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Avant la COP27, l’Égypte face aux défis de la participation et des droits humains

Pour Human Rights Watch, l’Égypte « pourrait tenter d’exploiter la COP27 pour promouvoir une image de tolérance alors que l’oppression politique est à l’origine de l’une des crises des droits humains les plus graves du pays »
Des volontaires ratissent l’eau du Nil au large de l’île de Manial al-Roda au Caire, le 7 mars 2020, alors qu’ils participent à une campagne de nettoyage des déchets d’eau (AFP/Khaled Desouki)
Des volontaires ratissent l’eau du Nil au large de l’île de Manial al-Roda au Caire, le 7 mars 2020, alors qu’ils participent à une campagne de nettoyage des déchets d’eau (AFP/Khaled Desouki)
Par AFP

À une semaine de la COP27, l’Égypte multiplie les appels du pied aux dirigeants du monde pour faire de ce sommet climatique un rendez-vous diplomatique incontournable tout en tentant d’éviter les critiques sur ses violations des droits humains.

Jusqu’ici, aucun chef d’État n’a officiellement confirmé sa participation à la conférence qui s’ouvrira le 6 novembre à Charm el-Cheikh sur la mer Rouge, mais une absence est déjà remarquée : le roi Charles III ne sera pas là.

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Le président de la COP27, le chef de la diplomatie égyptienne Sameh Choukri, a été « déçu », selon un responsable égyptien cité par le quotidien britannique The Guardian. « Nous espérons que cela ne signale pas que la Grande-Bretagne se met en retrait du mouvement mondial sur le changement climatique », a-t-il ajouté.

Et ce, alors même que le monde est déjà accaparé par d’autres questions pressantes comme l’invasion russe de l’Ukraine ou la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.

Or, Le Caire veut en priorité mobiliser les pays industrialisés et pollueurs autour de cette COP en Afrique.

La communauté internationale réaffirme toujours l’objectif de l’accord de Paris de contenir le réchauffement de la planète à 1,5°C de plus qu’à l’ère pré-industrielle – ce qui semble pour l’heure hors d’atteinte, puisque nous sommes déjà à près de 1,2°C.

Un niveau auquel les conséquences catastrophiques du réchauffement se multiplient déjà à travers le monde – sécheresses, inondations, canicules, mégafeux – frappant notamment les pays les plus pauvres, les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement.

Les préoccupations environnementales, « un luxe »

Ces pays réclament donc un financement spécifique pour compenser les « pertes et dommages » subis, un dossier qui promet d’être âprement discuté à la COP, les plus riches, souvent gros pollueurs, étant très réticents. Le débat se déroule dans un climat de méfiance, les pays riches n’ayant toujours pas tenu leur engagement d’une aide climatique aux pays pauvres de 100 milliards de dollars par an pour la baisse des émissions et l’adaptation.

Mahmoud Mohieldin, haut responsable onusien pour l’action climatique, a toutefois salué « la promesse d’un certain nombre de pays de remplir leur part de l’engagement de Copenhague de fournir 100 milliards de dollars par an » même si ce montant « ne représente que 3 % des besoins ».

« Les engagements collectifs des gouvernements du G20 sont trop faibles et arrivent trop tard »

- Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU

Mais pour le patron de l’ONU, António Guterres, « les engagements collectifs des gouvernements du G20 sont trop faibles et arrivent trop tard ».

En Égypte, concédait récemment la ministre de l’Environnement Yasmina Fouad, les préoccupations environnementales ont longtemps été considérées comme « un luxe » que le pays de 104 millions d’habitants ne pouvait se permettre.

Aujourd’hui, il s’est fixé comme objectif d’atteindre 42 % de son électricité provenant d’énergies renouvelables d’ici 2035 mais pour les défenseurs de l’environnement, cela ne suffit pas.

Climate action tracker dénonce des politiques « fortement insuffisantes », alors que Human Rights Watch (HRW) affirme que l’Égypte est « à l’origine de plus d’un tiers de la consommation de méthane en Afrique ». Or, selon l’ONU, « le méthane est à l’origine d’environ 30 % du réchauffement de la planète ».

« Surveillance physique et numérique »

Pire encore, dénonce Greenpeace, le choix de Coca-Cola, « le premier responsable de la pollution au plastique du monde », comme sponsor officiel de la COP27 est « effarant ».

Surtout, régulièrement sur les réseaux sociaux, des habitants dénoncent la destruction de parcs, véritables poumons notamment dans la capitale tentaculaire et surpeuplée. 

Ainsi ces dernières années, le parc Happyland dans le delta du Nil a disparu, celui de Merryland au Caire ne cesse de dépérir, tandis que « le jardin international » de Nasr City a été transformé en parking.

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Dans un pays où manifester est interdit et où des centaines de sites dénonçant violations des droits humains et de l’environnement sont bloqués, les militants s’inquiètent.

« On nous a déjà dit que seules les manifestations ayant obtenu une autorisation seront possibles », dénonce Patience Nabukalu, de la branche ougandaise du mouvement Fridays For Future.

« Où seront les victimes du changement climatique dans cette COP ? », ajoute-t-elle alors que les prix des hôtels à Charm el-Cheikh ont déjà découragé de nombreux militants, notamment africains.

Pour HRW, en permettant une forme de contestation, l’Égypte « pourrait tenter d’exploiter la COP27 pour promouvoir une image de tolérance alors que l’oppression politique […] est à l’origine de l’une des crises des droits humains les plus graves du pays ».

De nombreux militants entendent d’ailleurs évoquer à la COP le sort d’Alaa Abdel Fattah, Égypto-britannique en grève de la faim depuis six mois pour dénoncer son emprisonnement.

Mais HRW prévient : « l’hypothèse d’une surveillance physique et numérique des participants à la COP27 est réaliste. »

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