Valérie Pécresse, une droitisation extrême qui ne suffira pas pour gagner la présidentielle
À 54 ans, Valérie Pécresse, candidate des Républicains (LR, droite), pourrait-elle créer la surprise et devenir la première femme à présider la République française le 24 avril prochain ? Les sondages sur les intentions de vote disent non, mais elle y croit encore.
« On doit être la surprise du premier tour. J’ai l’habitude. On ne me donne jamais gagnante. En 2015, aux régionales, je devais être battue. Même chose l’année dernière avant ma réélection à la région puis au congrès [du parti] », a-t-elle dit aux députés LR lors d’une récente réunion.
Pour les remobiliser, la présidente de la région Île-de-France (depuis 2015) et ancienne ministre (entre 2007 et 2012) s’est vantée d’avoir gagné, quelques jours plus tôt, un débat télévisé avec son adversaire, le polémiste d’extrême droite Éric Zemmour, qui la dépasse d’un point dans les derniers sondages (11% et 10% des intentions de vote respectivement).
« C’est fait, je l’ai tué », aurait-elle lâché, d’après un proche qui s’est confié au journal Le Point.
Lors de ce face-à-face largement commenté par la presse française, Valérie Pécresse s’est révélée une boxeuse et l’a emporté aux poings. Habituellement moquée pour ses airs de bonne élève et de technocrate rigide, elle a surpris par la pugnacité de son attaque contre Zemmour, qui avait de la peine à rebondir.
Les banlieues au Kärcher et les islamistes en prison
La candidate a montré qu’elle connaissait mieux les dossiers. Mais son agressivité, tout comme l’image très scolaire qu’elle renvoie plus habituellement, ne donnent pas forcément d’elle l’image d’une présidentiable. Malgré ses efforts.
Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), décrit une femme politique qui a du mal à s’imposer dans son rôle de candidate à la magistrature suprême.
Sa prestation lors du premier meeting électoral qu’elle a tenu en février a d’ailleurs été très critiquée.
« Son attitude voulait montrer aux personnes qui assistaient au meeting qu’on avait affaire à quelqu’un qui avait le sens du commandement, à quelqu’un qui voulait incarner la posture extrêmement verticale avec le point souvent serré », analyse le chercheur.
Mais en même temps, l’ancienne ministre a péché en multipliant les automatismes. « Quelques fois, on avait l’impression qu’elle lisait son texte », souligne Bruno Cautrès.
Les formules à l’emporte-pièce qu’elle déploie à chacune de ses sorties médiatiques la décrédibilisent aussi surtout lorsqu’elles sont accommodées de manière à plaire à l’électorat de l’extrême droite.
« Pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement ! », a-t-elle lancé au Zénith en février, en référence à la théorie, défendue par l’extrême droite, qui crédite l’existence d’un processus de substitution de la population française par une population non européenne issue du Maghreb et d’Afrique subsaharienne.
À la même occasion, pour marquer son opposition à « l’islamisme », autre thème récurrent de la campagne, elle a assuré : « Marianne ne sera pas voilée. » Ou encore : « Les prêcheurs de l’islamisme, de haine radicale, c’est dans les prisons ou dans l’avion. »
Valérie Pécresse veut aussi « ressortir le Kärcher » pour « nettoyer les quartiers », comme l’avait préconisé Nicolas Sarkozy en 2005 lorsqu’il était ministre de l’Intérieur.
Le Kärcher contre « les caïds, les délinquants et les dealers » mais aussi contre ce qu’elle considère comme « du séparatisme urbain ».
En parlant « des quartiers », elle n’hésite pas d’ailleurs à évoquer « des ghettos qui favorisent l’entre-soi, le repli communautaire et l’endoctrinement ».
D’après elle, le président Macron n’a pas fait ce qu’il fallait pour lutter contre « l’islamisme » ou contre le « séparatisme musulman », malgré une loi dédiée.
Les punchlines qu’elle réserve à l’actuel chef de l’État sont souvent servies avec des rimes. Petit florilège : « Le président Macron a été le président des chèques et des échecs » ou encore « Le bilan d’Emmanuel Macron a des allures de dépôt de bilan ».
« Son bilan, c’est son boulet », a aussi twitté Valérie Pécresse le 17 mars, accusant même le président sortant d’avoir plagié ses propositions dans les domaines de la sécurité, la santé, le nucléaire et les retraites.
« Il nous a présenté un projet du déni et de la contrefaçon », a-t-elle scandé lors d’une réunion publique le même jour, dans le sud de la France.
Tolérance zéro vis-à-vis des étrangers
Très ancré à droite, le programme de l’ancienne ministre des Comptes publics n’a rien de révolutionnaire. Il se base, comme l’avait proposé François Fillon, son prédécesseur des Républicains lors de la présidentielle de 2017, sur la réduction des dépenses publiques, en luttant contre la fraude fiscale et sociale et via une réforme des retraites et la suppression de 150 000 postes dans la fonction publique.
« La dégradation catastrophique de nos dépenses publiques n’est pas le fait de la crise. C’est le résultat de cinq ans de gabegie », a affirmé Valérie Pécresse dans son projet.
Comme le font habituellement les candidats, elle a également écrit un livre pour donner plus d’écho à ses propositions. Dans l’ouvrage qui vient de paraître aux éditions Robert Laffont, sous le titre Le Temps est venu, la patronne de la région Île-de-France se présente comme une femme d’action et de perspectives.
« Il est temps de réparer la France, de remettre de l’ordre à nos frontières et dans nos rues, temps de libérer l’énergie des Français pour retrouver l’espoir et la cohésion nationale », disserte-t-elle.
Dans le domaine des restrictions, Valérie Pécresse vise surtout les étrangers, à travers un système de quota par pays et par métier. Elle souhaite également durcir les conditions du regroupement familial.
En février dernier, la candidate de la droite proposait même la construction d’un mur à la Donald Trump pour protéger les frontières de l’Europe, estimant – à tort – que 40 millions de migrants entrent illégalement dans le continent chaque année.
Sa politique de tolérance zéro à l’égard des étrangers l’éloigne de l’ancienne chancelière allemande, qu’elle cite pourtant en exemple. Car si Angela Merkel avait ouvert les portes de son pays aux réfugiés syriens en 2015, Valérie Pécresse n’a pas trouvé mieux que de conseiller l’accueil des populations fuyant les talibans, l’été dernier, dans les pays limitrophes de l’Afghanistan, soit très loin de l’Europe et de la France.
Si elle est élue, la candidate obligera les pays pourvoyeurs de migrants irréguliers à reprendre leurs ressortissants, sans quoi elle les privera de visas et de programmes de coopération, a-t-elle prévenu.
En 1979, son autre modèle, l’ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher, qui n’aimait pas non plus les migrants, avait préconisé une solution similaire à propos des boat-people vietnamiens, qu’elle voulait voir parquer sur une île du Pacifique plutôt qu’accueillis au Royaume-Uni.
De Thatcher, Valérie Pécresse fait pourtant le portrait d’une femme exceptionnelle, ferme et courageuse, qui a redressé son pays.
Thatcher est la dame de fer et elle « la dame de faire » qui dit avoir montré de quoi elle est capable en dirigeant l’Île-de-France depuis 2015. « Le plus beau compliment qu’on m’ait fait, c’est de m’appeler la dame de faire. Les femmes visent l’efficacité et l’action. Les hommes sont dans le discours », assure Pécresse, séduite par ce surnom.
Lâchée par ses pairs
La candidate, qui se revendique comme viscéralement féministe, a néanmoins trahi ses convictions en affirmant dans sa campagne de réélection à la présidence de la région francilienne en 2015 qu’« il n’y a rien de tel qu’une femme pour faire le ménage ».
La vidéo, qui refait surface sur les réseaux sociaux, ne rend pas service à Valérie Pécresse, qui est raillée jusque dans son propre camp. L’ancienne garde des Sceaux Rachida Dati, qui voudrait prendre la direction des Républicains après la présidentielle, lui reproche notamment son manque d’incarnation.
De son côté, l’ex-président républicain Nicolas Sarkozy, dont elle espérait pourtant le soutien, pencherait plutôt pour Macron.
Que reproche-t-il à son ancienne ministre ? Son manque de fantaisie, comme il l’avait confié dans une émission de télévision en novembre dernier, ou sa gratitude sans cesse renouvelée à son prédécesseur Jacques Chirac, qui l’avait nommée conseillère politique à l’Élysée en 1997, l’année de ses 30 ans ?
Qualifiée par ses détracteurs de « bourgeoise versaillaise » en raison de ses origines sociales aisées, Valérie Pécresse répond qu’il y a un « malentendu profond » entre ce qu’elle est et ce que les gens imaginent.
Elle revendique ses réussites en politique comme des galons gagnés uniquement grâce à son travail et sa détermination.
En décembre dernier, elle a certes remporté la primaire interne de son parti, devenant la première femme candidate de la droite pour la présidentielle. Mais cette qualification l’a vite propulsée sur un chemin de croix qu’elle pourrait terminer sur les rotules, vaincue, dès le premier tour, le 10 avril.
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