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La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza et de permettre l’acheminement de l’aide

La Cour internationale de justice s’est prononcée sur les mesures provisoires proposées par l’Afrique du Sud dans le cadre de l’affaire de génocide qui l’oppose à Israël
Un manifestant brandit le drapeau palestinien devant le palais de la Paix avant le verdict de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire de génocide contre Israël, intentée par l’Afrique du Sud, à La Haye, le 26 janvier 2024 (Remko de Waal/ANP/ AFP)
Par MEE

La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un arrêt provisoire appelant Israël à s’abstenir d’entraver l’acheminement de l’aide dans la bande de Gaza et à améliorer la situation humanitaire.

La Cour a également ordonné à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir les actes de génocide dans l’enclave assiégée et pour sanctionner l’incitation au génocide.

La Cour n’a cependant pas ordonné à Israël de mettre fin aux opérations militaires à Gaza, l’une des principales demandes de l’Afrique du Sud dans la plainte qu’elle a déposée à La Haye début janvier.

« La Cour rappelle que ses ordonnances sur les mesures provisoires ont un effet contraignant et créent donc des obligations juridiques internationales pour toute partie à laquelle les mesures provisoires sont adressées », a déclaré la Cour vendredi.

Elle a également appelé à la libération des otages capturés par le Hamas lors de son attaque du 7 octobre dans le sud d’Israël.

Si la Cour ne devrait pas se prononcer avant un certain temps sur la question de savoir si Israël commet un génocide dans sa guerre contre l’enclave assiégée, elle s’est prononcée vendredi sur plusieurs des neuf mesures provisoires demandées par l’Afrique du Sud.

Parmi les neuf mesures provisoires demandées par l’Afrique du Sud figurent la cessation immédiate des opérations militaires à Gaza, la prévention des déplacements forcés de Palestiniens, la levée de toute restriction à l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave, la cessation de tout génocide et de toute incitation au génocide et la prévention de la destruction des preuves des crimes allégués dans la bande de Gaza.

Dans ses conclusions, la CIJ considère qu’Israël doit, « conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants : a) meurtre de membres du groupe, b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe.

« La Cour rappelle que de tels actes entrent dans le champ d’application de l’article II de la convention lorsqu’ils sont commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe comme tel. La Cour considère également qu’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés ci-dessus.

« La Cour considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza.

« En outre, la Cour est d’avis qu’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza.

« Israël doit aussi prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention sur le génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza. »

Les juges « ont statué en faveur de l’humanité et du droit international »

La CIJ n’est compétente que pour traiter des affaires impliquant des États et peut donc donner des ordres à Israël mais pas au Hamas, une entité non étatique.

L’arrêt rendu vendredi par la CIJ est juridiquement contraignant, mais la Cour de La Haye ne dispose que de peu de moyens pour le faire respecter.

Les États pourraient éventuellement appeler le Conseil de sécurité des Nations unies à mettre en œuvre des sanctions distinctes à l’encontre d’Israël si ce dernier ne se conformait pas aux décisions de la CIJ.

Le gouvernement israélien avait déjà déclaré que même la Cour internationale de justice ne pourrait l’empêcher de rétablir « la sécurité dans le sud et le nord » de son pays.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a répondu à la décision de la CIJ dans un message vidéo où il qualifie la décision de « discrimination », affirmant qu’Israël mène une « guerre juste pas comme les autres » et continuera à « se défendre ».

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Pour sa part, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a publié un simple message sur les réseaux sociaux : « Hague Schmague », utilisant un procédé linguistique de réduplication originaire du yiddish selon lequel le mot original ou sa première syllabe est répété avec la copie commençant par shm-, utilisé pour indiquer le sarcasme, le scepticisme ou le manque d’intérêt.

Le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Maliki, s’est en revanche félicité de la décision de la Cour lors d’un discours télévisé vendredi.

« Les juges de la CIJ ont examiné les faits et le droit, ils ont statué en faveur de l’humanité et du droit international », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que la Palestine appelait tous les États à veiller à ce que les mesures ordonnées par la Cour soient mises en œuvre « y compris par Israël, la puissance occupante ».

Un haut responsable du Hamas, Sami Abu Zuhri, a déclaré à Reuters qu’Israël devait mettre en œuvre la décision de la CIJ, ajoutant que ce jugement constituait un développement important qui contribuait à isoler Israël et à dénoncer ses crimes à Gaza.

À Gaza, les Palestiniens n’ont pas tous accueilli avec enthousiasme la décision de la Cour. Hind Khoudary, journaliste basée dans la bande côtière et collaboratrice de Middle East Eye, a commenté dans un message sur X : « Félicitations à la CIJ et au monde. Vous avez encore une fois laissé tomber les Palestiniens. »

Le gouvernement sud-africain a pour sa part réagi en qualifiant la décision de la CIJ de « victoire décisive ». Pretoria a salué les mesures provisoires et déclaré qu’il espérait qu’Israël ne manquerait pas de respecter les ordonnances du tribunal, ajoutant qu’il continuerait à œuvrer pour protéger les droits des Palestiniens à Gaza.

La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a toutefois déclaré aux journalistes qu’elle aurait souhaité que la CIJ appelle à un cessez-le-feu.

« Je crois que pour appliquer l’ordre, il faudrait un cessez-le-feu, sans lequel l’ordre ne fonctionne pas. J’aurais voulu un cessez-le-feu […] fournir une aide humanitaire et prendre des mesures qui réduisent les niveaux de dégâts… pour moi, il faut un cessez-le-feu », a-t-elle ajouté.

Traduit de l’anglais (original).

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