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Les Palestiniens dénoncent la « complicité » de la police dans l’explosion du taux d’homicide en Israël

Alors que les crimes de sang battent des records au sein de la communauté palestinienne d’Israël, la police est accusée de ne pas accomplir son devoir de protection et de ne pas résoudre la plupart des affaires
Manifestation à Jérusalem contre la violence par armes à feu au sein de la communauté palestinienne d’Israël, le 31 mai 2023. « La police est complice des crimes », peut-on lire sur la banderole (AFP)
Par Ibraheem Sinjlawi à JÉRUSALEM

Mercredi dernier, des dizaines de citoyens palestiniens d’Israël ont participé à un sit-in à Jérusalem pour dénoncer la « complicité » de la police dans un contexte de taux d’homicide record au sein de leur communauté. 

La tente de la manifestation a été érigée lundi pour une manifestation de trois jours devant le bureau du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. 

Les participants demandaient à la police d’assurer leur sécurité et de démanteler les gangs du crime organisé qui gangrènent les villes et villages à majorité palestinienne

« Nous pensons qu’Israël est complice des gangs criminels, souhaitant ainsi épuiser la communauté arabe et faire de la sécurité personnelle sa préoccupation »

- Mohammad Barakeh, directeur du High Follow-Up Committee

Mohammad Barakeh, ex-député et directeur du High Follow-Up Committee (organisation-cadre de la société civile représentant les citoyens palestiniens d’Israël), affirme à Middle East Eye que l’État est « complice ».

« Il y a une terrible augmentation de l’ampleur des gangs criminels au sein de la société palestinienne et les victimes tombent comme des mouches », indique-t-il. « Israël fait comme si le sujet ne le concernait pas. » 

Au moins 78 citoyens palestiniens d’Israël, dont 6 femmes et 2 enfants, ont été tués dans une vague de meurtres depuis le début de l’année, une augmentation vertigineuse du taux d’homicide par rapport à ces dernières années. 

En 2022, on a recensé au total 116 morts selon l’ONG Abraham Initiatives

Au rythme actuel, ce nombre pourrait quasiment doubler d’ici la fin 2023.  

Au sit-in de mercredi étaient présents des politiciens, des chefs de communauté et des proches de celles et ceux qui ont perdu la vie dans les violences criminelles. 

Pour Mohammad Lotfi, père de Zahi, qui a été tué en octobre dans une fusillade liée à la criminalité et impliquant la police, l’État israélien doit en faire davantage. 

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« Nous demandons au gouvernement israélien fasciste, auquel je ne crois pas, de combattre le crime dans la communauté palestinienne », expose-t-il. 

« Nous exhortons également les citoyens palestiniens d’Israël à nous rejoindre dans des rassemblements de plus en plus nombreux et de plus en plus grands pour résoudre cette crise. » 

Mohammad Barakeh accuse les autorités israéliennes de permettre ces violences pour distraire les citoyens palestiniens des campagnes menées pour leurs droits politiques et civiques en Israël et dans les territoires occupés. 

« Nous pensons qu’Israël est complice des gangs criminels, souhaitant ainsi épuiser la communauté arabe et faire de la sécurité personnelle sa préoccupation », explique-t-il à MEE

« Avec la même force, nous affronterons à la fois le problème du crime organisé et les crimes qu’Israël commet contre le peuple palestinien. »

Négligence et discrimination

Les citoyens palestiniens d’Israël sont les descendants de la population autochtone qui a été déplacée avec violence par les milices sionistes lors de la création d’Israël en 1948, événements connus des Palestiniens sous le nom de Nakba.

Depuis des décennies, ils subissent les pratiques et lois discriminatoires imposées par l’État d’Israël.

Des représentants de la population palestinienne disent disposer de suffisamment de preuves pour suggérer que la police israélienne ferme délibérément les yeux sur le trafic illicite d’armes, voire y contribue

Selon Abraham Initiatives, les crimes et les violences au sein de la communauté palestinienne sont le résultat d’un certain « laxisme et de relations tendues avec la police israélienne ».

L’ONG indique que 50 % de l’ensemble des crimes violents dans le pays concernent les Palestiniens, bien que ceux-ci ne constituent que 20 % de la population israélienne.  

Les armes illégales pullulent dans les villes palestiniennes et des gangs – impliqués dans le trafic de drogue, d’armes, la prostitution et d’autres crimes – en profitent. 

Des représentants de la population palestinienne disent disposer de suffisamment de preuves pour suggérer que la police israélienne ferme délibérément les yeux sur le trafic illicite d’armes, voire y contribue. 

« Cela repose sur les accusations que se sont lancées certains responsables israéliens concernant le fait de fournir une protection à des chefs de gang et de ralentir les enquêtes », explique Raed Salah, personnalité sociale et religieuse reconnue parmi les citoyens palestiniens d’Israël.

« La position adoptée par les institutions israéliennes sur la façon de gérer cette tragédie est suspicieuse », poursuit-il, promettant que de plus grosses manifestations seront organisées dans les semaines à venir pour faire pression sur la police pour qu’elle agisse davantage. 

Les manifestants pensent que la police ferme les yeux sur l’activité des gangs criminels dans les quartiers palestiniens (MEE/Ibraheem Sinjlawi)
Les manifestants pensent que la police ferme les yeux sur l’activité des gangs criminels dans les quartiers palestiniens (MEE/Ibraheem Sinjlawi)

La police israélienne nie les allégations suggérant une quelconque complicité. 

En 2021, elle a inauguré un service dédié à la lutte contre le crime dans la communauté arabe avec le but de « rétablir la sécurité dans les rues ».

Mais ce service a été démantelé en début d’année alors que le taux de criminalité continue de monter en flèche.

En outre, la police israélienne résout lentement les meurtres. Sur les 42 affaires recensées au cours des quatre premiers mois de l’année, seules 2 ont été résolues, selon le quotidien israélien Haaretz

En revanche, plus de 83 % des homicides au sein de la communauté juive ont été résolus au cours de la même période.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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