France : que prévoit la loi « confortant les principes républicains » ?
Le projet est présenté comme l’un des derniers grands textes du quinquennat. L’avant-projet de loi « confortant les principes républicains », dans sa version transmise au Conseil d’État, comporte 57 articles.
Si l’intitulé du texte a fluctué (de loi contre le communautarisme à loi sur les séparatismes) pour s’arrêter sur une « loi confortant le respect des principes de la République », il vise bien « l’hydre islamiste » et ses tentatives de constituer une « contre-société », selon l’expression d’Emmanuel Macron.
Mais l’exécutif marche sur des œufs, craignant d’être accusé de stigmatiser les musulmans, notamment après de vives critiques et manifestations à l’étranger autour des caricatures du prophète Mohammed, rapporte l’AFP.
« Ce projet de loi est un projet de libération des musulmans de l’emprise croissante de l’islamisme radical sur l’expression de leur foi », martèle le Premier ministre Jean Castex.
Politiquement, « le texte devrait offrir quelques galons régaliens à un chef de l’État en quête d’un bilan en la matière, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022 », poursuit l’AFP.
Mardi, l’émissaire américain pour la liberté religieuse, Sam Brownback, un ambassadeur respecté, s’est dit « inquiet de ce qui se passe en France », appelant à un « dialogue constructif », en ajoutant que « quand on est trop répressif, la situation peut s’aggraver ».
Parallèlement au volet répressif, le chef de l’État français dit vouloir promouvoir l’« égalité des chances » dans les quartiers dits « sensibles ».
Voici les principales dispositions de ce projet de loi.
École : un identifiant pour chaque élève
Le texte doit acter la fin de la scolarisation à domicile dès 3 ans, sauf « pour des motifs très limités tenant à la situation de l’enfant ou à celle de sa famille » et sous réserve d’avoir reçu une autorisation « par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ».
D’autres dérogations devraient être décidées après que le Conseil d’État a mis en garde le gouvernement sur un risque d’anticonstitutionnalité.
Le texte renforce aussi l’encadrement des écoles hors contrat. De plus, il prévoit d’attribuer « à chaque enfant d’âge scolaire un identifiant national permettant aux autorités académiques de s’assurer qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction ».
Les fédérations sportives reconnues par l’État passent, elles, d’un « régime de tutelle » à un « régime de contrôle ». Pour les fédérations agréées, le « respect des principes et valeurs de la République » sera inscrit dans l’agrément.
Création d’un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui
Un « nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser » est créé.
Cette disposition a été ajoutée après la décapitation de Samuel Paty en octobre. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Une peine aggravée lorsque la personne visée est dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Un pôle spécialisé dans la lutte anti-haine en ligne sera aussi créé au parquet de Paris.
Protection du service public
Pour « mieux protéger les agents chargés du service public », les menaces, violences ou intimidations les visant seront sanctionnées. Le projet de loi inscrit le principe de neutralité (religieuse) des agents de droit privé chargés d’une mission de service public (SNCF, Aéroports de Paris, par exemple).
Est créée une procédure de « carence républicaine », permettant au préfet de suspendre les décisions ou actions de toute collectivité qui méconnaîtrait gravement la neutralité du service public, sous contrôle du juge administratif.
Le champ d’application du fichier des auteurs d’infractions terroristes (FJIAIT) est modifié pour y intégrer « les délits relatifs à la provocation et à l’apologie d’actes terroristes ». Leurs auteurs seront interdits de travailler « au contact du public ».
Encadrement des associations
Toute demande de subvention fera l’objet d’un « engagement de l’association à respecter les principes et valeurs de la République », avec, en cas d’entorse, une restitution des aides.
Les motifs de dissolution d’une association en Conseil des ministres sont élargis. Il sera aussi possible « d’imputer à une association […] des agissements commis par ses membres et directement liés aux activités de cette association ».
En cas d’urgence, les activités de cette association pourront être suspendues pour trois mois.
Transparence dans l’exercice du culte
Alors que les lieux de culte musulmans sont, pour des raisons historiques, en majorité régis par la loi de 1901 sur les associations, le texte les incite à s’inscrire sous le régime de 1905 visant les cultes, plus transparent sur le plan comptable et financier.
En contrepartie, ils pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus d’immeubles acquis à titre gratuit. Les associations restant sous le statut loi 1901 auront les mêmes obligations, sans ces avantages.
Les dons étrangers dépassant 10 000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. Par ailleurs, « la certification des comptes annuels par un commissaire aux comptes est prévue dès lors que l’association bénéficie d’avantages ou de ressources provenant de l’étranger » et une disposition « anti-putsch » est prévue pour éviter la prise de contrôle d’une mosquée par des extrémistes.
Une « interdiction de paraître dans les lieux de culte peut être prononcée […] en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou à la discrimination, la haine ou la violence ».
Enfin, le droit d’opposition de Tracfin, organisme du ministère de l’Économie et des Finances chargé de la lutte contre la fraude fiscale, va être élargi pour contrer les « flux indésirables ».
Certificats de virginité, polygamie et mariages forcés
Il sera interdit pour les professionnels de santé d’établir des « certificats attestant de la virginité d’une personne ».
Le texte renforce l’arsenal de la France sur la polygamie – interdite – en généralisant l’interdiction de délivrer un titre de séjour aux étrangers vivant en France en état de polygamie.
Pour lutter contre les mariages forcés, l’officier d’état civil a pour obligation de « s’entretenir séparément avec les futurs époux lorsqu’il existe un doute sur le caractère libre du consentement » et de « saisir le procureur » si nécessaire.
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