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Des documents historiques révèlent le projet israélien visant à chasser les Palestiniens du Néguev

Des documents cités dans le cadre d’une action en justice contre le gouvernement israélien indiquent que les responsables savaient que cette opération était « illégale » après 1948
Des Palestiniens protestent devant le bureau du Premier ministre israélien à Jérusalem contre le projet de reforestation du FNJ dans le désert du Néguev, le 30 janvier 2022 (AFP)
Par MEE

Des documents historiques israéliens récemment déterrés révèlent les efforts incessants déployés par les autorités pour chasser les habitants bédouins des terres palestiniennes dans le Néguev au cours des années 1950.

Selon Haaretz, ces documents ont été révélés dans le cadre d’une procédure judiciaire en matière de propriété foncière engagée par des citoyens palestiniens d’Israël à al-Araqeeb, qui fait partie des dizaines de villages jugés illégaux par Israël et privés d’eau, d’électricité et de services de transport, entre autres.

Al-Araqeeb a été démoli à 197 reprises par Israël, qui s’est emparé de ses terres, et ses habitants palestiniens attaquent depuis longtemps le gouvernement israélien devant les tribunaux à ce sujet.

D’après les informations communiquées lundi par Haaretz, le gouvernement israélien estime que cette affaire est d’une importance « stratégique nationale » afin de fixer la barre pour les autres procès intentés par des citoyens palestiniens d’Israël qui contestent la confiscation de leurs terres.

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Toutefois, l’affaire portant sur al-Araqeeb s’accompagne d’une intervention écrite de Gadi Algazi, professeur d’histoire israélien à l’université de Tel Aviv, qui étudie depuis huit ans des notes, dossiers et courriers du gouvernement se rapportant au Néguev, la plus grande région du pays.

Dans le cadre de l’affaire, Gadi Algazi a révélé des documents faisant état de nombreux projets visant à expulser de leurs terres les Palestiniens qui restèrent dans ce qui est devenu Israël après la guerre de 1948.

Une opération militaire fut mise sur pied par Moshe Dayan, le commandant de la région sud, en novembre 1951, pour chasser les bédouins palestiniens des zones situées dans le nord-ouest du Néguev vers l’est et ceux situés au nord de la route Hébron-Beer Sheva vers le sud de celle-ci.

Les Palestiniens devenus citoyens d’Israël allaient ainsi devenir locataires.

« Le transfert des bédouins vers de nouveaux territoires annulera leurs droits de propriétaires fonciers et ils seront [traités] comme des locataires de terres gouvernementales », écrit Moshe Dayan dans un courrier initialement révélé par Haaretz.

Le plan de Moshe Dayan fut ensuite approuvé par le chef d’état-major de l’armée israélienne, Yigaël Yadin, qui suggéra également que si les Palestiniens n’étaient pas « transférés volontairement », l’armée israélienne serait « contrainte de les transférer » et de les déloger de force de leurs terres.

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Les responsables du ministère israélien de la Justice estiment que l’affaire concernant al-Araqeeb se terminera comme la précédente, c’est-à-dire en faveur du gouvernement. Néanmoins, ces documents historiques déterrés par Gadi Algazi pourraient avoir des répercussions juridiques, selon Haaretz.

Le village d’al-Araqeeb s’étendait sur 200 dounams (200 000 mètres carrés), et ce qui en reste – qu’Israël ne cesse de démolir – est systématiquement reconstruit.

Les terres palestiniennes d’al-Araqeeb furent saisies, comme celles de nombreux autres villages, conformément à la loi israélienne de 1953 sur l’acquisition de terres.

Israël a déclaré que les terres du Néguev sur lesquelles des propriétaires palestiniens avaient effectivement vécu entre le 15 mai 1948 et le 1er avril 1952 appartenaient au gouvernement israélien, qui expropria ainsi 247 000 dounams dans le Néguev.

Les nouveaux documents historiques révèlent qu’à l’époque, les Palestiniens furent expulsés de force par les autorités israéliennes, qui eurent recours à des menaces, à la violence, à la corruption et à des pratiques frauduleuses, rapporte Haaretz.

Une « politique de discrimination et de négligence »

Gadi Algazi a déclaré à Haaretz que les hauts responsables israéliens savaient que l’opération d’expulsion des Palestiniens du Néguev était « illégale » ; c’est pourquoi ils évitèrent de transmettre « des ordres d’expulsion écrits ».

Par ailleurs, a-t-il précisé, les documents attestent de la résistance entreprise par les bédouins palestiniens contre le projet israélien visant à les chasser de leurs terres.

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« [Cela révèle] l’obstination avec laquelle ils ont essayé de s’accrocher à leurs terres, même au prix de la faim et de la soif, sans parler des menaces et de la violence militaire », a indiqué Gadi Algazi à Haaretz.

Depuis plusieurs semaines, des centaines de citoyens palestiniens d’Israël dans le Néguev protestent contre un projet de reforestation de leurs villages mené par le Fonds national juif (FNJ), qu’ils considèrent comme un stratagème employé pour les priver de leurs terres.

Dimanche, près de 200 personnes ont manifesté devant le bureau du Premier ministre israélien Naftali Bennett à Jérusalem contre ce projet, dénonçant une « politique de discrimination et de négligence ».

Environ 300 000 citoyens palestiniens vivent dans le Néguev. Quelque 100 000 d’entre eux se trouvent dans 35 villages non reconnus et sont privés des services publics essentiels.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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