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Israël : la crise s’accentue autour de la réforme judiciaire

La tension est montée d’un cran en Israël après le limogeage dimanche par Benyamin Netanyahou du ministre de la Défense, qui s’était montré critique vis-à-vis du projet de réforme judiciaire controversé du gouvernement
Les Israéliens manifestent depuis plusieurs semaines contre ces réformes judiciaires qui limiteraient notamment la capacité de la Cour suprême d’annuler une législation inconstitutionnelle (Reuters)

Le radiodiffuseur public israélien Kan a annoncé que le Premier ministre Benyamin Netanyahou avait décidé d’arrêter la législation visant à remanier le système judiciaire du pays.

« Netanyahou a dit au chef de la coalition qu’il avait décidé d’arrêter la législation », a rapporté Kan.

Le président de la commission de la Constitution, des Lois et de la Justice de la Knesset a appelé à des contre-manifestations. Simcha Rothman, l’un des principaux moteurs des réformes, a tweeté une affiche appelant à des manifestations à Jérusalem lundi soir, avertissant : « Le camp de la droite monte. »

« Les élections ne seront pas volées ! Le peuple demande une refonte radicale de la justice », a-t-il tweeté. « Nous ne devons pas accepter une réalité dans laquelle il y a des gens dont la voix ne compte pas. Sortez et rendez la voix – au peuple. »

Vers 14 h heure locale, des milliers de manifestants s’étaient rassemblés devant la Knesset à Jérusalem pour s’opposer aux réformes judiciaires du gouvernement, tandis que des groupes d’extrême droite, dont La Familia, qui a un passif de violences, devaient manifester en faveur de la refonte judiciaire. La police a annoncé augmenter sa présence dans la zone.

Le président israélien avait demandé tôt lundi l’arrêt immédiat des réformes voulues par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, tandis que le chef de la coalition syndicale nationale a appelé à une grève générale après des manifestations de masse dans la nuit.

Le principal aéroport du pays, Ben-Gourion, refuse d’autoriser les avions à atterrir ou décoller et l’association médicale a déclaré qu’au moins 600 médecins refusaient de travailler ce lundi.

Des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue dimanche soir après que le Premier ministre a limogé le ministre de la Défense Yoav Galant, député du Likoud de Netanyahou, un jour après que ce dernier a appelé à la suspension des réformes judiciaires.

Manifestation à Tel Aviv contre le limogeage du ministre de la Défense Yoav Galant par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le 16 mars (Reuters)
Manifestation à Tel Aviv contre le limogeage du ministre de la Défense Yoav Galant par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le 16 mars (Reuters)

Galant a réagi à son limogeage dimanche en déclarant : « La sécurité d’Israël était et sera toujours le but de ma vie. »

Les réformes judiciaires proposées donneraient au Parlement à la fois le pouvoir d’annuler les décisions de la Cour suprême par un vote à la majorité simple et un contrôle de facto sur les candidats à la cour, un rôle actuellement détenu par un panel mixte de politiciens, de juges et de membres du barreau.

Elles limiteraient également la capacité du tribunal d’annuler une législation inconstitutionnelle.

« Une décision désespérée et extrême »

Selon l’analyste israélien Meron Rapoport, le limogeage de Galant était « une décision désespérée et extrême de Netanyahou ».

« Jamais nous n’avons vu une telle chose – licencier un ministre dans une position aussi sensible, pas même pour avoir voté, juste pour avoir dit qu’il voulait l’arrêt de la législation », explique-t-il à Middle East Eye.

Le limogeage suggère selon lui que Netanyahou manque de confiance dans la viabilité de la législation et son adoption par la Knesset.

« Il faut voir si d’autres membres du Likoud rejoindront Galant », estime l’analyste, qui souligne que dans le cadre d’une majorité aussi mince, il suffit que deux membres rompent les rangs pour renverser la tendance contre le Premier ministre, ce qui pourrait lui faire perdre la majorité gouvernementale.

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Au moins deux autres législateurs du Likoud ont tweeté leur soutien à Galant, tandis que d’autres hauts responsables ont également exprimé des réserves.

Tard dimanche, le consul général d’Israël à New York a déclaré qu’il démissionnait pour protester contre le limogeage de Galant.

« Je ne peux plus continuer à représenter ce gouvernement », a déclaré Asaf Zamir sur Twitter. « Je crois qu’il est de mon devoir de veiller à ce qu’Israël reste un phare de la démocratie et de la liberté dans le monde. »

Plus tôt ce mois-ci, le président Isaac Herzog, qui joue un rôle essentiellement cérémoniel, s’était déjà dit préoccupé par l’approfondissement de la fracture sociale et a présenté une proposition de compromis, que le gouvernement a rejetée.

« Quiconque pense qu’une véritable guerre civile, avec des vies humaines, est une ligne que nous ne pourrions jamais atteindre, n’a aucune idée de ce dont il parle », avait averti Herzog.

Lundi, ce dernier a appelé le gouvernement à suspendre la refonte judiciaire dans une déclaration sur Twitter. « Dans l’intérêt de l’unité du peuple d’Israël, dans l’intérêt de la responsabilité, je vous demande d’arrêter immédiatement le processus législatif », a-t-il tweeté.

« Une véritable désobéissance civile »

Selon Meron Rapoport, si la législation était adoptée, Israël serait confronté à des temps encore plus tumultueux.

« Si cette législation est adoptée... Je pense que ce sera la plus grande crise qu’Israël n’ait jamais connue depuis 1948 », prévient-il, faisant référence à l’année de la création du pays. « Je pense qu’on aura affaire à une véritable désobéissance civile qui sera extrêmement importante. Je n’exclus pas une grève générale, où certains refuseraient de payer des impôts ou de servir dans l’armée. »

En Israël, le service militaire est obligatoire et le refus peut entraîner des peines d’emprisonnement.

Le ministre Galant s’était pour sa part dit préoccupé par le fait qu’un nombre croissant de réservistes participaient aux manifestations contre la refonte judiciaire, avertissant que cela pourrait affecter les forces régulières et compromettre la sécurité du pays.

« Si cette législation est adoptée, nous pouvons nous attendre à un gouvernement cohésif et extrême vraiment déterminé à l’escalade avec le Liban et Gaza »

- Meron Rapoport, analyste israélien

Des dizaines de milliers d’Israéliens descendent dans les rues depuis plusieurs semaines pour protester contre les projets de refonte judiciaire controversée.

Rapoport avertit cependant que le gouvernement de Netanyahou pourrait être davantage galvanisé par une telle opposition.

« Si cette législation est adoptée, nous pouvons nous attendre à un gouvernement cohésif et extrême vraiment déterminé à l’escalade avec le Liban et Gaza d’une part et, à l’intérieur d’Israël, contre toute opposition libérale d’autre part », prévient-il.

« Je pense qu’il est clair qu’ils n’ont pas de limite, ils ne veulent aucun compromis ni négociation. Ce sera la coalition fondamentaliste religieuse la plus apartheidiste qui resserrera les rangs et avancera. »

Le procureur général d’Israël a accusé vendredi Netanyahou d’intervention publique « illégale » sur le programme de réforme, après avoir prononcé un discours télévisé à l’échelle nationale la veille au soir.

Netanyahou est jugé pour corruption, escroquerie et abus de confiance, des charges qu’il nie.

Les détracteurs voient le projet de réforme comme une menace pour la démocratie israélienne, mais le gouvernement soutient que des changements sont nécessaires pour rééquilibrer les pouvoirs entre les législateurs et le pouvoir judiciaire.

Traduit de l’anglais (original) et mis à jour.

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