Au milieu du chaos d’Idleb, une fillette de 8 ans s’illustre comme championne de calcul mental
Dans sa chambre impeccablement rangée, Sarah Kayali passe son temps libre à faire des calculs. Sans relâche, la fillette aux longs cheveux clairs aligne des chiffres sur des feuilles : des multiplications, des divisions, des soustractions. Il ne lui faut que quelques secondes pour résoudre ces calculs mathématiques.
Dans un coin de la pièce, son père, Abd Aljabbar, ingénieur agricole, la regarde avec fierté. « Quand Sarah avait 3 ans et demi, nous l’avons inscrite dans une école maternelle privée. Très vite, elle a été capable de faire des additions et des soustractions. À 4 ans, elle a réussi à mémoriser les tables de multiplication », explique-t-il à Middle East Eye.
« À partir de ce moment-là, avec mon épouse, qui est ingénieure également, on a compris que Sarah avait un don particulier. »
La fillette, née à Alep, est le petit génie de cette famille de cinq enfants.
Ils vivent aujourd’hui dans une maison de Hazano, au cœur de la province d’Idleb, où s’entassent selon l’ONU plus de trois millions de personnes, dont plus d’un million de déplacés.
Le 10 décembre, la fillette syrienne a survolé le concours mondial de calcul mental lancé par une organisation chinoise. Ce jour-là, elle est arrivée première parmi les 6 111 élèves issus de 19 pays.
Le 21 décembre, elle a également décroché sans difficulté la première place d’une compétition lancée cette fois par Taïwan. Ces dernières semaines, Sarah Kayali a surpris tout le monde, y compris le directeur de son école.
« Quand Sarah est arrivée dans notre école à l’âge de 4 ans, on savait qu’elle avait des facilités », explique fièrement à MEE Abdel Basit, le directeur de l’école privée de Hazano.
« On a tout fait pour l’aider à progresser encore sur le calcul mental. Je vous assure que c’est vraiment quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours ! »
Et, pour une fois, l’épidémie de coronavirus a eu un effet positif. « Cette année, grâce à ce virus, finalement, toutes les compétitions se sont faites en ligne, pas dans les pays organisateurs », poursuit Abdel Basit.
« Cela a permis à Sarah de participer à ce concours. Je n’aurais jamais pu lui obtenir un passeport pour sortir de Syrie et la faire participer sur place. »
Un talent pour l’informatique
Comme des milliers d’enfants syriens nés dans les zones hors du contrôle de Bachar al-Assad, Sarah Kayali n’a pas de passeport. Pour la faire enregistrer par les autorités syriennes, ses parents doivent se rendre dans une administration reconnue par Damas et prendre le risque de se faire arrêter.
Sarah Kayali a besoin d’apprendre chaque jour. La fillette est en demande, indique le directeur de son école, Abdel Basit.
« Nous avons commencé à initier nos élèves à des cours de robotique, de programmation informatique, et j’ai remarqué qu’elle avait aussi un talent particulier pour cela. »
La fillette a également remporté une autre compétition organisée par Taïwan. Toujours avec des chiffres, des opérations complexes de calcul mental.
Toute la province d’Idleb s’est prise d’amour pour cette fillette au visage de poupée qui incarne une lueur d’espoir pour des milliers de Syriens plongés, encore cet hiver, dans une catastrophe humanitaire sans fin.
Avant notre départ, le père de Sarah Kayali nous glisse encore quelques mots. « Quand elle a gagné cette compétition, vraiment, j’étais très fier. Mais en même temps, ça m’a rendu triste. On l’aidera toujours pour développer ses facultés mais que peut-on faire de plus pour elle ici en Syrie ? »
Après un long soupir, l’homme poursuit : « Le système éducatif ici ne permet pas de prendre en charge des enfants surdoués. Ils ont besoin d’un suivi particulier, ils sont en quelque sorte privés de leur droit à l’éducation. Je trouve cela injuste qu’elle ne puisse pas recevoir dans les écoles syriennes l’enseignement dont elle a besoin. »
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