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Dans l’administration publique marocaine, la langue arabe plutôt que le français

Alors que les questions linguistiques sont fréquemment source de crispations au Maroc, le royaume chérifien a affirmé vouloir valoriser dans l’administration les deux langues officielles du pays, l’arabe et l’amazighe. Au détriment du français
Des étudiantes suivent des cours de langues à l’université d’Alkhawayn d’Ifrane, entre les villes de Fès et Meknès (AFP/Abdelhak Senna)
Par MEE

C’est une décision qui a été largement saluée au Maroc : Ghita Mezzour, la ministre de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, a annoncé le 3 juillet dernier que l’arabe figurerait désormais comme « langue officielle de l’administration publique et des établissements publics et privés », une décision qui devrait ainsi mettre fin à l’utilisation du français.

Bien que non officielle, la langue de Molière est encore particulièrement présente au Maroc dans la vie économique, l’administration ou encore les médias et l’éducation : selon les données communiquées par l’Organisation internationale de la francophonie, près de 36 % de la population marocaine maîtriserait le français.

Le français « non règlementaire »

Ghita Mezzour s’est appuyée sur l’article 5 de la Constitution qui stipule que l’État se voit garant de « la protection et du développement » de l’arabe, par ailleurs langue officielle du pays aux côtés de l’amazighe, qui figure « en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception ».

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Pour la ministre, dont les propos ont été rapportés par le quotidien Al-Akhbar après une question parlementaire, il ne s’agirait pas seulement d’une « obligation constitutionnelle » mais d’un choix appuyé par un jugement du tribunal administratif de Rabat, confirmé par la cour d’appel, qui juge l’utilisation du français « non règlementaire ».

Ghita Mezzour a également insisté sur une circulaire en date de 2018, qui oblige les administrations publiques et les collectivités locales à utiliser l’arabe et l’amazighe, notamment afin de protéger les droits des personnes ne maîtrisant pas le français.

Alors que le pays est toujours divisé entre l’usage répandu de plusieurs langues – le dialecte marocain, l’arabe littéraire, l’amazighe et le français –, la mise en application de cette décision devrait « garantir l’accès à l’information dans le respect des deux langues officielles du Royaume ».

Vers une réorientation linguistique

Le média marocain La Nouvelle Tribune note ainsi que cette orientation témoigne « d’une redéfinition de la politique linguistique du pays qui pourrait avoir des conséquences significatives sur l’importance et l’influence de la langue française au Maghreb ».

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Car l’usage du français, héritage du passé colonial du pays, reste très majoritairement utilisé, notamment dans les postes universitaires, et s’avère presque incontournable dans les cursus d’études supérieures. Un état de fait qui confère encore au français l’image d’une langue « d’élite », favorisant le ressentiment contre lui d’une partie de la population. 

Cette mesure serait un deuxième coup dur à la présence de la langue française au Maroc : il y a quelques semaines, les autorités ont annoncé une généralisation progressive de l’enseignement de l’anglais dès la première année du collège au sein du service public, une mesure qui, si les délais sont respectés, sera totalement effective pour la rentrée 2025-2026.

Des décisions qui interviennent dans un contexte de turbulences entre Paris et Rabat, particulièrement à la suite de la décision française, fin 2021, de réduire de moitié les permis d’entrée accordés aux Marocains, une mesure qualifiée d’« injustifiée » par Rabat.

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