Les exportations d’armes européennes en Égypte alimentent les tueries et la torture, selon Amnesty
Amnesty International a accusé près de la moitié des membres de l’Union européenne d’alimenter les tueries et la torture, entre autres abus commis en Égypte, à travers des exportations d’armes, dans un rapport publié mercredi.
Les organisations internationales ont accusé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de mener un régime ultra-autoritaire et répressif depuis qu’il a renversé en 2013 son prédécesseur élu démocratiquement, Mohamed Morsi.
Dans son rapport, Amnesty a affirmé que « douze des vingt-huit États membres de l’UE ont continué de compter parmi les principaux fournisseurs d’armes et d’équipements pour le maintien de l’ordre destinés à l’Égypte ».
Amnesty a indiqué que ces exportations bafouaient une suspension imposée à l’échelle européenne sur les transferts d’armes vers l’Égypte après que plusieurs centaines de manifestants ont été tués en août 2013 suite à ce que l’organisation a qualifié de « recours à une force largement excessive ».
L’organisme de surveillance des droits de l’homme basé à Londres craint que cette suspension ne soit supprimée, même si celle-ci est insuffisante.
« Ne serait-ce qu’en 2014, des États membres de l’UE ont octroyé 290 licences d’exportation vers l’Égypte d’équipements militaires pour un total de plus de 6 milliards d’euros. »
Les articles envoyés en Égypte par les États membres de l’UE comprenaient des armes légères et de petit calibre ainsi que des munitions, des véhicules blindés, des hélicoptères militaires, des armes lourdes et de la technologie de surveillance.
« L’UE devrait immédiatement imposer un embargo sur tous les transferts des types d’armes et d’équipements utilisés en Égypte pour commettre de graves violations des droits humains », a déclaré Brian Wood, responsable des questions liées au contrôle des armes et aux droits de l’homme à Amnesty International.
Amnesty a précisé que la situation des droits de l’homme s’est dégradée de jour en jour, tandis que la répression reste courante et s’effectue quasiment « en toute impunité ».
« Près de trois ans se sont écoulés depuis les tueries qui ont poussé l’UE à demander à ses États membres de suspendre leurs transferts d’armes vers l’Égypte, et la situation des droits humains s’est encore dégradée », a indiqué Magdalena Mughrabi, directrice par intérim du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Le recours excessif à la force, les arrestations arbitraires massives, la torture et les disparitions forcées font à présent partie du mode opératoire des forces de sécurité. »
Le rapport a ajouté que les opérations militaires égyptiennes contre les milices de la péninsule du Sinaï avaient été menées avec une absence totale de transparence.
« Les médias ont été contraints au silence sur la question des opérations militaires menées dans le Sinaï, et les journalistes et organisations indépendantes de la société civile ont reçu l’interdiction de se rendre dans cette région », a précisé le rapport.
« Pendant ce temps, des pays de l’UE ont autorisé des transferts d’armes lourdes et d’équipements censés aider l’Égypte à combattre le "terrorisme", malgré l’absence de transparence et de garanties en matière de droits humains quant à leur utilisation. »
Une manne d’armes
« Les pays de l’UE qui transfèrent des armes et des équipements pour le maintien de l’ordre aux forces égyptiennes qui se livrent à des disparitions forcées, à la torture et à des arrestations arbitraires de façon massive, agissent de façon irresponsable et risquent de se rendre complices de ces graves violations », a-t-elle déclaré.
Des entreprises de plusieurs pays de l’UE, dont l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, ont également fourni à l’Égypte « des technologies ou des équipements sophistiqués destinés à être utilisés pour la surveillance exercée par l’État », a indiqué le rapport, citant Privacy International.
Amnesty a affirmé craindre que ces équipements « ne soient utilisés pour réprimer la dissidence pacifique et pour violer le droit au respect de la vie privée ».
L’organisation a désigné neuf autres pays : la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, la France, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et l’Espagne.
Amnesty a également fait part de préoccupations au sujet d’un nouvel assouplissement ou d’une suppression de la suspension en vigueur à travers l’UE, suite à la décision prise l’an dernier par les États-Unis de relancer leur aide militaire à destination de l’Égypte à hauteur d’1,3 milliard de dollars par an.
« L’UE devrait immédiatement imposer un embargo sur tous les transferts de types d’armes et d’équipements utilisés en Égypte pour commettre de graves violations des droits de l’homme », a déclaré l’organisation.
« L’UE et ses membres doivent cesser de récompenser le comportement déplorable de la police et de l’armée égyptiennes en leur fournissant des armes. »
Depuis que l’armée a évincé Morsi en 2013, les autorités ont lancé une répression brutale contre ses partisans, lors de laquelle plusieurs milliers de personnes ont perdu la vie et des dizaines de milliers d’autres ont été emprisonnées.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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