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Des combattants syriens ont participé aux massacres du groupe Wagner en République centrafricaine

Des témoins oculaires affirment à MEE que des mercenaires syriens se trouvaient parmi les forces du groupe russe qui les ont arrêtés et ont tué leurs collègues
Un Casque bleu de l’ONU aux côtés d’un combattant russe et d’un membre de la garde présidentielle du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra à Bangui, le 27 décembre 2020 (AFP)
Un Casque bleu de l’ONU aux côtés d’un combattant russe et d’un membre de la garde présidentielle du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra à Bangui, le 27 décembre 2020 (AFP)
Par Mohammed Amin à BLUBOL, Soudan

Des témoins oculaires fuyant les attaques des mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine (RCA) ont témoigné à Middle East Eye du rôle joué par les combattants syriens et arabes, alors que le réseau russe continue d’étendre son influence à travers l’Afrique.

Deux témoins d’une série d’attaques qui ont commencé sur le site d’une mine d’or dans la région centrafricaine d’Andaha fin mars assurent à MEE que des mercenaires syriens figuraient parmi les combattants de Wagner. 

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Ces témoins soudanais, qui ne pouvaient pas donner leur nom pour des raisons de sécurité, sont des artisans chercheurs d’or à Andaha.

Ils s’exprimaient depuis le village de Blubol, au Darfour du Sud, qu’ils ont atteint après avoir marché pendant plus d’une semaine, souvent sans nourriture ni eau, en passant par le Tchad, puis en franchissant la frontière avec le Soudan. Un certain nombre de personnes fuyant les attaques sont mortes en essayant de se mettre en sécurité.

Les attaques à Andaha, une région minière, ont commencé le 23 mars et se sont poursuivies sporadiquement, faisant plus d’une centaine de morts parmi les mineurs d’or du Soudan, du Tchad, du Niger et de Centrafrique.

Dialecte syrien

Après avoir survécu aux attaques, les mineurs soudanais ont été détenus pendant plusieurs jours par des mercenaires de Wagner. Ils ont rapporté à MEE avoir été torturés par les combattants, dont certains avaient des traits syriens et parlaient un dialecte syrien.

« Il y a des combattants de plusieurs nationalités avec la société de sécurité russe. Nous avons vu des combattants de Russie, de Syrie et d’autres pays africains, y compris de République centrafricaine et d’autres », a déclaré l’un des détenus.

Mineurs d’or artisanaux dans la région d’Andaha en République centrafricaine (MEE)
Mineurs d’or artisanaux dans la région d’Andaha en République centrafricaine (MEE)

« Quand les combattants de Wagner m’ont enlevé, j’ai vu des combattants syriens. L’un d’eux a même mené l’enquête sur nous et traduisait pour les officiers russes. Ils parlaient arabe dans un dialecte levantin, que je connais très bien, alors j’ai réalisé qu’ils étaient des mercenaires syriens. »

Les témoins ont déclaré que les forces de Wagner, qui sont alliées au gouvernement centrafricain dans sa lutte contre les rebelles, y compris le groupe Séléka, avaient attaqué des civils et qu’il n’y avait pas eu d’affrontements récents entre le gouvernement et les forces rebelles à Andaha.

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Le groupe Wagner est considéré par les responsables occidentaux comme un moyen pour le gouvernement du président russe Vladimir Poutine d’étendre son influence dans le monde entier, en obtenant de précieuses concessions minières aurifères qui aident Moscou à contourner les sanctions et en établissant des relations avec des gouvernements africains et moyen-orientaux peu regardants. 

À cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Moscou a besoin de nouvelles recettes et la guerre aurait dynamisé les efforts pour obtenir de l’or africain, qui serait ensuite blanchi par les Émirats arabes unis.

« Russes noirs »

Le groupe Wagner serait dirigé par Evgueni Prigojine, oligarque russe surnommé « le chef de Poutine » parce que ses restaurants ont accueilli des dîners du président russe accompagné de dignitaires étrangers. Ce dernier dément.

Après être intervenus aux côtés du gouvernement du président syrien Bachar al-Assad dans la guerre civile syrienne en 2015, et plus tard dans la guerre civile en Libye, la Russie et le groupe Wagner ont établi une présence significative au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Aujourd’hui, des combattants syriens et libyens travaillent pour le groupe russe en dehors de leur pays.

« Il existe de nombreuses preuves que Wagner a déployé des combattants syriens, tchétchènes et libyens en RCA »

Pauline Bax, International Crisis Group

Pauline Bax, directrice adjointe du programme Afrique de l’International Crisis Group, indique à MEE qu’il existe « de nombreuses preuves que Wagner a déployé des combattants syriens, tchétchènes et libyens en RCA ».

Selon la responsable, les forces de Wagner recrutaient de jeunes hommes, souvent d’anciens rebelles, des provinces centrafricaines pour servir de milices locales.

Ces combattants, surnommés « Russes noirs », protègent les petites villes des attaques et « ont eu les mains libres pour percevoir les taxes locales, probablement pour que Wagner n’ait pas à les payer ».

L’une des victimes des attaques de Wagner déclare à MEE que le groupe contrôlait les zones d’extraction d’or à travers Andaha, y compris à Ndélé, Seinkilo, Gordil et Tirigoulou. Le réseau de mercenaires serait le plus préoccupé par Ndélé, qui est la principale zone diamantifère située entre Andaha et la capitale, Bangui. 

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« Les récents mouvements militaires des combattants de Wagner depuis mars étaient très clairs. Ils veulent resserrer leur contrôle sur la ville stratégique de Ndélé afin de dominer la zone d’extraction de diamants », raconte le témoin oculaire soudanais à MEE.

« Ces développements s’inscrivent dans le schéma général des activités de Wagner en RCA », renchérit Bax. « À Bangui, les troupes de Wagner protègent le gouvernement, en particulier la présidence, tandis que leur mode opératoire dans les provinces indique qu’elles sont principalement intéressées par la sécurisation des zones aurifères et diamantaires. »

Un réseau de mines d’or et de diamants

« Ils contrôlent plusieurs zones minières importantes et s’engagent régulièrement dans des combats dans des zones minières qui sont sous le contrôle des rebelles de la CPC », a-t-elle déclaré, faisant référence à la Coalition des patriotes pour le changement qui combat le gouvernement.

Le gouvernement Bangui a donné à une société russe les droits sur la seule mine d’or industrielle du pays.

« Wagner assure la sécurité de cette mine ; il n’y a plus de responsables centrafricains sur le terrain », précise Bax. « Les troupes de Wagner ailleurs tentent de prendre le contrôle des zones minières, mais elles n’expulsent pas toujours les mineurs artisanaux à moins qu’ils ne soient soupçonnés de travailler avec les rebelles du CPC », poursuit-elle. 

« Ils ont attaqué les mineurs, qui sont en fait des civils. Wagner veut dominer ces champs d’extraction d’or et de diamants et expulser tout petit mineur qui y travaille »

-Adam Zakaria Abakar, mineur

Les témoins oculaires, qui étaient restés environ un an en Centrafrique travaillant dans le secteur minier, rapportent à MEE que la présence de la coalition des rebelles centrafricains, y compris la Séléka, ne se faisait pas souvent sentir à Andaha.

Mais ils expliquent que l’attaque de Wagner en mars, et celles qui l’ont suivie, n’avaient rien à voir avec la guerre entre le gouvernement et les rebelles, mais concernaient en fait le contrôle des champs d’extraction d’or et de diamants.

« Je n’ai pas vu de présence claire de rebelles à Andaha récemment », affirme Adam Zakaria Abakar, un mineur qui a fui la Centrafrique. « Ils ont attaqué les mineurs, qui sont en fait des civils. Wagner veut dominer ces champs d’extraction d’or et de diamants et expulser tout petit mineur qui y travaille. »

Pauline Bax déplore : « Malheureusement, les mineurs artisanaux sont des dommages collatéraux des batailles entre Wagner et les rebelles. Le gouvernement n’a pas d’argent pour payer Wagner pour ses services. Wagner doit donc se payer par les revenus miniers… »

« La Russie tente d’étendre sa sphère d’influence en Afrique en se positionnant comme un acteur de la sécurité. L’un de ses principaux arguments de vente, en dehors de sa formidable industrie de l’armement, est qu’il n’est pas l’Occident. Wagner a été un intermédiaire pratique parce qu’il ne s’agit pas d’une entité juridique et n’a pas à respecter les règles. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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