Obsèques de Shireen Abu Akleh : des personnalités juives françaises condamnent la brutalité de la police israélienne
Plusieurs personnalités juives françaises ont signé, mardi 16 mai, une tribune intitulée « Pourquoi nous, juifs et humanistes, condamnons sans appel les agissements de la police israélienne aux obsèques de Shireen Abu Akleh ».
Pour les signataires de ce texte, « la violence perpétrée contre le cortège accompagnant la journaliste américano-palestinienne vers sa dernière demeure est contraire aux valeurs du judaïsme ».
Shireen Abu Akleh, journaliste et reporter d’Al Jazeera, a été assassiné par un tir israélien le 11 mai alors qu’elle couvrait un raid des forces israéliennes à Jénine, en Cisjordanie occupée.
Lors de ses obsèques, le 13 mai, la police israélienne a brutalement chargé le cortège portant la dépouille de la journaliste, causant plusieurs blessés et faisant presque tomber le cercuil. Une attitude qui a choqué l’opinion internationale.
« Une portée éthique »
« Tous les signataires de ce texte sont humanistes – et juifs. Juif, chacun l’est bien sûr à sa façon. Mais en la circonstance, croyant ou pas, pratiquant ou pas, sioniste ou pas, ayant ou non développé des relations fortes avec Israël, les différences comptent peu. Le point commun de tous les signataires de ce texte est qu’ils donnent à leur attachement au judaïsme une portée éthique », commencent par déclarer les signataire de la tribune.
Ils précisent : « En 2018, la Knesset [le Parlement israélien] déclarait Israël État-nation du peuple juif. Sans qu’aucun d’entre nous ait été consulté sur ce que pouvait signifier pareille définition, ni n’ait participé à l’élection des parlementaires qui l’adoptaient. De cette façon, la Knesset rendait d’office les juifs de diaspora et au-delà le judaïsme lui-même coresponsables de la politique menée par les instances dirigeantes de cet État. »
La loi sur l’État-nation accorde des droits exclusifs « d’autodétermination nationale » – le droit de décider des priorités nationales d’Israël, d’importance symbolique et pratique – aux juifs, où qu’ils vivent, en Israël ou à l’étranger, qu’ils disposent ou non de la nationalité israélienne.
Pour les signataires de cette tribune, « il s’agit là d’un évident abus de pouvoir. Les juifs de diaspora ne peuvent d’aucune façon intervenir dans la définition de cette politique. Et le judaïsme n’a de toute évidence rien à voir là-dedans. C’est là la seule chose que nous, juifs, voulons aujourd’hui rappeler solennellement ».
Police et donneurs d’ordre coupable
« Pourquoi aujourd’hui ? Parce que le vendredi 13 mai, comme vous, comme des millions de personnes dans le monde, nous avons été les témoins bouleversés de la manière dont la police israélienne s’est attaquée au cortège de ceux qui souhaitaient accompagner à sa dernière demeure la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh [...]. Témoins de la manière dont cette police s’est attaquée à ceux qui portaient son cercueil, et à son cercueil lui-même, qui a manqué de peu d’être renversé », poursuivent les signataires.
Ces derniers insistent sur le fait que « de tels faits, attestés par des images relayées sur toute la planète, souillent la terre dont certains croient qu’elle leur a été donnée par Dieu. Ils souillent aussi le judaïsme et notre humanité commune. Nous, juifs et humanistes, déclarons que cette police n’est pas notre police, que ses donneurs d’ordre ne nous sont rien. Et que les actes dont cette police et ses donneurs d’ordre se rendent coupables ne nous engagent pas ».
« Le judaïsme, quelle que soit la définition qu’on en donne, n’autorise ni n’ordonne aucun acte semblable. Héritiers, chacun à sa façon, d’une histoire séculaire faite de justes combats et de souffrances sans nom, nous, juifs et humanistes, avons de la judéité une idée incompatible avec la perpétration de tels actes. De cette judéité, nous ne détachons pas certains principes à nos yeux intangibles. Le simple respect des morts et de leur corps en fait partie », concluent les signataires, dont on peut citer la sénatrice Esther Benbassa, directrice d’études émérite à l’École pratique des hautes études (EPHE), le journaliste et historien Dominique Vidal, le militant anticolonialiste Michel Warschawski, ou encore l’historienne Sophie Bessis.
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