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Dans l’ombre de Cléopâtre, ces quatre femmes ont aussi régné sur l’Égypte

Alors qu’un nouveau biopic hollywoodien consacré à la reine d’Égypte au destin funeste est en préparation, nous nous penchons sur ces femmes qui ont dirigé des armées, négocié la paix et affronté de grands empires
Les successeurs d’Hatchepsout auraient tenté de l’effacer des tablettes de l’histoire (Creative Commons)Alors qu’un nouveau biopic hollywoodien consacré à la reine d’Égypte au destin funeste est en préparation, nous nous penchons sur ces femmes qui ont dirigé des armées, négocié la paix et affronté de grands empires
Les successeurs d’Hatchepsout auraient tenté de l’effacer des tablettes de l’histoire (Creative Commons)

Cléopâtre revient sur le devant de la scène après l’annonce d’un nouveau biopic hollywoodien consacré à la légendaire souveraine égyptienne, avec Gal Gadot en tête d’affiche.

Le choix de l’actrice israélienne a fait l’objet de nombreuses critiques en Égypte. Beaucoup auraient préféré voir ce rôle être confié à une actrice égyptienne.

Mais la fascination toujours intacte de l’industrie cinématographique pour la reine « sexy et attirante » et sa romance funeste avec le général romain Marc-Antoine révèle la place centrale qu’elle occupe dans l’imaginaire occidental.

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Connue pour sa beauté et son intelligence, Cléopâtre fut la dernière souveraine égyptienne de la dynastie ptolémaïque et régna sur l’Égypte de 51 à 30 avant J-C.

Elle était la descendante de Ptolémée Ier, un Grec de Macédoine qui avait pris le contrôle de la partie méditerranéenne de l’empire d’Alexandre le Grand, englobant une grande partie de l’Égypte, du littoral levantin et du sud de l’Anatolie.

À la mort de son père Ptolémée XII, Cléopâtre monta sur le trône avec son frère Ptolémée XIII, qui devint également son époux.

Ni leur union, ni les liens du sang ne suffirent à mettre fin à la lutte pour le pouvoir entre les deux souverains et Ptolémée XIII chassa rapidement Cléopâtre du trône, avant de la contraindre à l’exil.

Une souveraine parmi d’autres

Avec le soutien de Jules César, qui devint son amant et le père de son fils Césarion, Cléopâtre retrouva son statut de reine et Ptolémée fut à son tour écarté du pouvoir avant de trouver la mort dans sa fuite.

À la mort de César, Cléopâtre se retrouva au cœur d’une nouvelle lutte pour le pouvoir, cette fois-ci entre Octave, fils adoptif de César, et son ami et camarade Marc-Antoine, avec qui elle entama également une relation.

Octave ressortit vainqueur de ce conflit. Face à la perspective d’une mort indigne aux mains du souverain romain, Cléopâtre et Marc-Antoine se donnèrent tous deux la mort.

Chajar ad-Durr : son nom, qui signifie « arbre de perles », lui aurait été donné en raison de sa beauté exceptionnelle

Selon un récit de sa mort, la reine d’Égypte a mis fin à ses jours en se laissant mordre à la poitrine par un serpent venimeux.

Malgré sa célébrité durable, Cléopâtre ne fut qu’une souveraine d’Égypte parmi d’autres dont l’histoire comporte des intrigues et des rebondissements presque aussi spectaculaires. Middle East Eye présente ici quatre autres femmes :

Sous Chajar ad-Durr, l’Égypte passa de la domination des Ayyoubides, descendants du célèbre général islamique Saladin, à celle des Mamelouks, une classe d’esclaves guerriers d’élite originaires du Caucase et d’Asie centrale.

On sait peu de choses sur les premières années de la reine. Les légendes affirment tour à tour qu’elle pouvait être circassienne, grecque ou même bédouine, mais elle naquit probablement en Arménie vers 1220, dans une famille de nomades kiptchaks.

Si ses origines ne sont pas connues avec certitude, on sait en revanche qu’elle se hissa au rang de favorite à la cour ayyoubide.

Son nom, qui signifie « arbre de perles », lui aurait été donné en raison de sa beauté exceptionnelle.

Chajar ad-Durr telle que représentée dans une publication libanaise consacrée à l’Empire ayyoubide (Creative Commons)
Chajar ad-Durr telle que représentée dans une publication libanaise consacrée à l’Empire ayyoubide (Creative Commons)

Elle devint la favorite du sultan Malik al-Salih Ayyoub, dont on raconte qu’il était si épris d’elle qu’il l’emmenait avec lui dans ses expéditions militaires.

Chajar ad-Durr donna naissance au fils du sultan, Khalil. Tous deux se marièrent rapidement, mais leur enfant mourut en bas âge.

Accompagnant constamment son mari, Chajar ad-Durr acquit de solides connaissances en stratégie militaire et en politique, qu’elle mit à profit après la mort du sultan, emporté par la maladie au cours d’un assaut croisé en Égypte.

Alors que les forces européennes espéraient renverser la dynastie du sultan et utiliser l’Égypte comme tremplin pour entrer dans Jérusalem, Chajar ad-Durr prit la tête des forces militaires ayyoubides et parvint à repousser l’invasion, capturant même l’un de ses principaux chefs, le roi de France Louis IX.

Même si la reine régna seule pendant 80 jours, on attendait d’elle qu’elle trouve un consort avec lequel partager le pouvoir. Chajar ad-Durr épousa donc l’officier mamelouk Aybak, mettant ainsi fin à la dynastie ayyoubide.

Mais leur union tourna court lorsqu’Aybak prit une seconde épouse dans le cadre d’une alliance politique. Furieuse, Chajar ad-Durr fit assassiner son nouveau mari et maquilla ce meurtre en mort naturelle.

Les compagnons mamelouks d’Aybak finirent par obtenir des aveux des complices de la reine sous la torture et la firent emprisonner, avant de la tuer.

Sitt al-Mulk 

Née en Tunisie de Nizar al-Aziz Billah, cinquième calife fatimide, et d’une mère chrétienne melkite d’origine byzantine, Sitt al-Mulk s’installa au Caire lorsque les Fatimides y transférèrent leur capitale en 973.

Elle était la fille préférée de son père : il se dit qu’il lui demandait des conseils en matière de politique.

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Alors qu’elle avait 26 ans, son père mourut et son demi-frère al-Hakim bi-Amr Allah, âgé de 10 ans, accéda au trône. 

Le frère et la sœur auraient entretenu des relations tendues et des divergences d’opinion quant au traitement à réserver aux non-musulmans et aux femmes.

Lorsqu’al-Hakim disparut mystérieusement, avant d’être déclaré mort en 1021, son fils Ali az-Zahir, âgé de 16 ans, fut déclaré nouveau calife et Sitt al-Mulk devint régente, poste qu’elle occupa pendant deux ans, jusqu’à sa mort.

Elle est connue pour son administration disciplinée du califat fatimide en matière de fiscalité, ainsi que pour ses politiques libérales et tolérantes envers les non-musulmans.

Hatchepsout

Membre de la XVIIIe dynastie, Hatchepsout régna sur l’Égypte pendant un peu plus de deux décennies au XVe siècle avant notre ère.

Fille de Thoutmosis Ier, Hatchepsout épousa son frère Thoutmosis II alors qu’elle était âgée d’environ 12 ans.

Après la mort de ce dernier, elle devint la régente de son beau-fils Thoutmosis III. Fils de Thoutmosis II et d’une autre femme, il était donc également son neveu.

Hatchepsout développa les premières infrastructures de l’Égypte au cours de ses deux décennies de règne (Creative Commons/Metropolitan Museum of Art)
Hatchepsout développa les premières infrastructures de l’Égypte au cours de ses deux décennies de règne (Creative Commons/Metropolitan Museum of Art)

En tant que pharaon, Hatchepsout œuvra à la construction de monuments et encouragea la production artistique : elle-même apparaît dans de nombreuses sculptures sous la forme d’un personnage androgyne, parfois représenté comme un homme musclé et barbu.

Bien qu’Hatchepsout ait mené des expéditions militaires en Nubie au début de son règne, sa politique étrangère était largement axée sur le commerce plutôt que sur la guerre.

Sous son règne, l’Égypte importa des arbres du pays de Pount (dans l’actuelle Somalie). Ceux-ci étaient utilisés pour la production de myrrhe, une résine produite à partir de la sève de l’arbre à myrrhe, qui était utilisée en médecine, en parfumerie et pour embaumer les morts dans les rituels funéraires égyptiens.

Les archéologues et les historiens n’ont pris conscience de l’identité d’Hatchepsout et de son œuvre immense en Égypte antique qu’en 1822, lorsqu’ils ont pu décoder et lire les hiéroglyphes sur les murs de Deir el-Bahari

Hatchepsout quitta son poste de régente lorsque Thoutmosis III s’empara des pleins pouvoirs. Le nouveau souverain entreprit de s’attribuer le mérite de ses réalisations et tenta d’effacer son nom des tablettes de l’histoire.

L’ancienne reine d’Égypte fut inhumée dans l’un des monuments qu’elle fit construire, le complexe funéraire de Deir el-Bahari, à l’ouest de Thèbes.

Les archéologues et les historiens n’ont pris conscience de l’identité d’Hatchepsout et de son œuvre immense en Égypte antique qu’en 1822, lorsqu’ils ont pu décoder et lire les hiéroglyphes sur les murs de Deir el-Bahari.

Une momie considérée comme la sienne est aujourd’hui exposée au Musée égyptien du Caire.

Zénobie

Zénobie fut reine de Palmyre, une ville du désert syrien connue pour ses ruines de temples. Elle vécut au IIIe siècle de notre ère, pendant la domination romaine du Proche-Orient.

Connue pour sa beauté, sa force et son intelligence, elle parlait le latin, le grec, le syriaque et le copte égyptien.

Zénobie est représentée ici dans une illustration tirée de La Gallerie des femmes fortes (vers 1647), de Pierre Le Moyne (Creative Commons/Metropolitan Museum of Art)
Zénobie est représentée ici dans une illustration tirée de La Gallerie des femmes fortes (vers 1647), de Pierre Le Moyne (Creative Commons/Metropolitan Museum of Art)

Elle épousa le roi Odénat, le souverain de Palmyre, à l’âge de 14 ans. À sa mort en 267 ou 268, elle devint la régente de leur fils Vaballath.

Palmyre se situait sur une route commerciale très fréquentée par des marchands venus de Chine, d’Inde et de régions reculées de la péninsule Arabique qui transitaient vers les terres romaines.

Alors que les souverains du Proche-Orient possédaient à l’époque une autorité limitée, ils étaient officiellement loyaux envers l’Empire romain.

À l’époque, Rome devait faire face à des invasions de tribus germaniques dans ses territoires septentrionaux. Peut-être motivée par un désir d’assurer la sécurité des régions orientales, Zénobie entreprit d’établir son propre empire.

Quelques années après la mort de son époux, elle avait pris le contrôle de l’Égypte, de la Syrie et de certaines parties de l’Anatolie, et déclaré son indépendance vis-à-vis de Rome.

Certains experts soutiennent que Zénobie mourut avant d’atteindre Rome, tandis que d’autres affirment qu’elle fut exhibée dans les rues de la cité

La perte de l’Égypte, fournisseur essentiel de céréales pour l’empire, était une ligne rouge pour Rome. Ainsi, l’empereur Aurélien envoya rapidement une armée à l’est afin de mettre fin à la révolte et de vaincre l’armée de Zénobie, composée de dizaines de milliers de soldats.

À son apogée, le territoire de Zénobie s’étendait de l’actuelle Ankara au sud de l’Égypte du nord au sud, et des frontières de la Libye au nord de l’Irak d’ouest en est.

Aurélien vainquit les rebelles lors de la bataille d’Immaé en 272 et encercla rapidement Palmyre. Il fit capturer Zénobie et Vaballath et les emmena de force à Rome pour sa procession triomphale.

La question de leur arrivée à Rome fait l’objet d’un débat entre les experts : certains soutiennent que Zénobie mourut avant d’atteindre Rome, tandis que d’autres affirment qu’elle fut exhibée dans les rues de la cité.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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