Le boycott de produits israéliens à nouveau devant un tribunal français
La directrice de publication du site Europalestine est assignée, mardi 16 mars, devant la justice française par l’entreprise pharmaceutique israélienne Teva pour avoir relayé un appel au boycott lancé à Lyon par des militants de la cause palestinienne.
Olivia Zemor comparaît devant le tribunal correctionnel de cette ville pour diffamation et incitation à la discrimination économique après avoir fait état sur son site, sous le titre « Teva, on n’en veut pas », de l’action de militants lyonnais propalestiniens devant la plus grande pharmacie de la ville.
La société Teva Santé, implantée en France et dont la maison-mère a son siège en Israël, est leader mondial des médicaments génériques.
Vêtus de sweats verts sur lesquels on pouvait lire « Free Palestine » et « Boycott Israël », des activistes incitaient les consommateurs à ne pas acheter de médicaments produits par la société Teva.
L’action s’inscrivait dans le cadre du mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions), une campagne mondiale de boycott économique, culturel ou scientifique d’Israël visant à obtenir la fin de l’occupation et de la colonisation israélienne des territoires palestiniens.
« Teva n’est pas impliquée dans un conflit géopolitique, ethnique ou religieux, et ces actions gênent son activité économique », commente Frédéric Jeannin, avocat de la société pharmaceutique.
« Par son apport financier à l’État d’Israël, ce géant pharmaceutique contribue au financement des opérations militaires à Gaza et au développement de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, au mépris des droits du peuple palestinien et des résolutions internationales, en toute impunité ! Appeler à son boycott est donc nécessaire », a en revanche expliqué Olivia Zemor au Courrier de l’Atlas.
Amalgame
Son site, Europalestine, a également accusé SLE, la filiale de Teva chargée du stockage et de la distribution des vaccins contre le COVID-19, de ne livrer, en Cisjordanie, le vaccin qu’aux colons.
« Sur les cinq millions de doses stockées en janvier dernier, Teva, dont on connaît le sens de l’éthique au travers de ses nombreuses condamnations pour corruption et mise en danger des patients, n’avait pas trouvé le moyen d’en livrer aux Palestiniens, y compris les quelque 30 000 d’entre ceux qui travaillent en Israël, en tant que main d’œuvre bon marché, le plus souvent dans le bâtiment », écrit Europalestine.
Pour rappel, cette affaire, qui aurait initialement dû être jugée lors du premier confinement, arrive au tribunal après qu’en juin dernier, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour son verdict à l’encontre de militants propalestiniens dans une affaire similaire (ils s’étaient infiltrés dans un supermarché d’Alsace pour y appeler au boycott de produits israéliens).
« Le maintien de cette poursuite judiciaire est d’autant plus scandaleux que la Cour européenne des droits de l’homme [CEDH], par un arrêt très important rendu le 11 juin 2020, précise que ‘’L’action d’appel au boycott pour contester la politique d’un État relève de l’expression politique et militante, et concerne un sujet d’intérêt général’’, dans la mesure où il ne comporte pas de dérive violente et haineuse, ou de propos racistes », a rappelé l’Association France Palestine Solidarité. La CEDH avait estimé que les faits « relevaient de l’expression politique et militante ».
« J’espère que les juges lyonnais sauront faire du droit, sans se laisser influencer, en lisant bien l’arrêt de la CEDH qui dit que nos actions ne relèvent pas de la discrimination », indique Olivia Zemor, pour qui « la France est le seul pays au monde qui fait des procès aux militants qui dénoncent la politique d’assimilation et d’apartheid d’Israël ».
« Éric Dupond-Moretti [le ministre de la Justice] ne demande pas seulement aux magistrats de nous condamner pénalement, il souhaite aussi nous infliger des ‘’stages Shoah’’. On voit bien ici l’amalgame qui est fait entre la défense légitime des droits des Palestiniens et l’antisémitisme, qui est un délit et qu’il faut combattre. C’est la politique coloniale d’Israël qui engendre l’antisémitisme et qui met en danger les juifs de tous les pays », a dénoncé Olivia Zemor dans Le Courrier de l’Atlas.
Trois associations de défense d’Israël et de lutte contre l’antisémitisme se sont également portées parties civiles aux côtés de Teva dans cette affaire.
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