Des élections tous les ans ? Quatre moments étranges offerts par Sissi au Forum mondial de la jeunesse
À l’occasion d’un forum international destiné à répondre aux besoins et aux aspirations des jeunes, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a fait les gros titres avec ses idées insolites sur les élections, les manifestations et d’autres sujets.
Lors de la quatrième édition du Forum mondial de la jeunesse (FMJ), qui s’est tenue à Charm el-Cheikh (Égypte) du 10 au 13 janvier 2021, Sissi s’est adressé à plusieurs reprises au public et aux journalistes.
Le FMJ se tient chaque année depuis 2017, même s’il a été annulé en 2020 et 2021 en raison de la pandémie de coronavirus.
Cet événement parrainé par Sissi est ouvert aux personnes de toutes nationalités âgées de 18 à 40 ans. Le forum est une ONG internationale dont l’objectif consiste à « envoyer un message de paix, de prospérité, d’harmonie et de progrès au monde entier par le biais de la jeunesse ».
En tant que parrain de l’événement, Sissi avait beaucoup de choses à dire. Voici quelques-uns des moments les plus marquants de cette édition.
1. Bella ciao
Le forum a interpellé les observateurs dès son lancement : lors de la cérémonie d’ouverture le 10 janvier, le chant de protestation italien Bella ciao a été interprété sur scène devant Sissi.
Ce chant révolutionnaire né à la fin du XIXe siècle était à l’origine un air folklorique entonné par des ouvriers pour protester contre leurs conditions de travail difficiles dans le nord de l’Italie. Il a ensuite été modifié et adopté comme hymne du mouvement de résistance italien au cours de sa lutte contre les forces d’occupation nazies dans les années 1940.
Récemment, la chanson a connu un renouveau avec la série Netflix La Casa de papel, dans laquelle un groupe de voleurs prend part à deux braquages savamment étudiés, à la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre d’Espagne puis à la Banque d’Espagne.
Sur Twitter, les internautes se sont moqués des organisateurs du forum, qui n’ont pas saisi l’ironie que représente le fait d’entonner devant Sissi un chant incitant à la révolution et faisant référence à des braquages réussis.
2. Des élections tous les ans ?
S’adressant à des journalistes étrangers lors du forum, Sissi a déclaré : « Je dis toujours que je suis prêt, chaque année, à organiser des élections en Égypte à une seule condition : ce sera à vous de supporter le coût financier du processus électoral.
« Je suis prêt à le faire chaque année en présence de toutes les organisations internationales […] Et si les Égyptiens disent “non”, je partirai. »
Les propos de Sissi au sujet des élections se sont retournés contre lui et le hashtag « Dehors Sissi » s’est rapidement retrouvé en tête des tendances sur Twitter en Égypte. Un utilisateur qui a repris ce hashtag a écrit : « Nous ne voulons pas de vous. Nous ne pouvons pas manger et boire, nous ne pouvons pas payer les factures, nous ne pouvons pas payer les impôts, nous vivons chez nous dans la peur, nous ne nous sentons pas en sécurité. »
3. Des manifestations contre 50 milliards de dollars
Sissi soutient que la liberté d’expression est garantie en Égypte et se dit tout à fait prêt à accepter les critiques pour le bien de l’État égyptien. Il entend même autoriser les Égyptiens à manifester dans la rue si on lui donne 50 milliards de dollars par an.
« Signez un chèque de 50 milliards de dollars chaque année et j’inviterai les Égyptiens à manifester », a-t-il déclaré.
Sissi a justifié sa demande en expliquant que l’Égypte a besoin d’environ 20 à 30 milliards de dollars par an pour couvrir ses dépenses.
« N’est-il pas normal que je puisse récolter et économiser cet argent pendant que le pays connaît des manifestations ? », a-t-il demandé.
Les manifestations organisées l’an dernier en Égypte ont été accueillies par la police anti-émeute, des tirs de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, le tout accompagné de potentielles arrestations.
En parallèle, l’Égypte est en train de construire une nouvelle capitale administrative à proximité du Caire, qui deviendra le nouveau centre financier du pays, pour un coût total de 45 milliards de dollars.
4. Sa défense du bilan de l’Égypte en matière de droits de l’homme
Répondant à une question sur les droits de l’homme en Égypte, Sissi a affirmé que de nombreuses déclarations faites à l’étranger étaient fondées sur des informations inexactes. Pour souligner ses propos, il s’est adressé à l’assistance : « Aimez-vous notre peuple plus que nous ? Êtes-vous plus préoccupés que nous pour notre pays ? », a-t-il lancé.
Il a ensuite invité tous ceux qui prétendent avoir des données sur le nombre de disparitions forcées à les communiquer à l’État.
Le bilan de l’Égypte en matière de droits de l’homme a été largement critiqué, notamment par des groupes étrangers de défense des droits de l’homme. Human Rights Watch estime que l’Égypte compte environ 60 000 prisonniers politiques. Le Caire a rejeté ces critiques à de multiples reprises.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation
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