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Algérie-France : première réunion de la commission d’historiens sur la colonisation

Cette instance est chargée d’aborder la question de la restitution des archives aux Algériens, les essais nucléaires dans le Sahara, les disparus de la guerre de libération ou encore la restitution des restes des dépouilles mortuaires de résistants algériens conservées dans les musées en France
Benjamin Stora, qui a rédigé en 2021, à la demande d’Emmanuel Macron, un rapport sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France et proposé une série d’actions pour déminer l’histoire et la mémoire entre les deux pays, est président de la commission pour la partie française (AFP/Ludovic Marin)
Benjamin Stora, qui a rédigé en 2021, à la demande d’Emmanuel Macron, un rapport sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France et proposé une série d’actions pour déminer l’histoire et la mémoire entre les deux pays, est président de la commission pour la partie française (AFP/Ludovic Marin)

Une commission d’historiens français et algériens mise sur place pour travailler sur la colonisation française et la guerre d’indépendance doit se réunir mercredi 22 novembre en Algérie pour la première fois depuis sa création en août 2022, selon une source proche du dossier.

La réunion se tiendra mercredi et jeudi à Constantine (dans l’est du pays), a précisé la source qui a requis l’anonymat.

Au cours de sa visite en Algérie fin août 2022, le président français Emmanuel Macron avait annoncé la création de cette instance, d’un commun accord avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.

Il s’agit pour les deux pays de « regarder ensemble cette période historique » du début de la colonisation française (1830) jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance (1962).

« Sans tabou »

L’idée est d’aborder le sujet « sans tabou, avec une volonté […] d’accès complet à nos archives », avait alors souligné le président Macron.

Mais en plus de la question liée à l’ouverture et à la restitution des archives, la commission qui sera mise en place abordera d’autres points du contentieux historique algéro-français, comme les essais nucléaires dans le Sahara, les disparus de la guerre de libération, la « bataille d’Alger » (1957) ou encore la restitution des restes des dépouilles mortuaires de résistants algériens conservées dans les musées en France.

Elle s’était réunie en avril par visioconférence.

Les cinq historiens français qui en font partie sont Benjamin Stora (également coprésident de la commission), Florence Hudowitz (conservatrice au MUCEM, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), le professeur des universités Jacques Frémeaux ainsi que les historiens et enseignants universitaires Jean-Jacques Jordi et Tramor Quemeneur, a indiqué l’Élysée.

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Elle est coprésidée côté algérien par l’historien Mohamed Lahcen Zighidi. En novembre 2022, la présidence algérienne avait désigné Mohamed Lahcen Zighidi et les historiens Mohamed El Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Fillali et Djamel Yahiaoui pour faire partie de cette commission.

Sa mise en place s’inscrit dans la politique d’apaisement décidée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France sur le passé colonial.

Au moment de l’annonce, des historiens français avaient toutefois critiqué la démarche.

« Les historiens et les historiennes n’ont pas attendu la demande des deux chefs d’État pour travailler et coopérer », avait par exemple déclaré à Middle East Eye Sylvie Thénault, historienne et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste de la colonisation et de la guerre d’indépendance de l’Algérie,  en citant par exemple un travail collectif qu’elle a codirigé avec des collègues algériens et d’autres nationalités en 2012 et qui avait donné lieu à un ouvrage, L’Histoire de l’Algérie à la période coloniale.

L’historien Fabrice Riceputi, chercheur associé à l’Institut d’histoire du temps présent et co-animateur du site 1000autres.org, qui enquête sur les disparitions forcées pendant la « bataille d’Alger », s’était aussi montré sceptique sur l’utilité de la commission Macron-Tebboune.

« Depuis 30 ans, une masse de travaux a été faite sur tous les aspects de l’histoire de l’Algérie coloniale et la guerre d’indépendance », avait-il expliqué à MEE. « L’essentiel est déjà bien connu et ces travaux font consensus parmi les historiens du monde entier, en particulier entre les historiens algériens et français pour décrire la conquête coloniale, la spoliation des terres, les révoltes et leur répression sanglantes, les massacres, la torture, les disparitions forcées. On ne peut pas faire comme si tout ceci n’était pas connu. »

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