La France affirme que la coopération de la Russie dans la lutte contre Daech est « sincère »
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a affirmé jeudi que la Russie était sincère dans son désir de coopérer à la lutte contre les militants de Daech en Syrie.
« Il y a une ouverture des Russes, nous pensons qu’elle est sincère. Il faut rassembler toutes nos forces », a déclaré Fabius sur France Inter.
Les relations entre la France et la Russie se sont détériorées depuis la crise en Ukraine l’année dernière.
Mais les deux pays ont subi des attentats terroristes majeurs perpétrés par Daech ces dernières semaines – une attaque armée et un attentat à la bombe coordonnés vendredi dernier à Paris, et la bombe qui a abattu un avion de ligne russe au-dessus de l’Égypte fin octobre.
Cette semaine le président François Hollande a appelé « au rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste dans le cadre d’une grande et unique coalition », tandis que son homologue russe Vladimir Poutine a donné l’ordre à sa marine déployée en Méditerranée d’entrer en contact avec la marine française pour opérer ensemble « en tant qu’alliés ».
Depuis dimanche, des raids français et russes ont frappé des dépôts d’armes, des casernes et d’autres quartiers de la ville de Raqqa, le bastion de l’EI au nord de la Syrie.
« C’est là qu’il faut toucher Daech, dans ses forces vives », a déclaré le ministre français de la Défense Jean-Yves le Drian.
Un premier bilan des victimes établi par l’Observatoire syrien des droits de l’homme indique que les 72 heures d’attaques aériennes auraient fait « 33 morts et des dizaines de blessés dans les rangs de l’EI ».
La Russie affirme qu’au cours de ces derniers jours, son armée de l’air a détruit quelque 500 poids-lourds transportant du pétrole de Syrie en Irak – un élément essentiel du financement de Daech.
Mercredi la Russie a aussi soumis un projet de résolution remanié à l’ONU, appelant à une coopération internationale plus étroite contre Daech en Syrie, dont le groupe militant contrôle une partie avec son « califat » autoproclamé qui chevauche également l’Irak.
Aktham Alwany, un journaliste et militant originaire de Raqqa, a affirmé que la population civile de la ville « ne se déplace plus qu’en cas de nécessité », redoutant les frappes aériennes de « n’importe quelle nationalité – les Russes, le régime d’Assad, la coalition ».
« Malheureusement, on sait très bien que les bases de l’EI sont installées dans des logements de civils. Il y a des bases qui semblent appartenir à l’EI, mais qui ne sont en fait que des simulacres vides, alors que les habitations civiles regorgent [de miliciens du groupe] », a déclaré Alwany à l’AFP.
Raqqa a été la première capitale provinciale perdue par le gouvernement, saisie par les rebelles en 2013 puis envahie par Daech en janvier 2014. D’après l’analyste Fabrice Balanche, la ville compte actuellement au moins 300 000 habitants.
Malgré leurs positions diamétralement opposées au sujet du président syrien Bachar el-Assad, la France et la Russie ont accepté de coordonner leurs armées et leurs services de renseignement pour lutter contre Daech, après les attentats de Paris et l’explosion de l’Airbus russe.
Et le président américain Barack Obama a fait l’éloge de la Russie, un « partenaire constructif » lors des discussions internationales à Vienne visant à trouver une solution au conflit sanglant en Syrie, qui a fait 250 000 morts en plus de quatre ans.
Des forces terrestres russes en Syrie ?
Une carte diffusée par les autorités militaires russe à la télévision d’État semble indiquer que des contingents d’artillerie russes opèrent sur le terrain dans la région de Homs, en Syrie centrale.
La Russie a bien des militaires basés dans la région de Syrie contrôlée par le gouvernement – ils collaborent à une campagne aérienne soutenant les forces loyales au président Bachar el-Assad – mais elle démentit le déploiement de forces terrestres.
La carte détaillée est apparue au cours d’une séquence filmée mardi dernier pendant un briefing du ministère de la Défense avec le président Vladimir Poutine. Elle affichait des acronymes pour des contingents russes, proches de zones où le régime d’Assad conduit une offensive contre les djihadistes.
Le diagramme présenté à Poutine sur grand écran et filmé par la télévision d’État semblait indiquer que plusieurs obusiers Msta (2A65) d’un calibre de 152 mm, appartenant à la 120e brigade d’artillerie, étaient déployés près de la ville de Sadad, à environ 60 km au sud de Homs.
Une source militaire syrienne a simplement dit à l’AFP qu’« il y a des conseillers russes à Sadad qui encadrent l’armée syrienne dans le domaine de l’artillerie. »
La 120e brigade d’artillerie est basée en Russie dans la région de Kemerovo.
Mercredi, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a réitéré le démenti de Moscou au sujet d’un déploiement de forces terrestres en Syrie.
« Un contingent technique est présent pour assurer les opérations de l’armée de l’air russe », a déclaré Peskov.
« Il n’y a pas de forces terrestres là-bas, et les soldats russes ne conduisent pas d’opérations de terrain là-bas », a-t-il précisé.
Il a ajouté qu’il n’était pas « spécialiste des cartes militaires » et a renvoyé toutes les questions concernant l’émission de télévision au ministère de la Défense.
Le ministère russe de la Défense n’a pas répondu aux demandes de commentaires répétées de l’AFP.
La Russie bombarde des cibles en Syrie depuis le 30 septembre, et a annoncé qu’elle allait intensifier sa campagne aérienne.
Lors du briefing de mardi avec Poutine, le chef d’État-major des forces armées russes Valéri Guérassimov a présenté un compte-rendu détaillé de l’offensive terrestre en Syrie, précisant qu’elle était menée à la fois par l’armée syrienne et les milices pro-gouvernementales.
« Dans la partie centrale du pays, suite à l’offensive par les troupes du gouvernement et les milices, il a été possible de prendre le contrôle de Khadat et d’arrêter les militants à Mahin », a-t-il déclaré, faisant référence à une ville au sud-est de Sadad.
Traduction de l’anglais (original) par Maït Foulkes.
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