Réclamé par la France, l’imam Iquioussen remporte une première manche devant la justice belge
L’imam marocain Hassan Iquioussen, réclamé par la justice française pour s’être soustrait à un arrêté d’expulsion cet été, a remporté vendredi une première manche devant un tribunal de Belgique, pays où il s’est exilé.
La décision, dont les motivations n’étaient pas immédiatement disponibles, a été confirmée par le parquet de Tournai, qui a annoncé avoir interjeté appel.
Dans ses réquisitions, le ministère public s’était montré favorable à l’exécution du mandat d’arrêt européen (MAE) ciblant Hassan Iquioussen, a expliqué Frédéric Bariseau, porte-parole du parquet.
Il n’a pas été suivi et par conséquent « appel a été fait, et le dossier reviendra dans un délai de quinze jours devant la chambre des mises en accusation de la cour d’appel », a poursuivi le magistrat.
De leur côté les défenseurs de l’imam se sont réjouis d’avoir convaincu la chambre du conseil.
« Ni le droit, ni les autorités de poursuite ne peuvent être instrumentalisés à des fins politiques, il fallait peut-être la Belgique pour le rappeler », a réagi dans un tweet l’avocate française Lucie Simon, fustigeant à nouveau « l’illégalité » du MAE.
Hassan Iquioussen, arrêté le 30 septembre en Belgique francophone, s’est retrouvé cet été au cœur d’un feuilleton politico-juridique en France.
Fin juillet, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé l’expulsion de ce prédicateur du Nord, fiché S (pour sûreté de l’Etat) par les services de renseignement « depuis dix-huit mois », selon lui.
« Pas une infraction en Belgique »
Surprise pour les autorités françaises : Hassan Iquioussen était introuvable au moment où cet arrêté, qu’il avait contesté devant la justice, avait été définitivement validé par le Conseil d’Etat le 31 août.
Me Lucie Simon a expliqué plus tard qu’il avait « respecté purement et simplement la loi française en quittant l’Hexagone pour la Wallonie ».
« La soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement n’est pas une infraction en droit belge »
- Nicolas Cohen, avocat
L’avocate a contesté la validité du mandat d’arrêt émis par un juge de Valenciennes (nord de la France), estimant qu’il se fonde « sur une infraction pas constituée ». « Pourquoi le rechercher ? Pourquoi vouloir le faire revenir ? », s’était-elle interrogée début septembre.
L’argument a été martelé vendredi à Tournai par maîtres Simon et Cohen lors de leur plaidoirie.
La « soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement » reprochée à l’imam « n’est pas une infraction en droit belge », a affirmé Nicolas Cohen.
Or une des conditions de l’extradition est que « les deux pays incriminent le même comportement », a-t-il soutenu.
Les faits résumés dans le mandat d’arrêt européen émis en France « ne revêtent pas de qualification pénale en Belgique », a insisté Lucie Simon.
Trois jours après l’arrestation de l’imam dans la région de Mons, elle avait dénoncé les « pressions » de l’exécutif français, soulignant que son client faisait « confiance en la justice belge pour ne pas [y] céder ».
Vendredi soir, le parquet de Tournai a précisé que Hassan Iquioussen « restait en détention » dans l’attente de l’audience devant la cour d’appel.
Né en France, Hassan Iquioussen avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Lui affirme y avoir renoncé à 17 ans sous l’influence de son père, et avoir ensuite tenté en vain de la recouvrer. Ses cinq enfants et ses quinze petits-enfants sont eux Français et implantés dans le Nord de la France : un fils est imam à Raismes, un autre ex-élu PS à Lourches.
Par Matthieu Demeestere.
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