Mali : les hommes de Wagner à nouveau accusés d’exactions contre des villageois
Une nouvelle fois, les hommes du groupe Wagner sont pointés du doigt pour des exactions présumées au Mali. Au moins treize civils ont été tués dimanche dans le cercle de Tenenkou (centre), selon des propos rapportés à l’AFP et à RFI, et selon les témoignages, l’expédition aurait été menée par « des militaires maliens accompagnés de militaires blancs ».
Un habitant de Guelledjé a indiqué à l’AFP que le village avait été « attaqué » parce que « l’armée et les militaires blancs de Wagner considèrent que c’est une localité d’[islamistes armés] ».
Un responsable de l’association Tabital Pulakuu, une association pour la promotion de la culture des Peuls, une des ethnies maliennes, a affirmé à l’AFP que ce sont « plus de vingt civils qui ont été tués et arrêtés dimanche à Guelledjé », des membres selon lui de cette communauté.
« On fait trop d’amalgames. Tous les Peuls ne sont pas des [islamistes armés]. Ceux qui ont été tués sont des civils innocents », a-t-il ajouté.
Ces informations ont été réfutées par une source militaire malienne. « Nous rejetons catégoriquement ces accusations », a indiqué à l’AFP cette source. Des interlocuteurs militaires maliens ont aussi assuré à RFI : « Nous sommes une armée républicaine qui respecte les droits de l’homme. »
« Coopération »
Le Mali est plongé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et islamiste radicale en 2012 dans le nord.
Fin octobre, Human Rights Watch a publié un rapport dans lequel il est précisé que depuis le début de l’année, des groupes armés affiliés au groupe État islamique (EI) ont massacré des centaines de villageois dans le Nord-Est du Mali. Des dizaines de milliers de villageois ont par ailleurs été poussés à fuir ailleurs au Mali ou vers le Niger voisins après avoir perdu leur bétail et leurs biens dans ces attaques.
La sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland, de retour du Sahel, a déclaré le 26 octobre que la sécurité s’était considérablement détériorée au Mali depuis que la junte a fait appel, selon les États-Unis et leurs alliés, aux mercenaires de Wagner en 2021.
La France et les États-Unis accusent aussi la junte malienne de s’être adjoint les services de la société de sécurité russe Wagner, aux agissements décriés. Les autorités maliennes démentent et parlent de coopération avec l’armée russe au nom d’une relation ancienne d’État à État.
Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 au Mali se sont détournés depuis un an de l’allié français et de ses partenaires, et tournés vers la Russie. Le gouvernement affirme avoir inversé la tendance sécuritaire et avoir mis en débandade les groupes islamistes armés.
Charnier
Début septembre, une note trimestrielle de la mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) sur les droits humains a accusé les mercenaires russes de « massacre et de violations des droits humains » et imputé la mort d’au moins 50 civils à des soldats maliens accompagnés par du « personnel militaire étranger » lors d’une opération menée le 19 avril à Hombori (Centre) après l’explosion d’un engin improvisé au passage d’un convoi de l’armée.
Comment le groupe Wagner a participé à la création d'un charnier au Mali pour accuser la France#LigneRouge pic.twitter.com/pyZBgWpAYB
— BFMTV (@BFMTV) October 31, 2022
Différentes sources avaient à l’époque dit à l’AFP qu’un homme tué dans l’explosion était un Russe déployé en opération avec les soldats maliens.
Les autorités ont accusé la MINUSMA de faire sienne la version de la France sur une sombre affaire de cadavres qui a éclaté juste après le départ des Français de la base de Gossi, au nord-est de Hombori.
Dans une grande acrimonie entre Bamako et Paris, les colonels au pouvoir au Mali depuis le putsch de 2020 se sont totalement détournés des anciens compagnons d’armes français et se sont tournés vers les Russes.
Les Français ont achevé leur retrait militaire progressif du Mali après neuf ans d’engagement. Le 19 avril, ils ont rendu aux autorités maliennes la base de Gossi. Le 21 avril a circulé une vidéo prise à l’aide d’un drone et montrant, selon l’armée française, des mercenaires russes en train d’enterrer des corps près de la base. Le but aurait été d’accuser les Français de laisser un charnier derrière eux.
Les autorités maliennes ont accusé en retour les Français d’avoir fabriqué « de toutes pièces » ces images afin d’accuser les soldats maliens d’exactions.
La MINUSMA a fourni une version favorable à la France en déclarant que les dépouilles ensevelies à Gossi avaient été transportées sur place le 20 avril, soit le lendemain de la remise du camp, et « provenaient de Hombori ».
Les Affaires étrangères maliennes persistent à parler « d’implication probable » des soldats français dans la constitution de charnier, qui « existait bien avant la restitution du camp » selon elles.
Les autorités maliennes accusent les Occidentaux de vouloir « ternir l’image des forces maliennes et les discréditer vis-à-vis des populations et de la communauté internationale » et assurent au contraire « veiller au respect des droits humains et diligenter des enquêtes s’il y a lieu ». Mais les résultats de celles-ci ne sont presque jamais rendus publics.
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