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Réclamé par la France, l’imam Iquioussen remporte une première manche devant la justice belge

Après avoir auditionné à huis clos l’imam de 58 ans, qui conteste son extradition, la chambre du conseil du tribunal de Tournai en Belgique « a refusé la remise à la France »
Une manifestante brandit une pancarte lors d’un rassemblement de soutien à l’imam Hassan Iquioussen, place de la République à Paris le 3 septembre 2022 (AFP/Jean-Christophe Verhaegen)
Une manifestante brandit une pancarte lors d’un rassemblement de soutien à l’imam Hassan Iquioussen, place de la République à Paris, le 3 septembre 2022 (AFP/Jean-Christophe Verhaegen)
Par AFP à BRUXELLES, Belgique

L’imam marocain Hassan Iquioussen, réclamé par la justice française pour s’être soustrait à un arrêté d’expulsion cet été, a remporté vendredi une première manche devant un tribunal de Belgique, pays où il s’est exilé.

La décision, dont les motivations n’étaient pas immédiatement disponibles, a été confirmée par le parquet de Tournai, qui a annoncé avoir interjeté appel.

Dans ses réquisitions, le ministère public s’était montré favorable à l’exécution du mandat d’arrêt européen (MAE) ciblant Hassan Iquioussen, a expliqué Frédéric Bariseau, porte-parole du parquet.

Il n’a pas été suivi et par conséquent « appel a été fait, et le dossier reviendra dans un délai de quinze jours devant la chambre des mises en accusation de la cour d’appel », a poursuivi le magistrat.

De leur côté les défenseurs de l’imam se sont réjouis d’avoir convaincu la chambre du conseil.

« Ni le droit, ni les autorités de poursuite ne peuvent être instrumentalisés à des fins politiques, il fallait peut-être la Belgique pour le rappeler », a réagi dans un tweet l’avocate française Lucie Simon, fustigeant à nouveau « l’illégalité » du MAE.

Hassan Iquioussen, arrêté le 30 septembre en Belgique francophone, s’est retrouvé cet été au cœur d’un feuilleton politico-juridique en France.

Fin juillet, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé l’expulsion de ce prédicateur du Nord, fiché S (pour sûreté de l’Etat) par les services de renseignement « depuis dix-huit mois », selon lui.

« Pas une infraction en Belgique »

Surprise pour les autorités françaises : Hassan Iquioussen était introuvable au moment où cet arrêté, qu’il avait contesté devant la justice, avait été définitivement validé par le Conseil d’Etat le 31 août.

Me Lucie Simon a expliqué plus tard qu’il avait « respecté purement et simplement la loi française en quittant l’Hexagone pour la Wallonie ». 

« La soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement  n’est pas une infraction en droit belge » 

- Nicolas Cohen, avocat

L’avocate a contesté la validité du mandat d’arrêt émis par un juge de Valenciennes (nord de la France), estimant qu’il se fonde « sur une infraction pas constituée ». « Pourquoi le rechercher ? Pourquoi vouloir le faire revenir ? », s’était-elle interrogée début septembre.

L’argument a été martelé vendredi à Tournai par maîtres Simon et Cohen lors de leur plaidoirie.

La « soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement » reprochée à l’imam « n’est pas une infraction en droit belge », a affirmé Nicolas Cohen.

Or une des conditions de l’extradition est que « les deux pays incriminent le même comportement », a-t-il soutenu.

Les faits résumés dans le mandat d’arrêt européen émis en France « ne revêtent pas de qualification pénale en Belgique », a insisté Lucie Simon.

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Trois jours après l’arrestation de l’imam dans la région de Mons, elle avait dénoncé les « pressions » de l’exécutif français, soulignant que son client faisait « confiance en la justice belge pour ne pas [y] céder ». 

Vendredi soir, le parquet de Tournai a précisé que Hassan Iquioussen « restait en détention » dans l’attente de l’audience devant la cour d’appel.

Né en France, Hassan Iquioussen avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Lui affirme y avoir renoncé à 17 ans sous l’influence de son père, et avoir ensuite tenté en vain de la recouvrer. Ses cinq enfants et ses quinze petits-enfants sont eux Français et implantés dans le Nord de la France : un fils est imam à Raismes, un autre ex-élu PS à Lourches.

Par Matthieu Demeestere.

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