Israël : les mouvements de colons savourent l’occasion de « judaïser » la Galilée
L’extrême droite religieuse, galvanisée par le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, passe à l’étape suivante de sa campagne visant à « judaïser » les zones où vivent d’importantes communautés palestiniennes.
Alors que l’attention internationale se concentre principalement sur l’expansion des colonies en Cisjordanie occupée, les zones à forte population arabe à l’intérieur des frontières d’Israël d’avant 1967 se retrouvent au cœur d’une offensive démographique.
Des zones telles que la région du nord de la Galilée, qui abrite un grand nombre de Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, sont ciblées par des militants qui adhèrent à la même idéologie que celle cherchant à étendre les activités de colonisation en Cisjordanie occupée.
« Toute colonisation en Galilée, en Judée-Samarie et dans le Néguev est excellente », assure le militant de droite Orit Spitz à Middle East Eye. « Toutes ont la même valeur, toutes font partie de la Terre d’Israël. »
Le terme « Judée-Samarie » est souvent utilisé par les Israéliens pour désigner la Cisjordanie occupée.
« Nous devons emplir la Galilée [de colons] parce qu’à l’heure actuelle, la majorité est arabe »
- Orit Spitz, militant de droite
Suivant l’exemple des colons juifs en Cisjordanie, Spitz a aidé à établir un avant-poste illégal il y a plus d’un an près de la ville arabe d’Eilabun en Galilée.
En Cisjordanie, de tels avant-postes sont légalisés rétroactivement, en particulier sous le gouvernement actuel, dans lequel le dirigeant d’extrême droite du Parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, possède une grande influence. Désormais, il semble que la Galilée connaisse la même chose.
Le cabinet de Netanyahou a décidé en juillet que l’avant-poste que Spitz a contribué à créer, Ramat Arbel, deviendrait une ville.
Aux yeux des mouvements de colons, la ville servira de point de départ à une mission nationale visant à modifier l’équilibre actuel entre citoyens juifs et palestiniens en Galilée, et à parvenir à ce que les juifs prévalent clairement dans la région.
« Nous devons emplir la Galilée [de colons] parce qu’à l’heure actuelle, la majorité est arabe », explique Spitz.
Intérêts et ambitions partagés
L’idée de renforcer la présence juive en Galilée n’est pas nouvelle. Mais aujourd’hui, elle est soutenue par un gouvernement israélien plus réceptif aux demandes d’extrême droite qu’à toute autre période de l’histoire du pays.
La déférence de Netanyahou envers l’extrême droite découle d’intérêts et de valeurs partagés. Il a besoin du soutien de l’extrême droite pour garder sa coalition intacte, tandis que l’extrême droite partage son objectif politique central d’éradiquer la capacité de la Cour suprême israélienne à limiter le pouvoir de la coalition.
Une fois la cour neutralisée, l’extrême droite serait encore plus libre de déposséder les Palestiniens en Cisjordanie et de dégrader le statut de la communauté palestinienne en Israël.
Compte tenu du propre passif de la droite dure de Netanyahou et du fait qu’il a conféré une légitimité à l’extrême droite avant et après les élections de l’année dernière, les critiques estiment que ce serait une erreur de croire qu’il a un problème avec ces objectifs.
Parmi les personnalités clés du gouvernement figurent le leader de Force juive et ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui a fait campagne en promettant d’expulser les citoyens arabes et juifs de gauche « déloyaux », et le dirigeant du Parti sioniste religieux et ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui a appelé à « l’effacement » d’un village de Cisjordanie, Huwara, et a menacé de supprimer le financement des localités arabes.
« Il est clair que ce gouvernement intensifie les discriminations raciales qui favorisent la communauté juive », estime Yousef Jabareen, ancien membre de la Knesset.
Il utilise le terme « apartheid rampant » pour qualifier les mesures prises par le gouvernement, notamment l’adoption d’un projet de loi qui augmente le nombre de localités juives pouvant empêcher les citoyens arabes d’y habiter.
Le 1er août, la décision du gouvernement de soutenir Ramat Arbel a été fêtée par Ben-Gvir et d’autres sommités de l’extrême droite, y compris le député Aryeh Kellner du Likoud de Netanyahou. Un Spitz souriant a observé ces politiciens danser avec de jeunes colons religieux.
Un haut-parleur proclamait que Ramat Arbel deviendrait « une grande ville ». Mais tous les juifs vivant à proximité ne sont pas enthousiasmés par cette perspective, d’autant plus que des politiques comme Ben-Gvir sont considérés par beaucoup comme des ennemis acharnés pour avoir soutenu la tentative de Netanyahou d’accroître ses pouvoirs, comme l’illustre la réforme judiciaire.
Spitz et les politiciens affirment que Ramat Arbel n’est que la première graine de ce que le gouvernement appelle sa « campagne de judaïsation de la Galilée ». Les citoyens palestiniens estiment que cette entreprise est une manifestation supplémentaire du suprémacisme et du racisme juifs.
De nouvelles communautés juives doivent voir le jour, selon Spitz et Moshe Solomon, membre de la Knesset pour le Parti sioniste religieux. Et ce, alors que les citoyens palestiniens sont confrontés à une pénurie de terres, à des coupes budgétaires et à une absence de plans d’urbanisme qui entraîne des démolitions de maisons.
Dans le sud, le gouvernement refuse de reconnaître les villages bédouins et, à la mi-août, des centaines de bédouins ont été informés qu’ils devraient quitter leurs maisons dans le village de Ras Jrabah pour faire place à la construction d’un quartier majoritairement juif dans la ville de Dimona.
« La majorité ici n’est pas juive »
À Ramat Arbel, alors que les politiciens dansaient, plus d’un millier de manifestants anti-gouvernementaux des zones juives des environs s’opposaient à la présence de politiciens d’extrême droite. Brandissant des drapeaux israéliens, ils scandaient « Disgrâce », sonnaient des cornes de brume et battaient des tambours pour noyer les chants festifs.
Mais une chanson appréciée des colons de Cisjordanie a percé le bruit, avec son exhortation : « Vous vous étendrez vers la mer, l’est, le nord et le sud ». Daniella Weiss, dirigeante influente des colons de Cisjordanie, a pris des photos.
« Je m’inquiète d’une prise de pouvoir des fondamentalistes juifs […] Nous voulons vivre dans une démocratie et ils veulent un État de loi juive orthodoxe sans Arabes »
– Amir Wohl, manifestant juif
C’est une époque grisante pour les membres de la droite religieuse comme Weiss. Récemment, l’armée a autorisé son groupe, Nachala, à occuper de nouveau une colonie près de la ville de Naplouse en Cisjordanie, sur une propriété privée palestinienne volée, selon les groupes de défense des droits de l’homme.
Sur un panneau au-dessus des danseurs était accroché l’emblème de Nachala, une carte comprenant tout le territoire de la péninsule égyptienne du Sinaï, tout Israël, les territoires occupés, la Jordanie, la Syrie et l’Irak.
Solomon a arrêté de danser pour répondre aux questions sur la direction que prenait la Galilée sous le gouvernement d’extrême droite.
« La judaïsation de la Galilée est une valeur suprême. Il y a un consensus dans la société israélienne sur la colonisation, sur la judaïsation de la Galilée. C’est une région très importante. Depuis l’époque de la Bible, on nous trouve ici, mais à notre grand regret, la majorité ici n’est pas juive », a déclaré Solomon au média australien Plus61J Media.
À propos des citoyens palestiniens d’Israël, il a dit : « Leur présence ici n’est pas un problème, mais nous voulons nous installer ici, établir des colonies et amener des familles dans ce bel endroit, afin qu’il y ait suffisamment de juifs qui puissent vivre en paix. »
« Si quiconque vit ici et n’est pas juif – c’est très bien tant qu’il ne fait pas de mal aux juifs », a ajouté Solomon.
Il a affirmé qu’il était important que la Galilée ait un « caractère » juif.
« Dans un endroit où il y a une colonie, il y aura un caractère juif. Dans un endroit où il y a de l’agriculture, il y aura un caractère juif. Dans un endroit où passe une charrue, il y aura un caractère juif. »
Solomon fait valoir qu’Israël a été forcé de quitter la bande de Gaza et les zones du nord de la Cisjordanie parce que la colonisation juive n’y était pas assez forte. « Les endroits où nous n’étions pas assez présents nous ont été enlevés », a-t-il dit.
« Plus il y aura de juifs ici, plus il y aura d’emplois, de culture, d’éducation et de sécurité », a-t-il poursuivi.
Mais les Palestiniens en Israël se sentent déjà moins en sécurité, inquiets des signes indiquant que la coalition est déterminée à mettre en œuvre une législation raciste de 2018, la loi sur l’État-nation, qui a consacré la colonisation juive comme une valeur nationale et qui, à leurs yeux, et à ceux des détracteurs, a officialisé le statut des Palestiniens en tant que citoyens de seconde zone.
« Lorsque vous ne travaillez pas à améliorer les conditions de vie des villages et des villes existants, et que vous venez établir de nouvelles villes et colonies modernes, c’est de la discrimination », soutient Reem Hazzan, dirigeante de Hadash, parti à prédominance arabe, dans la ville de Haïfa, dans le nord du pays.
« Sans parler du fait que selon nous, ces terres ont été confisquées et appartenaient à des Palestiniens. Au lieu même de profiter ensemble de ces terres, c’est exclusivement pour les juifs. »
Amir Wohl, l’un des manifestants juifs contre Ben-Gvir, exprime lui aussi son inquiétude.
« Je m’inquiète d’une prise de pouvoir des fondamentalistes juifs. Chaque fois que des ministres viennent dans le nord, nous manifestons contre eux. Nous voulons vivre dans une démocratie et ils veulent un État de loi juive orthodoxe sans Arabes. »
Ramat Arbel « n’est qu’une provocation », estime-t-il. « Il y a déjà beaucoup de colonies pour les juifs en Galilée. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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