électorale de Rashida, en novembre 2018.

En dépit de ces restrictions, la famille se préparait pour la visite de Rashida depuis juillet.

« Nous sommes prêts à recevoir Rashida et ses collègues, mais nous craignons que l’occupation israélienne l’empêche d’entrer », déclarait Bassam à MEE avant qu’Israël n’annonce son interdiction.

« Nous ne sommes pas surpris par cette décision », a déclaré Bassam à MEE jeudi (MEE/Shatha Hammad)
« Nous ne sommes pas surpris par cette décision », a déclaré l'oncle de Rashida Tlaib à MEE jeudi (MEE/Shatha Hammad)

Rashida a passé la majeure partie de sa vie aux États-Unis, se rendant en Palestine chaque été.

C’est dans la maison de ses grands-parents que les célébrations de son mariage, en 1997, ont commencé. La grand-mère de Rashida, Muftiya, qui, avec l’âge, a perdu la plus grande partie de son audition, a déclaré à MEE que ce qui la rendait le plus heureuse était la possibilité que Rashida cueille des figues directement sur les arbres du jardin de son grand-père.

« Je suis tellement fière d’elle. J’ai fait les préparatifs pour sa cérémonie de remise des diplômes au lycée, puis pour son diplôme universitaire et, aujourd’hui, nous célébrerons son élection au Congrès », déclarait Muftiya à MEE en début de semaine.

Jeudi après-midi, Bassam, l’oncle de Rashida, a indiqué à MEE que la famille n’avait pas encore informé Muftiya de l’interdiction prononcée à l'encontre de sa petite-fille, craignant que cela n’affecte sa santé.

« Nous ne sommes pas surpris par cette décision », a-t-il ajouté. « Nous nous attendions à ce que l’occupation lui interdise d’entrer en Palestine à tout moment. »

Contre vents et marées

Malgré l’élection de Rashida Tlaib au Congrès envers et contre tout, nombre de ses proches s’interrogent sur la marge de manœuvre dont elle dispose en vue d’apporter de réels changements sous le président américain Donald Trump, considéré par beaucoup comme l’un des chefs d’État les plus anti-palestiniens de l’histoire des États-Unis.

Selon Bassam, sa nièce est bien consciente des souffrances du peuple palestinien et souhaite communiquer cette image aux autres membres du Congrès et au reste du monde.

« La présence de Rashida dans l’un des gouvernements américains les plus anti-palestiniens de l’histoire nous a donné l’espoir qu’elle pourrait être capable de faire pression en faveur des droits des Palestiniens et mettre fin à ces politiques »

- Bassam, oncle de Rashida Tlaib

« Nous sommes fiers de Rashida, la première femme arabe, musulmane et palestinienne à avoir atteint le Congrès. En tant que membres de sa famille, et avec les autres familles du village, nous avions prévu d’organiser une cérémonie en son honneur », a poursuivi Bassam.

Alors que Rashida devenait une jeune femme, Issa, son grand-père, voyait en elle une future avocate, se souvient Bassam.

« Rashida était très ambitieuse et avait des compétences en leadership. Nous savions qu’elle réussirait, mais nous n’avions jamais imaginé qu’elle finirait en politique.

« La présence de Rashida dans l’un des gouvernements américains les plus anti-palestiniens de l’histoire nous a donné l’espoir qu’elle pourrait être capable de faire pression en faveur des droits des Palestiniens et mettre fin à ces politiques », a-t-il ajouté.

« Si cela est trop ambitieux, au moins nous, les Palestiniens, aurons une voix de l’opposition au Congrès américain. »

Traduit de l’anglais (original).

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