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Palestine : sans carburant ni internet, Israël s’apprête à déconnecter Gaza du reste du monde

Les Palestiniens craignent que le siège total des plus de deux millions d’habitants de Gaza ait pour but de les empêcher de raconter au monde ce qu’ils endurent
Des enfants palestiniens fuient une attaque israélienne contre Gaza, le 12 octobre 2023 (AFP)
Par Maha Hussaini à VILLE DE GAZA, Palestine occupée

Les plus de deux millions d’habitants de la bande de Gaza sont confrontés à la menace imminente d’une coupure totale avec le monde extérieur après qu’Israël a mis fin à l’approvisionnement en carburant et en électricité de la bande côtière sous blocus et bombardé les deux principales sociétés de télécommunications.

L’unique centrale électrique de Gaza a réduit l’approvisionnement en électricité des ménages de huit heures à quatre heures par jour depuis que le Hamas a lancé une attaque surprise sur plusieurs fronts contre Israël samedi matin.

En réponse, l’armée israélienne mène une campagne de bombardement de très grande ampleur contre la bande côtière, provoquant des destructions massives et anéantissant des quartiers entiers. Au moins 1 354 Palestiniens et 1 300 Israéliens ont été tués.

L’autorité de l’énergie de Gaza a averti que la centrale électrique de l’enclave pourrait bientôt être complètement fermée en raison de la diminution des approvisionnements en carburant.

« Se faire bombarder dans un black-out total tout en étant déconnectés du reste du monde et les uns des autres est quelque chose que je ne pouvais imaginer même dans mes pires cauchemars »

- Salma Mohamed, une habitante de Gaza

Dans de nombreuses zones de la bande côtière assiégée, les habitants ont signalé une perte partielle de connexion internet depuis samedi en raison des dommages infligés aux infrastructures par les bombardements israéliens en cours.

Ces perturbations ont empiré lorsque les forces israéliennes ont ciblé lundi les sièges sociaux des deux principales sociétés de télécommunications de Gaza, Paltel et Jawwal.

En conséquence des fréquentes coupures d’électricité et de connexions internet peu fiables, Middle East Eye a rencontré des difficultés pour maintenir la communication avec ses journalistes sur le terrain.

Israël a annoncé lundi un blocus total de la bande de Gaza, réduisant ainsi les approvisionnements en carburant et en nourriture. L’enclave est depuis incapable d’importer du carburant ou de recevoir de l’aide humanitaire.

Des camions égyptiens livrant de l’aide à Gaza mardi ont été contraints de faire demi-tour sous la menace des frappes aériennes.

La Douzième chaîne israélienne a déclaré qu’un responsable du pays avait averti l’Égypte que tout camion transportant de l’aide et tentant de pénétrer dans la bande de Gaza serait la cible de bombardements.

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Les avions de combat israéliens ont mené lundi et mardi de multiples frappes aériennes au niveau de Rafah, à la frontière entre l’Égypte et Gaza, rendant hors de service le seul point de passage vers l’extérieur.

Même si l’ampleur des bombardements est sans précédent, les habitants affirment que leur peur du black-out pourrait dépasser celle des bombardements.

« Savoir que nous n’étions pas seuls et que nous pouvions accéder au net et partager sur les réseaux sociaux des informations sur les massacres commis était pour nous une forme de réconfort », confie à MEE Salma Mohamed, une habitante de la ville de Gaza.

« Maintenant, savoir que nous serons isolés et complètement coupés du monde est horrible. Se faire bombarder dans un black-out total tout en étant déconnectés du reste du monde et les uns des autres est quelque chose que je ne pouvais imaginer même dans mes pires cauchemars. »

Isolement complet

Les habitants de Gaza craignent également de ne pas pouvoir recevoir les avis de l’armée israélienne leur demandant d’évacuer leurs bâtiments avant qu’elle ne bombarde la zone.

« Ma plus grande crainte est qu’à tout moment, ma famille et moi-même puissions nous retrouver coincés sous les décombres, incapables d’appeler à l’aide. Nous ne pourrions même pas rester informés de l’emplacement des zones bombardées ou recevoir des notifications d’évacuation car nos téléphones seraient à court de batterie et il n’y aurait pas de service téléphonique », craint Mustafa Banna, un habitant de la ville de Gaza.

« L’occupation israélienne tente apparemment de perpétrer des massacres tout en veillant à ce que les crimes ne soient pas signalés et restent ignorés »

- Une habitante de Gaza

« Nous ne connaîtrions même pas le sort de nos familles et de nos proches qui vivent dans d’autres zones de Gaza », ajoute le père de famille de 28 ans.

« Lorsque l’électricité revient, internet est en panne, et lorsque nous avons une connexion internet, l’électricité est coupée. Nous ne recevons que quatre heures d’électricité par jour. L’électricité fournie par les générateurs électriques a également été réduite à quatre heures quotidiennement. »

Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé mercredi que les hôpitaux commenceraient à suivre un plan de réduction de la consommation électrique afin de réserver du carburant pour les opérations critiques permettant de sauver des vies.

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« Compte tenu de l’intense agression israélienne, des pannes de courant et du manque de carburant pour les hôpitaux, nous avons décidé de mettre en œuvre des mesures visant à réglementer les services de santé, allouer et diriger la capacité limitée des générateurs d’électricité de manière à maintenir les services essentiels et vitaux pour les blessés et d’autres patients », a déclaré le ministère à MEE.

Les coupures d’électricité ont également un impact direct sur l’approvisionnement en eau, qui dépend de l’électricité pour être pompée dans les bâtiments résidentiels.

« Quand l’électricité est coupée, c’est comme si la vie s’arrêtait, rien ne peut être fait. Même l’eau n’est plus disponible et, maintenant, l’interruption d’internet exacerbe la situation », déclare sous le couvert de l’anonymat une mère de famille qui travaille dans une ONG locale.

« L’occupation israélienne tente apparemment de perpétrer des massacres tout en veillant à ce que les crimes ne soient pas signalés et restent ignorés », dit-elle à MEE.

Traduit de l’anglais (original).

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