Aller au contenu principal

The Crown : qui sont Mohamed et Dodi al-Fayed ?

Le milliardaire égyptien et son fils, mort aux côtés de la princesse Diana, figurent au programme de la saison 5 de la série à succès de Netflix
Dodi al-Fayed (à gauche, interprété par l’acteur Khalid Abdalla) et son père le milliardaire égyptien Mohamed (Salim Daw) dans la saison 5 de The Crown (Netflix)
Dodi al-Fayed (à gauche, interprété par l’acteur Khalid Abdalla) et son père le milliardaire égyptien Mohamed (Salim Daw) dans la saison 5 de The Crown (Netflix)

La reine Elizabeth II côtoyait d’importantes personnalités du Moyen-Orient.

Au cours de ses 70 ans de règne, elle a fréquenté de nombreux dirigeants de la région – dont certains ont fini exécutés, exilés ou sont devenus des parias de la communauté internationale.

Mais l’une des plus importantes personnalités du monde arabe à entrer dans l’orbite de la famille royale britannique ces dernières décennies n’était pas un roi ni un président mais un milliardaire égyptien.

Mohamed al-Fayed et son défunt fils Dodi sont largement présents dans la dernière saison de la série à succès de Netflix The Crown qui dépeint la vie de la reine, avec un épisode complet dédié à leur histoire.

Middle East Eye revient sur la vie de ce magnat qui a courtisé puis fui l’establishment britannique et son fils mondain décédé tragiquement aux côtés de Diana, la princesse de Galles.

Mohamed al-Fayed et les Khashoggi 

Mohamed al-Fayed (interprété dans The Crown par l’acteur palestinien Salim Daw) est né à Alexandrie en 1929, à une époque où l’Égypte venait d’obtenir son indépendance et de se libérer de la domination britannique, mais était toujours très influencée par l’ancienne puissance coloniale.

Si Mohamed al-Fayed a raconté de nombreuses histoires, souvent fausses, sur la richesse dynastique de ses ancêtres, son père était probablement enseignant ou inspecteur scolaire. 

EN IMAGES : La reine Elizabeth II et le Moyen-Orient
Lire

En 1952, Mohamed al-Fayed a rencontré le jeune Saoudien Adnan Khashoggi, qui allait devenir un célèbre vendeur d’armes milliardaire.

Le père d’Adnan Khashoggi, Mohamed, était le médecin personnel de Ibn Saoud, premier roi d’Arabie saoudite

Impressionné par le sens des affaires de Fayed, Adnan Khashoggi lui a donné un emploi dans sa société, et il n’a pas fallu longtemps pour que l’Égyptien l’aide à générer de gros profits. 

En 1954, il a épousé la sœur de Khashoggi, Samira, âgée de 18 ans à l’époque. L’année suivante, elle a donné naissance à leur fils unique Emad El-Din Mohamed Abdel Mena’em Fayed, plus connu sous le nom de Dodi. Tous deux ont divorcé alors que Dodi n’avait que 4 ans.

Parmi les neveux de Samira et cousins de Dodi figurait le journaliste de MEE Jamal Khashoggi, assassiné par des agents saoudiens à Istanbul en 2018.

Empire commercial

La révolution égyptienne de 1952, qui a conduit à la présidence de Gamal Abdel Nasser et à la crise de Suez en 1956, a permis à Mohamed al-Fayed d’acheter une entreprise de transport maritime à prix réduit à la fin des années 1950.

Lors de la décennie suivante, il a déménagé au Royaume-Uni, d’où le magnat en plein essor est devenu un conseiller du sultan de Brunei – alors parmi les plus riches du monde.

Il a également conseillé l’ancien dirigeant de Dubaï Rachid ben Saïd al-Maktoum, l’aidant à construire les infrastructures de la ville et à lui présenter des sociétés britanniques, bénéficiant d’importantes commissions au passage en tant qu’intermédiaire.

Il a ensuite acheté plusieurs actifs très médiatisés : le Ritz à Paris en 1979, le grand magasin Harrods à Londres en 1984 (vendu à un fonds souverain qatari en 2010) et le club de foot de Fulham en 1997 (vendu en 2013).

Mohamed al-Fayed a épousé l’ancienne mannequin finlandaise Heidi Wathen en 1985 et le couple a eu quatre enfants.

La dernière saison de The Crown comporte l’épisode « Mou » (d’après le surnom de Fayed), axé sur les tentatives du milliardaire pour s’intégrer dans la haute société britannique et, en particulier, courtiser la famille royale.

Le milliardaire Mohamed al-Fayed montre la couverture grand format d’un passeport britannique lors d’une conférence de presse à Londres, le 13 novembre 1996 (Reuters)
Le milliardaire Mohamed al-Fayed montre la couverture grand format d’un passeport britannique lors d’une conférence de presse à Londres, le 13 novembre 1996 (Reuters)

Ainsi, en 1986, il a loué l’ancienne demeure d’Edward VIII, l’ancien roi qui avait abdiqué en 1936. Avec le valet de l’ancien monarque Sydney Watson, Fayed a rénové la demeure et l’a rebaptisée « Villa Windsor », dans l’espoir supposé de s’attirer les faveurs de la reine.  

Mais ces tentatives d’assimilation n’ont pas toujours fonctionné : un rapport du gouvernement britannique a conclu qu’il avait menti sur ses origines et sa richesse et la nationalité britannique lui a été refusée par deux fois.

En 1994, dans le cadre de ce qu’on a appelé l’affaire « cash for questions », il a révélé qu’il avait payé des députés pour poser des questions pour son compte au Parlement. Cela a mis fin aux carrières de deux députés et une commission a été établie par la suite pour empêcher que de tels procédés ne se reproduisent à nouveau. 

Le réalisateur mondain

Après la séparation de ses parents à un jeune âge, Dodi a passé son enfance autour du monde, d’une prestigieuse école privée à l’autre. 

Il a étudié à l’internat huppé Le Rosay en Suisse avant d’être inscrit à l’académie militaire de Sandhurst dans le Sud-Est de l’Angleterre. Il a par la suite brièvement rejoint l’armée de l’air des Émirats arabes unis en tant que sous-officier stationné à Londres. 

Charles III : comment le nouveau roi est devenu le monarque le plus islamophile de l’histoire britannique
Lire

Dans la capitale, Dodi s’est attiré la réputation de mondain doté d’un penchant pour les voitures de luxe et les femmes célèbres. 

Il a fréquemment été photographié avec – et selon certaines rumeurs aurait fréquenté – des personnalités médiatiques comme Brooke Shields, Julia Roberts, Winona Ryder et Tina Sinatra. 

Mais des sources proches de lui ont déclaré au Guardian que s’il avait embauché un publicitaire pour s’assurer d’être photographié avec des célébrités, il pourrait ne pas avoir vraiment eu de relations avec elles. Il a épousé le mannequin Suzanne Gregard en 1986, mais ils ont divorcé seulement huit mois plus tard. 

Dodi est interprété dans The Crown par l’acteur Khalid Abdalla, ami de longue date du prisonnier britanno-égyptien Alaa Abdel Fattah, qui a récemment mis un terme à sa grève de la faim en prison. 

Khalid Abdalla refuse de qualifier Dodi de « playboy », expliquant dans une interview que c’était plutôt une « sorte de Hugh Hefner truculent », en référence au fondateur et propriétaire américain du magazine de charme Playboy ; c’était une personne attachante « aimant la sentimentalité ». 

Après son passage dans l’armée, Dodi a fait carrière dans l’industrie cinématographique, devenant producteur exécutif de plusieurs films dont Les Chariots de feu, qui a remporté quatre Oscars en 1982.

Pendant son discours de remise de l’Oscar, le producteur David Puttnam a remercié Mohamed et Dodi al-Fayed pour « avoir mis leur argent là où se trouve ma bouche ». 

Puttnam a ensuite déclaré avoir renvoyé Dodi du plateau de tournage pour avoir supposément donné de la cocaïne à des membres du casting.

Dodi et Diana 

Dodi et la princesse Diana se seraient d’abord brièvement rencontrés lors d’un match de polo en 1986, à l’époque où elle était encore mariée au prince Charles. 

Mais c’est à l’été 1997, après le divorce de Diana, qu’ils ont passé du temps ensemble pour la première fois. Diana avait été invitée par le père de Dodi sur son yacht à Saint-Tropez, amenant avec elle les jeunes princes William et Harry. 

Diana est retournée sur le yacht, baptisé Jonikal, quelques semaines plus tard sans ses enfants. C’est alors qu’elle a été photographiée en train d’embrasser Dodi, faisant les unes du monde entier.

Diana, princesse de Galles, et l’homme d’affaires égyptien Dodi al-Fayed au large de Saint-Tropez, en France, le 22 août 1997 (Reuters)
Diana, princesse de Galles, et l’homme d’affaires égyptien Dodi al-Fayed au large de Saint-Tropez, en France, le 22 août 1997 (Reuters)

Ils ont passé des vacances ensemble dans le Sud de la France et en Sardaigne. C’est à leur retour à Paris par la suite qu’ils ont tous les deux perdu la vie dans l’accident fatal.

Après avoir quitté le Ritz à Paris le 31 août 1997, ils ont été tués avec leur chauffeur Henri Paul dans un accident dans le tunnel du pont de l’Alma.

Des funérailles musulmanes ont été organisées pour Dodi dans une mosquée du centre de Londres et il a d’abord été inhumé dans un cimetière de la capitale britannique avant d’être transféré dans la propriété de son père dans le Surrey.

En 2005, Mohamed al-Fayed a érigé une statue de bronze de Dodi et Diana dansant à Harrods, avec la légende « victimes innocentes ». La statue a été retirée et rendue au milliardaire en 2018. 

Midnight in Cairo : l’extravagance, le glamour et le cran des grandes dames d’Égypte
Lire

Pendant des années, Mohamed al-Fayed a soutenu que ce n’était pas un accident et est devenu un partisan de la thèse conspirationniste selon laquelle la famille royale britannique était impliquée. Il a engagé une équipe de détectives privés pour enquêter.

Il a également affirmé que Diana était enceinte de Dodi et que tous deux avaient l’intention de se marier, des rumeurs démenties par les proches de la princesse.

Ce n’est qu’après que l’enquête officielle en 2008 a conclu à un « homicide involontaire » provoqué par le chauffeur en état d’ébriété que Mohamed al-Fayed a renoncé, par respect pour William et Harry.

« Je me remets à Dieu pour obtenir vengeance », a-t-il déclaré à l’époque.

Mohamed al-Fayed, aujourd’hui âgé de 93 ans, partage actuellement son temps entre ses propriétés du Surrey et d’Écosse. Il s’est retiré de la vie publique ces dernières années, surtout après plusieurs accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles. Selon Forbes, la fortune de Mohamed al-Fayed était estimée à 1,6 milliard de livres (1,84 milliard d’euros) en mai.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].