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Ukraine : sept des mosquées les plus importantes du pays

Les musulmans sont peut-être peu nombreux en Ukraine, mais l’islam est présent dans le pays depuis au moins le XIVe siècle
Des Tatars de Crimée prient dans une mosquée à Bakhtchissaraï (AFP/Dimitar Dilkoff)
Des Tatars de Crimée prient dans une mosquée à Bakhtchissaraï (AFP/Dimitar Dilkoff)

Ce n’est peut-être pas le chapitre le plus connu de la riche histoire de l’Ukraine, mais à un moment donné, cette ancienne république soviétique comptait près de 1 500 mosquées.

Ce nombre a décliné, mais il y a toujours des mosquées exceptionnelles, anciennes et nouvelles, qui ont résisté à un siècle de guerre, d’agitation et de persécution religieuse.

L’islam a été officiellement introduit en Ukraine lorsque ses dirigeants mongols, connus sous le nom de Horde d’or, se sont convertis à l’islam au début du XIVe siècle.

La fragmentation de la Horde à la fin du XVe siècle a permis l’essor du khanat de Crimée, État dirigé par les descendants tatars des Mongols.

Initialement indépendant, ce khanat a été vassalisé par l’Empire ottoman avant d’être annexé par la Russie impériale. 

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Après leur incorporation dans l’Empire russe, les communautés musulmanes de Crimée ont commencé à s’installer dans d’autres régions d’Ukraine, principalement dans les villes du sud et de l’est, comme Donetsk et Lougansk, mais aussi Kharkiv – aujourd’hui au cœur de la guerre lancée par la Russie – où les Tatars s’étaient installés dès les années 1840.

Odessa avait également son importance car c’était le point de départ pour le pèlerinage du Hadj vers ce qui est aujourd’hui l’Arabie saoudite.

Cependant, après l’annexion par l’Empire russe en 1783, une politique de russification a abouti à une campagne visant à réduire l’influence de l’islam dans la région. 

Certaines mosquées ont été transformées en églises, comme la mosquée Mufti Jami datant du XVIIe siècle et située sur la mer Noire, dans la ville de Théodosie. Sous le règne des Russes, elle fut église catholique arménienne pendant un temps mais a été rendue à sa fonction première en 1998. 

L’historienne de l’art Nicole Nur Kanchal indique qu’il y avait autrefois jusqu’à 1 474 mosquées dans la région, contre seulement 160 aujourd’hui.

Les musulmans, ainsi que d’autres communautés religieuses y compris les chrétiens, ont été persécutés sous les bolcheviks après la révolution d’Octobre en 1917.

Sous le régime soviétique de Joseph Staline, les mosquées ont été fermées et les Tatars de Crimée ukrainiens expulsés vers l’Asie centrale.

Après la chute de l’Union soviétique et l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les musulmans du pays ont connu une résurgence, les mosquées ont été rouvertes et ceux qui avaient été exilés ont été autorisés à rentrer chez eux.

Si l’Ukraine compte peu de musulmans, à peine 1 % de la population selon le recensement officiel, leur présence est visible à travers les mosquées qui sillonnent le pays.

Middle East Eye passe en revue les plus importants lieux de culte islamiques de l’Ukraine.

Mosquée Ozbek Han, Staryï Krym

Bâtie en 1314, sous le règne du dirigeant mongol Özbeg Khan, la mosquée Ozbek Han est peut-être la plus vieille mosquée d’Europe de l’Est.

Sa construction a coïncidé avec la conversion à l’islam des Mongols en Europe de l’Est et au Moyen-Orient.

La raison pour laquelle ils ont choisi cette religion est sujet à débat parmi les historiens, mais les raisons avancées vont du spirituel à l’opportunisme politique. Le plus souvent, les alliés turcs des Mongols étaient musulmans.

La mosquée de simples briques grises serait la plus vieille mosquée d’Europe de l’Est (Wikimedia)
La mosquée de simples briques grises serait la plus vieille mosquée d’Europe de l’Est (Wikimedia)

Cette mosquée est remarquable pour la madrassa (école religieuse) attenante au mur sud de la mosquée, laquelle a été construite dix-huit ans après la structure originelle.

Ce simple bâtiment de briques grises pourrait être pris pour une grange de campagne s’il n’y avait pas les muqarnas, structures architecturales alvéolaires, à l’entrée de la mosquée.

Tombée en ruines sous l’ère soviétique, la mosquée a vu des travaux de restauration commencer en 2017 avec de nouvelles tuiles sur le toit, un minbar restauré et de nouvelles inscriptions arabes.

Mosquée Djouma-Djami, Eupatoria

Exemple précoce de l’architecture d’influence ottomane, la mosquée Djouma-Djami est une commande du dirigeant criméen et allié des ottomans Devlet Ier Giray au milieu du XVe siècle.

Après une série de revers militaires contre les forces russes sous son règne, il est plus connu pour sa campagne contre Moscou, qu’il aurait en grande partie détruite en l’incendiant.

Pour construire la mosquée Djouma-Djami, il a embauché le célèbre architecte ottoman Mimar Sinan, qui a conçu la mosquée Süleymaniye à Istanbul ainsi que le pont Mostar en Bosnie.

Cette structure à plusieurs dômes, la seule de ce style en Crimée, a été achevée en 1564.

La mosquée Djouma-Djami a été conçue par le célèbre architecte ottoman Mimar Sinan (Wikimedia)
La mosquée Djouma-Djami a été conçue par le célèbre architecte ottoman Mimar Sinan (Wikimedia)

Seize fenêtres à la base du dôme principal permettent à la lumière d’inonder la salle de prière et la lumière filtre également de deux jeux de fenêtres le long des murs.

Le bâtiment a connu plusieurs restaurations ; les derniers travaux majeurs de ce type ont eu lieu sous l’ère soviétique, dans les années 1970.

Les dirigeants communistes ukrainiens avaient transformé la mosquée en musée et elle n’a repris sa fonction religieuse qu’après l’effondrement de l’Union soviétique en 1990. 

Mosquée du sultan Soliman, Marioupol

Construite en l’honneur du sultan ottoman Soliman le Magnifique et sa femme ukrainienne Roxelane (aussi appelée sultane Hürrem), cette mosquée marie l’architecture de style ottoman aux styles tatars locaux.

Le bâtiment, qui compte parmi les mosquées les plus ornées d’Ukraine, est situé près de la mer d’Azov, dans la ville de Marioupol.

Lors de l’invasion russe de l’Ukraine, des informations inexactes ont annoncé que la mosquée avait été endommagée par les bombardements russes.

Les responsables de la mosquée ont plus tard confirmé que les bombes étaient tombées à 700 mètres du lieu de culte et n’avaient pas touché la mosquée elle-même.

La célèbre mosquée ottomane de Marioupol a longtemps été une attraction touristique dans cette ville portuaire (Wikimedia)
La célèbre mosquée ottomane de Marioupol a longtemps été une attraction touristique dans cette ville portuaire (Wikimedia)

L’édifice s’inspirerait de la mosquée Süleymaniye d’Istanbul et les touristes et fidèles peuvent également apprécier les nombreuses pièces d’eau du bâtiment.

Financée par l’homme d’affaires turc Salih Cihan, la mosquée a ouvert ses portes aux fidèles en 2007 et son imam est désigné par la direction des affaires religieuses de Turquie.

Mosquée Ar-Rahma, Kyiv

La première mosquée construite à cet effet dans la capitale ukrainienne a ouvert ses portes en 2001 avant de connaître un agrandissement, comprenant une école, en 2011.

Conçue pour offrir un espace de prière pouvant accueillir jusqu’à 3 000 fidèles, la mosquée a une superficie de 3 200 mètres carrés répartis en trois salles, avec des minarets de 27 mètres de haut. 

La mosquée Ar-Rahma dans le quartier de Tatarka à Kyiv est la première mosquée de la ville construite à cet effet (Wikimedia)
La mosquée Ar-Rahma dans le quartier de Tatarka à Kyiv est la première mosquée de la ville construite à cet effet (Wikimedia)

Le lieu de culte a été bâti sur les pentes du mont Schekavitsa, dans le quartier de Tatarka, où vit la communauté tatare de Nijni Novgorod depuis 1840.

Cette communauté avait l’habitude de prier chez l’imam local, mais en 1913, le gouverneur de Kyiv Mikhail Sukovkin aurait posé la première pierre de la première mosquée de la ville, construite rue Gogolivska.

Cependant, des décennies de guerre, de révolution et de bureaucratie ont retardé son achèvement et la construction n’a véritablement commencé qu’en 1994, après l’effondrement de l’Union soviétique.

Mosquée-cathédrale de Kharkiv, Kharkiv

Construite en 2006, la mosquée-cathédrale de Kharkiv se trouve sur le site d’une mosquée antérieure construite en 1906 et détruite par les Soviétiques en 1936.

La population musulmane de la ville se compose de descendants de soldats tatars et bachkirs qui ont été déployés dans la région pendant la guerre russo-turque de 1877 et ont choisi d’y rester.

La mosquée de Kharkiv a été détruite en 1936 soi-disant parce qu’elle bloquait le débit du Lopan (Wikimedia)
La mosquée de Kharkiv a été détruite en 1936 soi-disant parce qu’elle bloquait le débit du Lopan (Wikimedia)

Pendant le règne de Staline, les responsables communistes ont affirmé que la mosquée entravait le débit du fleuve Lopan et devait donc être rasée. Des habitations ont été construites à sa place.

En 1999, les travaux ont commencé pour reconstruire la mosquée au même endroit et en utilisant la même conception architecturale, en hommage à l’original.

Mosquée Al-Salam et Centre culturel arabe, Odessa

La ville d’Odessa aurait été construite sur le site d’une colonie tatare médiévale appelée Hadzhibey, du nom de son fondateur Hacı Ier Giray, qui était le khan de Crimée au XVe siècle. 

Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, la ville est devenue une forteresse ottomane avec une communauté musulmane florissante.

Au XIXe siècle, le principal architecte azerbaïdjanais, Karbalayi Safikhan Karabakhi, a bâti une mosquée dans le centre-ville et le terrain attenant a été transformé en cimetière musulman. 

La mosquée Al-Salam présente un style mauresque, ce qui la distingue des mosquées d’inspiration ottomane de la région (Wikimedia)
La mosquée Al-Salam présente un style mauresque, ce qui la distingue des mosquées d’inspiration ottomane de la région (Wikimedia)

La mosquée d’origine a été détruite à l’époque soviétique et ce n’est qu’en 1992 que les Tatars de Crimée de retour d’exil ont créé la Société musulmane d’Odessa, précurseur du centre et de la mosquée actuels.

Une nouvelle mosquée, à l’architecture mauresque, dotée d’arches en pierre et d’une calligraphie complexe, a ouvert ses portes en 2001 et a été financée par un homme d’affaires syrien, Adnan Kivan.

En plus d’un espace de prière, le centre propose des cours d’arabe.

Mosquée Buyuk Juma Jami, Simferopol

Si les travaux de la mosquée Buyuk Juma Jami ont commencé en 2015 après l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, les plans sont dans les tuyaux depuis 1996. 

Après des années de retards bureaucratiques, en 2008, la communauté tatare locale a dressé un camp sur le site de la mosquée et a commencé à transporter du calcaire morceau par morceau sur le site. 

Il s’agissait d’un mouvement de protestation contre les retards de construction, mais les pierres servaient également de mémoriaux en l’honneur des ancêtres de la communauté, certains écrivant les noms de leurs parents décédés et déportés sur chaque bloc.

Buyuk Juma Jami est toujours en construction (Wikimedia)
Buyuk Juma Jami est toujours en construction (Wikimedia)

Cette gigantesque mosquée sera la plus grande institution musulmane de la péninsule de Crimée lorsqu’elle ouvrira enfin. La Turquie couvre une grande partie des 10 millions de dollars nécessaires à la construction.

D’une superficie de 1 400 mètres carrés, la mosquée Buyuk Juma Jami serait assez grande pour accueillir 4 000 fidèles.

Un immense dôme de 28 mètres de haut sera flanqué de quatre minarets de 50 mètres de haut et la cour intérieure est conçue dans le style ottoman, avec une zone d’ablution traditionnelle comportant 24 piliers autour du bord extérieur. 

Des tulipes jaunes peintes à la main décorent l’intérieur, en hommage au poème Tulipe jaune du poète tatar de Crimée Noman Çelebicihan.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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