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Guerre à Gaza : les Palestiniennes contraintes de se raser la tête en raison de la pénurie d’eau

Les Palestiniens de la bande de Gaza se coupent les cheveux pour éviter les maladies, car la majeure partie de la population soumise au siège israélien n’a pas accès à l’eau propre
Une femme palestinienne déplacée, qui a fui sa maison à cause des frappes israéliennes, regarde l’intérieur d’un camp de tentes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2024 (Ibraheem Abu Mustafa/Reuters)
Par Walaa Sabah à GAZA, Palestine occupée

Nisreen, une Palestinienne mère de six enfants, a dû quitter sa maison à Khan Younès le 13 décembre, alors que l’invasion terrestre israélienne de la ville s’intensifiait.

Depuis, elle s’est réfugiée dans une école des Nations unies située à proximité, puis dans une tente de fortune, avec un accès limité à l’eau potable ou à l’eau propre.

« J’ai dû me raser la tête parce que je n’ai pas d’eau pour me laver les cheveux », raconte cette femme de 49 ans à Middle East Eye dans sa tente dans le quartier d’al-Mawasi.

« J’ai fait de même pour ma fille de 16 ans et mon fils de 12 ans, afin de les protéger des maladies du cuir chevelu, car leurs amis ont développé la teigne du cuir chevelu », explique-t-elle.

« Se raser la tête est une décision douloureuse pour toute femme, mais nous sommes obligées de le faire. »

La féroce campagne de bombardements israélienne sur Gaza, qui dure depuis quatre mois, a fait plus de 27 800 morts et déplacé plus de 1,9 million de Palestiniens qui, tous, n’ont pas accès à l’eau potable et aux installations d’hygiène essentielles.

Déjà avant la guerre, plus de 96 % des réserves d’eau de Gaza étaient considérées comme « impropres à la consommation humaine », en raison du blocus israélien imposé à la bande côtière depuis 2007.

La situation s’est toutefois aggravée après la décision du gouvernement israélien de couper l’approvisionnement en eau de la bande de Gaza sur ordre du ministre israélien de l’Énergie, Israël Katz, le 9 octobre.

Des enfants palestiniens attendent de recevoir de la nourriture préparée par une cuisine caritative dans un contexte de pénurie alimentaire à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 janvier 2024 (Ibraheem Abu Mustafa/Reuters)
Des enfants palestiniens attendent de recevoir de la nourriture préparée par une cuisine caritative dans un contexte de pénurie alimentaire à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 janvier 2024 (Ibraheem Abu Mustafa/Reuters)

L’armée israélienne s’est également emparée de la majorité des usines de dessalement d’eau dans la partie nord de la bande de Gaza le 30 octobre, et dans la partie sud de la ville de Gaza le 1er novembre, selon des images satellites de Planet Labs PBC.

« Nous n’avons pas d’eau courante, essentielle pour nettoyer, se laver et faire la lessive », ajoute Nisreen.

« J’avais l’habitude de passer trois ou quatre heures à faire la queue pour remplir un gallon d’eau [un peu plus de 3,5 litres] d’un puits chez notre voisin, pour faire le nettoyage », témoigne-t-elle à MEE, décrivant sa vie d’avant la guerre.

À l’école des Nations unies de Cheikh Jaber, où elle avait trouvé refuge avant de s’installer dans sa tente actuelle, la situation était désastreuse.

« Nous faisions la queue pendant des heures pour utiliser les toilettes », explique-t-elle. « Mais nous n’avions pas assez d’eau pour nous doucher et pas de shampoing. »

Nisreen a été contrainte de fuir l’école après que des chars israéliens se sont approchés de la zone et ont largué des tracts ordonnant aux personnes déplacées d’évacuer l’école.

Désormais, lorsqu’elle parvient à se procurer de l’eau, Nisreen dit la réserver pour la cuisine ou pour la boire.

« Boire et survivre sont évidemment des priorités plus importantes que de se laver les cheveux », ajoute-t-elle.

Pour le moment, la seule eau disponible pour nettoyer et se laver est l’eau de mer, explique-t-elle.

L’eau, une arme de guerre

Zainab al-Shawwaf, une médecin généraliste basée à Rafah, précise que l’absence de produits de soins et de nettoyage des cheveux peut entraîner des pathologies telles que l’alopécie, la teigne du cuir chevelu et des infections bactériennes, qui peuvent conduire à l’apparition d’abcès capillaires.

« Ces maladies découlent de mauvaises pratiques d’hygiène et de soins capillaires, d’une carence en nutriments essentiels tels que l’acide folique et la cortisone, et d’une dégradation de la santé psychologique et mentale des personnes affectées », explique-t-elle à MEE.

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« Ces maladies provoquent des démangeaisons, entraînant une lymphopathie et créant un environnement humide propice à la croissance bactérienne, ce qui entraîne la formation de pus sur le cuir chevelu et accentue la perte de cheveux », ajoute-t-elle.

Zainab al-Shawwaf souligne également la pénurie de médicaments dans la bande de Gaza, ce qui aggrave la situation.

« Nous ne disposons que de médicaments antibactériens à large spectre pour diverses maladies. Nous n’avons pas de médicaments pour traiter la propagation des poux chez les enfants, par exemple. »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde contre le risque de propagation de maladies infectieuses à Gaza en raison de la consommation d’eau contaminée, de la surpopulation des abris pour personnes déplacées et de l’effondrement général du système de santé.

La décision d’Israël de couper l’approvisionnement en carburant de la bande de Gaza a entraîné la fermeture des usines de dessalement et l’interruption de la collecte des déchets solides, créant ainsi un terreau fertile aux insectes et aux rongeurs susceptibles de transmettre des maladies, selon l’OMS.

Juliette Touma, porte-parole de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a averti que « l’eau [était] utilisée comme une arme de guerre » dans le conflit actuel.

« De nombreuses personnes ont recours à des sources d’eau insalubres […]. L’eau potable à Gaza est soit indisponible, soit disponible en très, très petites quantités. »

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.

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