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« Tout peut arriver » : à Istanbul, la peur d’une nouvelle vague d’attentats

L’approche des élections présidentielle et législatives prévues pour juin 2023 fait craindre d’autres attentats
Une jeune fille regarde les gens pleurer les victimes de l’explosion du 13 novembre dans la rue commerçante animée d’Istiklal à Istanbul le 14 novembre 2022 (AFP/Yasin Akgul)
Une fillette regarde les gens pleurer les victimes de l’explosion du 13 novembre dans la rue commerçante animée d’Istiklal à Istanbul le 14 novembre 2022 (AFP/Yasin Akgul)
Par AFP à ISTANBUL, Turquie

Deux fillettes déposent lundi des œillets face à la boutique de prêt-à-porter devant laquelle une bombe a explosé la veille en plein cœur d’Istanbul, faisant six morts – dont une enfant de 9 ans – et des dizaines de blessés.

Dans la foule qui les entoure, venue se recueillir, beaucoup redoutent qu’une nouvelle campagne de terreur vienne meurtrir la Turquie, à sept mois des élections présidentielle et législatives prévues pour juin 2023.

Derrière, dans l’indifférence, deux femmes de ménage aspirent, le dos courbé, les bris de verre qui jonchent encore le sol de la boutique de mode dont les vitrines ont été pour partie soufflées par l’explosion. 

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L’avenue Istiklal, 1,4 kilomètre de pavés bordés de boutiques, de restaurants et où siègent de nombreux consulats européens, a été lavée à grande eau dans la nuit.

Là où des corps gisaient peu après 16h 20 dimanche (13h 20 GMT), plus une trace de sang. Le mélange de terre, de pierre et de verre propulsé à des mètres à la ronde a lui aussi disparu.

L’artère piétonne a rouvert entièrement lundi au petit matin, prête à absorber comme d’ordinaire les flots de Turcs et de touristes qui s’y déversent jusqu’à tard chaque jour de l’année.

À un détail près : les dizaines de petits bancs installés à intervalle régulier tout le long de l’avenue ont été ôtés avant le lever du jour, signe que les autorités redoutent la possibilité d’une nouvelle attaque. 

C’est sur l’un d’eux, adossé à une jardinière, qu’une femme – arrêtée dans la nuit et qui dit avoir agi pour le compte du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) selon la police turque – a déposé « un sac » dimanche après-midi. 

Juste avant le grand boom et les cris d’effroi et de panique. 

Des personnes en deuil pleurent les victimes de l’explosion du 13 novembre dans la rue commerçante animée d’Istiklal à Istanbul le 14 novembre 2022 (AFP/Yasin Akgul)
Des personnes en deuil pleurent les victimes de l’explosion du 13 novembre dans la rue commerçante animée d’Istiklal à Istanbul le 14 novembre 2022 (AFP/Yasin Akgul)

« Il faut plus de sécurité ! », tonne Idris Cetinkaya, employé d’un hôtel du quartier venu assister au recueillement.

« La police vient de fouiller mon sac en arrivant, mais c’est la première fois en un an. Il y a des millions de personnes qui viennent ici, tout peut arriver à chaque seconde ! »

L’approche des élections n’est pas pour le rassurer : une explosion « peut avoir lieu à nouveau, sur n’importe quelle rue passante ou à Sultanahmet », la péninsule historique d’Istanbul où les touristes affluent toute l’année du monde entier, redoute le quinquagénaire.

« Je n’ai pas peur. C’est passé, c’est comme ça »

En 2016-2017, une série d’attentats revendiqués par le groupe État islamique (EI) et des combattants kurdes avait endeuillé la plus grande ville de Turquie.

« La police vient de fouiller mon sac en arrivant, mais c’est la première fois en un an. Il y a des millions de personnes qui viennent ici, tout peut arriver à chaque seconde ! »

- Idris Cetinkaya, employé d’un hôtel

« Nous vivons dans la peur », abonde Kemal Öztürk, 42 ans. « En période électorale, [un nouvel attentat] peut arriver. Cela peut arriver ici ou dans n’importe quelle ville. »

« Je n’ai pas peur. C’est passé, c’est comme ça », balaie d’un revers de main un commerçant âgé, béret noir et pantalon en velours, indifférent aux caméras et aux officiels qui tourbillonnent à cinq mètres de là.

Dans sa minuscule boutique voisine, Mecit Bal qui vend du tabac et du chocolat observe, lui, le va-et-vient avec des yeux rougis.

« Je suis parti 30 minutes avant l’explosion hier. Mon fils était là. Il m’a appelé : ‘’Papa, une explosion a eu lieu’’ », confie le sexagénaire à l’AFP.

Lui aussi craint qu’un nouvel attentat puisse avoir lieu, à tout moment. 

Mais pour l’heure, le commerçant s’inquiète surtout pour son fils : « il ne va pas revenir travailler aujourd’hui, et je ne sais pas quand il reviendra. Il est psychologiquement affecté ».

Par Remi Banet.

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