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« Torture, traitements inhumains » : Israël emprisonne un artiste belge d’origine palestinienne

Le 19 juillet, Mustapha Awad a été arrêté par Israël alors qu’il voulait se rendre dans la terre de ses ancêtres. Accusé d’appartenance à une organisation terroriste, il aurait subi des actes de torture et des traitements inhumains
Mustapha Awad, artiste belge d’origine palestinienne, est incarcéré en Israël depuis le 19 juillet dernier (page Facebook Free Mustapha)

« Mustapha est pacifique. Si danser le patrimoine palestinien, célébrer la joie, c’est du terrorisme, alors nous sommes tous des terroristes ». C’est avec ces mots qu’An Muylaert, la mère adoptive de Mustapha Awad, s’est confiée à Middle East Eye en exprimant sa « colère » mais aussi « son inébranlable détermination » pour libérer son fils.

« Mustapha est pacifique. Si danser le patrimoine palestinien, célébrer la joie, c’est du terrorisme, alors nous sommes tous des terroristes »

- An Muylaert, mère de Mustapha Awad

Mustapha Awad, né dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban, a obtenu le statut de réfugié en Belgique à l’âge de 20 ans, avant d’obtenir la nationalité belge. L’artiste, qui est âgé de 36 ans aujourd’hui, a travaillé dans le secteur culturel et a cofondé le groupe de danse traditionnelle palestinienne « Raj’een », avec lequel il se produit sur scène.

C’est le 19 juillet dernier que la vie de ce Belge d’origine palestinienne a basculé. Alors qu’il essayait de se rendre en Palestine pour la première fois, Mustapha Awad a été arrêté à la frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie occupée, sur le pont Allenby.

Mustapha Awad dance la Dabkeh (danse traditionnelle palestinienne) sur scène à Bruxelles (page Facebook Free Mustapha)

Que reprochent les autorités israéliennes à Mustapha ? Les services de sécurité israéliens l’accusent d’appartenir au FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), un groupe de gauche doté d’une branche armée qui est placé sur la liste des organisations terroristes en Israël.

« Son avocat a confirmé qu’il a été interrogé sous pression par les autorités israéliennes. Mustapha a admis certaines accusations à son encontre sous pression, ce qui est illégal »

- Alexis Deswaef, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme en Belgique

Cependant, pour la maman de Mustapha, « la raison de son arrestation reste inconnue ». « Mustapha voulait simplement se rendre en Palestine pour la première fois, pour visiter la terre de ses ancêtres. Il ne s’est jamais rendu en Israël », explique-t-elle.

Alexis Deswaef, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme en Belgique et délégué au sein du comité de soutien de Mustapha Awad, l’affirme aussi à MEE : « Les autorités israéliennes ont arrêté un belge en dehors de leur territoire en le suspectant de crimes et délits qu’il nie, surtout qu’il n’a jamais mis les pieds en Israël ».

Impuissance face à Israël

Sa maman, ses proches et son comité de soutien, « Free Mustapha », craignent que le jeune homme ne soit victime de « torture » et de « traitements inhumains ». « Des sources proches, nous ont appris que Mustapha a été interrogé pendant plus de vingt heures, sans pouvoir manger ni dormir », a révélé sa mère à MEE.

An Muylaert, mère adoptive de Mustapha Awad, affiche la liste des 2 668 signatures recueillies par la pétition FREE MUSTAPHA, présentée aux Affaires étrangères belges le 25 août (page Facebook Free Mustapha)

Une crainte partagée par Alexis Deswaef : « Il y a des éléments qui nous permettent d’affirmer que Mustapha a été interrogé par les autorités israéliennes dans des conditions qui ne respectaient pas les standards internationaux en la matière ».

« D’ailleurs, son avocat a confirmé qu’il a été interrogé sous pression par les autorités israéliennes. Mustapha a admis certaines accusations à son encontre sous pression, ce qui est illégal », s’indigne-t-il.

Middle East Eye a demandé à l'ambassade israélienne à Bruxelles de commenter ces allégations mais n'a pas reçu de réponse.

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Depuis son arrestation, les proches de Mustapha ainsi que son comité de soutien se sont rendus deux fois au ministère des Affaires étrangères belge pour interpeller le gouvernement. En vain.

« On sent une forme d’impuissance au ministère des Affaires étrangères belge. Force est de constater qu’il n’aurait pas agi de la même manière si c’était un autre État qui traitait de la sorte un ressortissant belge »

- Alexis Deswaef

« Le ministère des Affaires étrangères belge essaye d’intervenir par la voie diplomatique mais il semble qu’Israël s’en moque royalement », s’inquiète la mère de Mustapha. « Je pense que notre ministère n’a pas assez de force devant Israël. Nous leur avons demandé d’agir avec fermeté. Nous attendons une action plus forte. »

Un constat partagé par l’avocat, Alexis Deswaef : « On sent une forme d’impuissance au ministère des Affaires étrangères belge. Force est de constater qu’il n’aurait pas agi de la même manière si c’était un autre État qui traitait de la sorte un ressortissant belge », regrette-il.

Rassemblement du comité de soutien Free Mustapha devant le ministère des Affaires étrangères belge à Bruxelles, le 3 octobre (page Facebook Free Mustapha)

« Les autorités belges sont d’accord avec tout ce que nous pointons comme dysfonctionnements et violations des droits humains par Israël à l’encontre de Mustapha Awad, mais ils nous font comprendre que c’est Israël… », poursuit l’avocat.  

« Il faut mettre fin à l’impunité du gouvernement israélien pour ses violations massives des droits de l’homme.  Mustapha est présumé innocent. Il ne bénéficie pas d’un procès équitable. Le gouvernement belge doit réclamer sa libération immédiate »

- Alexis Deswaef

Mustapha Awad sera conduit ce mercredi 10 octobre devant un tribunal israélien, d’après les dernières informations obtenues par le ministère des Affaires étrangères belge. Ses proches et son comité de soutien craignent le pire. « On ne peut pas attendre que Mustapha passe en jugement, car une fois jugé, les autorités israéliennes pourraient le convaincre de plaider coupable et d’accepter un plea bargain [une négociation de peine] », s’alarme Maître Deswaef.

« Israël va de plus en plus loin »

« Je demande à voir mon fils, à lui parler même quelques minutes. Mustapha nous manque et son arrestation nous a effondrés », confie An Muylaert.

Pour cette femme engagée en faveur de la cause palestinienne, « discuter de l’oppression que subissent les Palestiniens, critiquer l’occupation israélienne, ce n’est pas un crime ».

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Alexis Deswaef constate que « le gouvernement israélien va de plus en plus loin dans les violations du droit international ». Selon l’avocat, « l’affaire Mustapha Awad montre qu’Israël teste à chaque fois la réactivité de la communauté internationale, et en l’occurrence, le gouvernement belge ».

Spectacle de Raj’een, troupe de danse traditionnelle palestinienne créée par Mustapha Awad, à Bruxelles le 6 août (page Facebook Raj’een)

« Il faut mettre fin à l’impunité du gouvernement israélien pour ses violations massives des droits de l’homme.  Mustapha est présumé innocent. Il ne bénéficie pas d’un procès équitable. Le gouvernement belge doit réclamer sa libération immédiate », estime-t-il.

Ce mardi, 64 personnalités belges ont demandé au ministre des Affaires étrangères Didier Reynders d’adopter une position publique et gouvernementale en faveur du respect du droit et de la libération de Mustapha Awad auprès du gouvernement israélien.

Un rassemblement pour manifester contre la détention d’Awad est en outre prévu mercredi devant le ministère des Affaires étrangères belge à Bruxelles.

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