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Des travailleurs palestiniens originaires de Gaza décrivent la torture subie en détention en Israël

Certains des 4 500 Palestiniens titulaires d’un permis de travail israélien arrêtés après l’attaque du 7 octobre racontent à MEE les abus « alarmants » dont ils ont été victimes
À son arrivée à Gaza, un travailleur palestinien décrit les conditions dans lesquelles il a été détenu en Israël (capture d’écran/X)
Par Lubna Masarwa à JÉRUSALEM et Nadda Osman à LONDRES

Des ouvriers palestiniens originaires de Gaza détenus par Israël affirment avoir été maltraités, humiliés et torturés pendant quatre semaines après avoir été arrêtés en réponse à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre.

On estime qu’environ 4 500 travailleurs originaires de la bande côtière se trouvaient en Israël lorsque des centaines de combattants palestiniens ont pris d’assaut les localités israéliennes proches de Gaza il y a un mois, tuant 1 400 personnes. Quelque 18 500 Palestiniens de Gaza détiennent des permis de travail délivrés par les autorités israéliennes.

Alors qu’ils se trouvaient en Israël avec un permis de travail valide, ils ont tous été arrêtés et enfermés dans des centres de détention, où ils ont été humiliés et maltraités à plusieurs reprises, selon des témoignages directs.

Des travailleurs récemment libérés par Israël ont déclaré à Middle East Eye que leurs permis de travail avaient été révoqués et qu’ils avaient été renvoyés à Gaza à pied, bien que l’enclave côtière soit soumise à des bombardements incessants et désormais à une invasion terrestre israélienne.

« Un homme m’a demandé si je voulais boire quelque chose, puis il m’a jeté de l’eau bouillante dessus »

- Un travailleur palestinien de Gaza

Les travailleurs ont été forcés de marcher sur une distance de 6 km jusqu’à Gaza, où ils sont entrés via le terminal de Kerem Shalom, près de la ville de Rafah, dans le sud de la bande côtière.

Dans des vidéos circulant en ligne, on voit des centaines de travailleurs rentrer à Gaza à pied. On ignore combien de ces 4 500 travailleurs ont été libérés.

Certains d’entre eux ont fait part à MEE des différents abus dont ils avaient été victimes en détention, notamment des actes qui semblent s’apparenter à de la torture.

« Ils ont pris nos téléphones. Un homme m’a demandé si je voulais boire quelque chose, puis il m’a jeté de l’eau bouillante dessus », a confié un homme âgé.

« Lorsque nous avons été libérés et avons dû retourner à Gaza, un homme est décédé. Il est tombé raide mort pendant qu’il marchait », a raconté un autre travailleur, originaire de Deir al-Balah, dans le centre de Gaza.

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« Ils nous ont traités comme des chiens, ils nous ont interrogés à Tel Aviv. Nous avions les mains liées dans le dos et on ne nous donnait pratiquement rien à manger ni à boire », a-t-il ajouté.

« Des jeunes garçons de l’âge de mes enfants nous ont déshabillés et nous ont uriné dessus... Personne n’a parlé de nous, les travailleurs détenus en Israël, pas la Croix-Rouge ; l’Autorité palestinienne nous a trahis, le monde entier nous a trahis », a déclaré un travailleur à Al Jazeera à son arrivée à Gaza.

Miriam Marmur, directrice du plaidoyer de l’association israélienne de défense des droits de l’homme Gisha, a déclaré à MEE que les informations reçues par l’ONG sur la détention des travailleurs étaient « extrêmement préoccupantes et alarmantes ».

« Nous n’avons aucun moyen de savoir combien de personnes ont été détenues illégalement dans les centres de détention israéliens parce qu’Israël a refusé de divulguer les noms et le lieu où se trouvaient les personnes détenues », a-t-elle indiqué.

D’après elle, les ouvriers ont été détenus dans des bâtiments situés dans des bases militaires israéliennes en Cisjordanie occupée. Elle ignore combien de travailleurs demeurent en détention.

« Selon plusieurs témoignages, les forces israéliennes font des descentes, embarquent des travailleurs palestiniens et les emmènent dans des centres de détention », a-t-elle précisé. « D’après ce qu’ils décrivent, les conditions sont extrêmement, extrêmement désastreuses. »

Middle East Eye a sollicité un commentaire de l’armée israélienne, en vain.

Violence psychologique et physique

Les travailleurs palestiniens libérés ont déclaré qu’ils n’avaient eu accès à aucun avocat. Il était également interdit aux travailleurs humanitaires d’entrer dans les centres de détention pour y vérifier les conditions.

« Nous avons été maltraités pendant 25 jours, nous étions quelque 5 000 à 6 000 détenus », a précisé une personne à Al Jazeera.

De nombreux travailleurs ont affirmé avoir été menacés lorsqu’ils ont été interrogés au sujet du Hamas.

« Certaines personnes ont été interrogées. Ils ont connu le pire : ils ont été pendus et battus »

- Un travailleur détenu par Israël

« Certaines personnes ont été interrogées. Ils ont connu le pire : ils ont été pendus et battus. Ils nous ont demandé si nous connaissions des gens du Hamas », a raconté un homme âgé aux médias locaux.

« Évidemment, nous ne savons rien, nous ne sommes que des ouvriers », peut-on entendre un autre homme dire dans une vidéo circulant en ligne.

Selon leurs témoignages, les autorités israéliennes ne leur permettaient pas d’accéder à leur téléphone ni d’appeler leur famille, accroissant leur inquiétude pour leurs proches sous les bombes à Gaza.

« Si Dieu le veut, nous rentrerons et retrouverons nos enfants et nos familles sains et saufs », a déclaré un homme aux médias locaux.

« Nous avons été torturés, personne n’a eu de compassion pour nous. Ils ont pris notre argent et nos vêtements, ils nous ont laissés nus pendant trois jours pendant qu’ils nous torturaient. Nous avions faim, ils nous ont donné des coups de pied et des coups de poing, ils nous ont marché sur la tête, j’ai encore mal aujourd’hui. »

Des Palestiniens libérés montrent les bracelets de cheville qu’ils devaient porter pendant leur détention (MEE/document fourni)
Des Palestiniens libérés montrent les bracelets de cheville qu’ils devaient porter pendant leur détention (MEE/document fourni)

Certains ouvriers affirment avoir été remis aux forces israéliennes par leurs employeurs.

Sur des images en ligne, on peut voir des travailleurs montrant des étiquettes bleues placées sur leurs chevilles. Ils affirment qu’aucun de leurs effets personnels, y compris leur téléphone et leur argent, ne leur a été restitué avant leur libération.

Depuis l’attaque du 7 octobre, la rhétorique et le sentiment antipalestiniens ont atteint un niveau sans précédent en Israël. Des responsables ont appelé à anéantir Gaza et à torturer les Palestiniens liés à l’attaque.

Pendant ce temps, les attaques contre les citoyens palestiniens d’Israël et les Palestiniens de Cisjordanie occupée se sont intensifiées.

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La semaine dernière, des groupes israéliens d’extrême droite sur des applications de messagerie ont partagé et célébré des vidéos explicites de ce qui semble être des actes de maltraitance de travailleurs palestiniens en Cisjordanie par des soldats israéliens.

Plusieurs de ces vidéos ont été publiées sur la chaîne de droite israélienne « Without Limits », qui compte plus de 117 000 abonnés.

Dans l’une de ces vidéos, on voit des Palestiniens, les yeux bandés, les mains attachées avec des câbles, attaqués par des soldats lourdement armés. On peut entendre les hommes, dont certains ont été entièrement déshabillés, crier alors qu’ils sont allongés sur le sol.

Des officiers les traînent par terre, l’un d’eux marche même sur la tête d’un détenu. On entend ses collègues rire en arrière-plan.

La vidéo a suscité près de 2 000 réactions, dont des centaines d’émojis de célébration, des émojis rieurs ou encore des cœurs. 

« C’est une très bonne chose de ne pas les tuer, pour qu’ils vivent et souffrent, et que chaque respiration se fasse dans la douleur et l’agonie », peut-on lire dans l’un des commentaires.

Traduit de l’anglais (original).

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