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Les témoignages de Palestiniens faisant état de mauvais traitements et de torture dans les prisons israéliennes se multiplient

Selon une organisation de défense des droits des détenus palestiniens, il semble qu’Israël n’ait « plus de lignes rouges » dans les mauvais traitements qu’il inflige aux prisonniers palestiniens depuis le 7 octobre, notamment aux femmes
Des Palestiniens manifestent devant la prison israélienne d’Ofer, près de la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 12 juillet 2021 (AFP)
Par MEE

Les prisonniers palestiniens libérés dans le cadre de l’accord de trêve entre le Hamas et Israël évoquent de nombreux exemples de mauvais traitements et de torture, ayant parfois entraîné la mort, dans les geôles israéliennes.

Ce mercredi, Ruqayah Amra, l’une des Palestiniennes libérées dans le cadre de l’échange de prisonniers, a déclaré à Al Jazeera que les détenues étaient menacées d’agression sexuelle et que certaines femmes avaient été soumises à des passages à tabac, parfois alors qu’elles étaient nues dans les sanitaires de la prison.

Elle a affirmé que les gardes israéliens menaçaient les prisonniers : « Ils nous montraient des vidéos fabriquées, mais les filles refusaient de les regarder. [Les gardes israéliens disaient] regardez ce que nous allons vous faire », a ajouté Ruqayah Amra. « C’est quelque chose dont je ne peux même pas parler. »

Les affirmations d’Amra s’ajoutent aux précédents témoignages rapportés par Middle East Eye, selon lesquels des gardes israéliens auraient menacé d’agresser sexuellement des détenues et les auraient attaquées à l’intérieur de leurs cellules.

Prisonnières menacées d’agression sexuelle et battues à nu

Middle East Eye s’est entretenu avec Hasan Abadi, un avocat qui a rendu visite à un groupe de prisonnières qui lui ont raconté qu’elles étaient menacées de viol et soumises à une « politique de famine » en prison.

Il a évoqué le cas de l’auteure Lama Khater, libérée lors du sixième échange de prisonniers. Après son arrestation à son domicile, menottée et les yeux bandés, elle avait été transférée au poste de police de Kiryat Arba, près d’Hébron.

« Là-bas, elle a été menacée de viol par des soldats qui lui ont dit : ‘’Nous sommes vingt soldats et nous pouvons te faire ce que nous voulons. Tu es notre prisonnière de guerre’’ », a rapporté l’avocat.

« Depuis toutes ces années où j’exerce en tant qu’avocat, c’est la première fois que je dénonce de tels mauvais traitements infligés aux prisonnières »

- Hasan Abadi, un avocat

Lama Khater a été insultée et traitée durement et, comme d’autres détenus, a dû subir des fouilles à nu complètes.

L’avocat rapporte aussi que le 27 octobre, lors d’une descente dans la prison de Damon, où sont détenues des prisonnières palestiniennes, les forces israéliennes les ont agressées sans motif et ont tiré des bombes à gaz dans leurs chambres, battant gravement trois d’entre elles et plaçant les autres à l’isolement.

En outre, indique-t-il, l’administration pénitentiaire empêche les détenues de quitter leur chambre et de se déplacer entre les sections, et limite les visites aux toilettes à seulement 15 minutes par jour pour chaque cellule, lesquelles contiennent plus de sept détenues.

« Depuis le 7 octobre, j’ai rendu visite à de nombreuses prisonnières, dont certaines étaient blessées ou malades. Malheureusement, elles se voient refuser leur droit à leur traitement et ils les empêchent d’être transférées dans des centres de soin ou de consulter un médecin », a ajouté l’avocat.

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« Depuis toutes ces années où j’exerce en tant qu’avocat, c’est la première fois que je dénonce de tels mauvais traitements infligés aux prisonnières », a déclaré Abadi.

Plus de 2 280 Palestiniens, dont plus de 75 femmes, ont été arrêtés depuis qu’Israël a lancé une campagne de répression contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée après l’attaque du Hamas le 7 octobre. Un certain nombre d’entre eux ont été libérés sous conditions ou après la reddition de leurs proches.

Les organisations de défense des droits des prisonniers palestiniens ont documenté le traitement sévère auquel ils sont soumis, notamment les femmes.

Amani al-Sarahna, porte-parole du Club des prisonniers palestiniens, a déclaré à MEE qu’un tournant majeur s’était produit dans le traitement des prisonnières, caractérisé par des mauvais traitements, des passages à tabac, la privation de nourriture et de produits de première nécessité ainsi que des menaces constantes.

Selon elle, Israël exerce une telle pression sur les prisonnières qu’il semble qu’« il n’y ait plus de lignes rouges ».

« Ils ne faisaient pas de différence entre les vieux et les jeunes »

Les hommes et les mineurs ne sont pas mieux lotis.

Ramzi al-Abbasi, un prisonnier palestinien récemment libéré, a décrit les conditions de détention en Israël dans une vidéo publiée mercredi.

« Nous n’avons pas vu la lumière du soleil depuis 60 jours. Nous avons eu 60 jours de passages à tabac, matin, midi et soir. Dans le Néguev, la prison abrite 3 000 Palestiniens et s’est transformée en cimetière. De nombreux prisonniers ont des os cassés, certains ont les mains ou la tête cassées », a-t-il déclaré.

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« Mentalement et physiquement, nous sommes dans un état épouvantable », a-t-il ajouté.

Il a appelé la Croix-Rouge à visiter les prisons et à constater par elle-même « les coups, les fractures et les agressions sexuelles, les violences verbales, le fait d’uriner sur le Coran, le fait de dormir nu à même le sol, dans le froid, sans eau ni nourriture ».

Des mineurs libérés des prisons israéliennes dans le cadre de l’accord ont eux aussi déclaré qu’ils avaient été soumis à des actes de torture en captivité et que plusieurs de leurs codétenus avaient été battus à mort.

Ces adolescents faisaient partie des 39 Palestiniens libérés dimanche, lors du troisième échange de prisonniers entre Israël et le Hamas.

Khalil Mohamed Badr al Zamaira, 18 ans, faisait partie des personnes libérées. Il avait 16 ans lors de son arrestation. Il rapporte que les prisonniers palestiniens sont maltraités et battus en prison, et qu’il n’y a pas de traitement différent pour les enfants.

« Ils ne faisaient pas de différence entre les vieux et les jeunes », a-t-il dit à Middle East Eye.

Omar al Atshan, un autre adolescent palestinien libéré, a lui aussi déclaré avoir été maltraité et torturé dans la prison du Néguev, où il était détenu.

« Les mauvais traitements étaient indescriptibles », a-t-il dit à Al Jazeera lors d’un reportage en direct dimanche sur l’arrivée des prisonniers libérés en Cisjordanie occupée, ajoutant qu’un captif, Thaer Abu Assab, avait été battu à mort en détention.

Omar al-Atshan s’adressant dimanche à Al Jazeera
Omar al-Atshan s’adressant dimanche à Al Jazeera

« Il a été trop battu. Nous avons appelé à l’aide, mais les médecins sont arrivés une heure et demie après qu’il eut déjà succombé à la torture. Il a été torturé à cause d’une question ; il a demandé au directeur s’il y avait une trêve. Puis il a été battu à mort. »

Un autre mineur libéré, Osama Marmash, a livré un témoignage similaire à Al Jazeera.

Le jeune de 16 ans, qui était détenu à la prison de Megiddo, a déclaré à Al Jazeera que quatre captifs palestiniens avaient été torturés à mort dans cette prison.

Traduit de l’anglais (orignal).

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