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En Libye, une vie rythmée par les coupures d’électricité

Après la fin des combats à l’été 2020, la désignation en mars d’un gouvernement de transition a sonné comme l’espoir que l’on n’attendait plus, mais les Libyens souffrent toujours du rationnement de l’approvisionnement électrique
Des enfants, à Tripoli, font leurs devoirs à la lumière des bougies, le 26 août 2021 (AFP/Mahmud Turkia)
Des enfants, à Tripoli, font leurs devoirs à la lumière des bougies, le 26 août 2021 (AFP/Mahmud Turkia)
Par AFP à TRIPOLI, Libye

« C’est le blackout » : en Libye, des quartiers entiers sont quotidiennement plongés dans le noir, victimes des coupures intempestives de courant. Une situation qui perdure depuis dix ans et qui n’a pas été résolue par l’éclaircie politique en cours.    

Les vitrines se succèdent, s’enchevêtrent, rivalisent de promotions pour attirer les chalands. Bibelots, prêt-à-porter, fausses grandes enseignes de restauration rapide… le long de l’avenue commerçante de Gargaresh, à Tripoli, il y a autant de boutiques que de générateurs électriques installés sur la chaussée.

Quand il y a coupure, c’est-à-dire plusieurs fois par jour pour un total d’au moins douze heures en été, un brouhaha ininterrompu s’empare de la ville, qui vibre au vrombissement des générateurs. La fumée âcre et grisâtre qui s’en dégage envahit les rues. 

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La nuit tombée, des quartiers entiers sont plongés dans le noir. 

« Parfois c’est le blackout », soupire Soufiane Zerkani, un pharmacien de 23 ans, visiblement excédé. L’électricité c’est un « besoin fondamental que l’État doit garantir », poursuit-il. 

Coupures incessantes, inflation galopante, insécurité… les Libyens subissent de plein fouet le chaos qui frappe leur pays depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi

Les infrastructures sont à plat, l’économie à terre. Pourtant, le pays est riche en hydrocarbures et ses sept millions d’âmes peu nombreuses pour se partager les dividendes des plus abondantes réserves pétrolières d’Afrique.

Après la fin des combats à l’été 2020, la désignation en mars d’un gouvernement de transition a sonné comme l’espoir que l’on n’attendait plus.

« Rien n’a changé »

Mais les Libyens souffrent toujours du rationnement de l’approvisionnement électrique. « Rien n’a changé. Les promesses faites par les gouvernements successifs n’ont pas été tenues », pointe Nader al-Naas, un étudiant de 25 ans, sur fond de bourdonnement de générateur.

La situation est désastreuse, surtout l’été quand le thermomètre tutoie les 40 degrés. Elle l’est encore plus pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un générateur. Comme Ahmed*, qui « dort sur le toit de son immeuble pour échapper à la canicule » et « éclaire son appartement d’une simple torche ». 

Un technicien répare un générateur à l’extérieur d’une boutique de la capitale de la Libye, Tripoli, le 26 août 2021 (AFP/Mahmud Turkia)
Un technicien répare un générateur à l’extérieur d’une boutique de la capitale de la Libye, Tripoli, le 26 août 2021 (AFP/Mahmud Turkia)

 À l’autre bout du pays, la pénurie d’électricité empoisonne tout autant la vie des habitants de Benghazi (est), berceau du soulèvement de 2011. Longtemps épargnée, la région orientale découvre à son tour les galères de la vie sans courant. 

Oussama al-Dalah, gérant d’une supérette, ne cache pas son désarroi. « Ces coupures nous fatiguent, nous affectent psychologiquement, nous causent des pertes. Il faut une solution radicale », assène-t-il dans sa barbe noire.

Comment expliquer ces coupures chroniques ? Dans un récent rapport, le Bureau d’audit libyen, organisme de contrôle des comptes publics, fustige la mauvaise gestion de la Compagnie générale libyenne d’électricité (GECOL), ses projets inachevés et ses investissements qui n’ont « rien apporté au réseau ». 

Joint par l’AFP, un responsable de la compagnie met en cause « des infrastructures en déliquescence depuis dix ans nécessitant d’importants travaux de maintenance ».

Les entreprises étrangères ont déserté le pays, retardant la construction de nouvelles centrales

Durant l’offensive du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, pour tenter de s’emparer de la capitale entre avril 2019 et juin 2020, des centaines d’installations haute tension ont été détruites. 

Les entreprises étrangères ont déserté le pays, retardant la construction de nouvelles centrales. Des pilleurs prospèrent dans ce chaos en arrachant les câbles pour en extraire le cuivre, vendu au marché noir.

La production, elle, tourne autour de « 5 000 à 5 500 mégawatts [MW] pour une consommation journalière de 7 000 à 8 000 MW en hiver et en été », selon le responsable de la GECOL ayant requis l’anonymat. 

Deux nouvelles centrales sont en construction à Misrata (ouest) et Tripoli par un consortium germano-turc. D’une capacité de 1 300 MW, elles entreront en service au premier trimestre de 2022, d’après cet interlocuteur. Une troisième suivra à Tobrouk, à l’extrême est du pays.

D’ici là, la crise énergétique favorise un fructueux business de générateurs, proposés autour de 400 euros pour les appareils les plus sommaires et plusieurs milliers pour les plus fiables. 

* Le prénom a été changé

Par Hamza Mekouar

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