En Syrie, les ISIS Hunters soutenus par Moscou lancent un appel aux recrues pour rejoindre les combats en Ukraine
Alors que Moscou poursuit sa guerre contre l’Ukraine, le groupe armé syrien des ISIS Hunters (« chasseurs d’EI ») est la dernière formation militaire en date active en Syrie à avoir lancé un appel aux recrues pour combattre aux côtés des forces russes.
Si Damas garde le silence au sujet des mercenaires syriens qui cherchent à rallier l’Ukraine pour soutenir la Russie, leur rôle potentiel fait l’objet de nombreuses spéculations et rumeurs.
Mais le tableau des unités syriennes prévues pour un déploiement futur se dessine lentement.
La chaîne Telegram officielle des ISIS Hunters, un groupe soutenu par la Russie et créé en 2017 pour combattre le groupe État islamique (EI), a lancé un vaste appel aux recrues, les invitant à se présenter à leur base à Homs afin de se faire enrôler.
Une publication sur l’application appelait les combattants volontaires à se présenter à leur bureau les 17 et 18 mars, confirmant qu’une phase de recrutement serait ouverte pour ceux qui souhaitaient s’engager.
Les secteurs dans lesquels des groupes tels que celui des ISIS Hunters sont actifs depuis longtemps, dans le désert entourant la ville orientale de Palmyre contrôlée par le gouvernement, n’ont pas connu de véritables combats depuis plusieurs années.
Expérience des combats
Bien que l’Ukraine n’ait pas été mentionnée dans leur publication, le timing des appels au recrutement – alors que la guerre en Syrie est presque à l’arrêt – indique que la destination finale des recrues serait le champ de bataille ukrainien.
L’annonce invitait « les hommes âgés de 23 à 49 ans » à se présenter pour un test initial de sélection à l’issue duquel seuls les combattants jugés aptes seraient « appelés à une date ultérieure ».
Par le passé, des combattants du gouvernorat de Soueïda, dans le sud-ouest du pays, ont été recrutés pour rejoindre les ISIS Hunters afin de combattre pour la Russie en Libye
À l’instar des appels au recrutement lancés par d’autres groupes, comme la 4e Division blindée, les recrues potentielles doivent transmettre plusieurs documents, notamment une pièce d’identité et des documents déclinant leur statut militaire, ou ce que l’on appelle des « papiers militaires ».
Selon des sources au fait des plans de recrutement actuels du groupe, les nouveaux membres des ISIS Hunters constitueront le pilier d’une nouvelle force baptisée « Nazi Hunters » (« chasseurs de nazis »).
Les mercenaires seraient alors déployés par centaines dans un premier temps, d’après le plan révélé par le site d’information syrien Suwayda 24 et confirmé à Middle East Eye par Rayyan Maarouf, journaliste pour ce média.
« D’après nos informations, l’armée russe en Syrie cherche à organiser le recrutement de mercenaires par le biais de forces auxiliaires. Les ISIS Hunters deviendront une unité baptisée “Nazi Hunters” une fois qu’ils seront envoyés en Ukraine », explique le journaliste.
« La société mère des ISIS Hunters, al-Sayyad Company for Guarding and Protection Services, recherche activement toute personne disposant d’une expérience militaire et ayant participé à des opérations de combat. »
Par le passé, des combattants du gouvernorat de Soueïda, dans le sud-ouest du pays, ont été recrutés pour rejoindre les ISIS Hunters afin de combattre pour la Russie en Libye.
Si la société al-Sayyad a été initialement créée et financée par la Russie, elle a été enregistrée en tant que société de sécurité privée en Syrie en 2017 par Fawaz Mikhail Gerges, un homme d’affaires ayant des liens étroits avec la Russie, a-t-on rapporté.
Les membres d’al-Sayyad ont été formés par le groupe Wagner composé de mercenaires russes dans le but de combattre l’EI dans le désert syrien.
« Ce n’est pas notre guerre »
Les ISIS Hunters sont tristement célèbres pour avoir proposé un million de dollars pour la libération de tout Russe enlevé par l’EI en Syrie au plus fort de la guerre.
Selon une source qui prévoit de s’engager, interrogée par MEE sous couvert d’anonymat, la phase de recrutement n’en est qu’à ses débuts.
« On nous a dit que l’on partirait dans quelques semaines, pas dans quelques mois ou quelques jours, et qu’il y avait des contrats d’enrôlement explicite à signer », affirme l’homme.
« Nous devons signer ces documents avant de partir. Ils détermineront les salaires mensuels et les futures indemnisations si quelque chose nous arrive »
- Un volontaire
Interrogé quant à savoir si une indemnisation est prévue s’il leur arrive quelque chose, il répond : « Nous devons signer ces documents avant de partir. Ils détermineront les salaires mensuels et les futures indemnisations si quelque chose nous arrive. Des dizaines de personnes se sont présentées à la base durant les jours de l’appel aux participants », ajoute-t-il.
Sur la scène officielle, Damas affiche un soutien total à la Russie. Le président Bachar al-Assad a décrit très tôt l’invasion russe comme une « correction de l’histoire ».
Pourtant, l’idée de voir une foule de mercenaires syriens prendre la route de l’Ukraine n’a fait l’objet d’aucun soutien ni d’aucune déclaration officielle, ce qui indique que Damas se contente de laisser les volontaires partir de leur propre chef plutôt que d’engager une force militaire officielle.
Par ailleurs, la perspective d’un afflux de recrues vers l’Europe ne semble pas susciter un grand enthousiasme en Syrie.
Fares Shehabi, homme d’affaires et président de la Fédération des chambres d’industrie de Syrie, a fait part de son inquiétude quant du départ de combattants syriens pour l’Ukraine.
« Ce n’est pas notre guerre et aucun Syrien ne devrait y prendre part. Nous devons nous préoccuper en premier lieu d’al-Qaïda à Idleb et d’Israël dans le Golan. La Russie est notre alliée, mais elle n’est pas en danger et le champ de bataille n’est pas sur le sol russe », a-t-il déclaré dans un tweet.
En parallèle, les Syriens ordinaires ont exprimé leur inquiétude sur les réseaux sociaux à l’idée que des recrues syriennes de Soueïda puissent être déployées en Ukraine.
« Après tout ce que nous avons vécu, ils veulent désormais emmener nos enfants afin qu’ils défendent leurs positions jusqu’à la mort, alors que ni eux ni leurs enfants ne sont touchés », a écrit Saleh al-Qassem, un internaute.
Adham Amer, un autre internaute, considère les appels au recrutement comme un piège destiné à arnaquer ceux qui s’engagent.
« [Ce sont] des stratagèmes de recruteurs pour escroquer les jeunes et se faire de l’argent sur le dos de ceux qui sont poussés à partir à cause de la faim, de la misère et de conditions de vie précaires. Je déconseille à quiconque d’aller [en Ukraine]. Vous vendez votre sang », a-t-il écrit.
Les Syriens qui recherchent un moyen de nourrir leur famille en partant combattre en Ukraine pourraient ouvrir une boîte de Pandore faite de problèmes et d’opprobre international.
Le processus de recrutement pour l’Ukraine semble toutefois jusqu’à présent limité et lent.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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