Entre l’Arabie saoudite et Israël : une normalisation en vue ?
Le président américain Joe Biden a promis d’« approfondir » le processus de normalisation des relations entre Israël et certains pays arabes, dans une tribune récemment publiée dans le Washington Post avant sa première visite en tant que chef d’État dans la région.
Les regards se tournent vers l’Arabie saoudite, où se rend le dirigeant démocrate ce vendredi après Israël, lui qui avait promis de traiter le royaume en pays « paria » après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
Malgré un rapprochement saoudo-américain et des signes d’ouverture du prince héritier Mohammed ben Salmane envers Israël, des analystes estiment toutefois peu probable que Ryad établisse des relations diplomatiques avec Israël sous le règne du roi Salmane.
Quels signes de rapprochement ?
En mars dernier, dans un entretien au journal américain The Atlantic, le prince et dirigeant de facto du pays a parlé d’Israël comme d’un « allié potentiel », soulignant des intérêts communs entre les deux États.
En septembre 2020, l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe, n’avait pas manifesté d’opposition lorsque les Émirats arabes unis étaient devenus le premier pays du Golfe – le troisième dans le monde arabe après l’Égypte et la Jordanie – à reconnaître Israël dans le cadre des « accords d’Abraham », suivis par Bahreïn, le Maroc et le Soudan.
Le royaume saoudien avait alors indiqué qu’il ouvrait son espace aérien à tous les vols de et vers les Émirats arabes unis, y compris aux avions israéliens.
Ce vendredi, le président Biden arrivera dans la ville saoudienne de Djeddah par un vol direct en provenance d’Israël, une première pour un pays arabe qui ne reconnaît pas cet État.
En 2017, son prédécesseur, Donald Trump, avait fait le chemin inverse.
Ce vendredi également, l’Arabie saoudite a annoncé l’ouverture de son espace aérien à « tous les transporteurs », dans un geste de bonne volonté envers Israël, à quelques heures de l’arrivée de Biden dans le royaume. Le président américain a aussitôt salué cette « décision historique ».
Autre signe d’évolution, sur les réseaux sociaux, soumis à une surveillance stricte, des internautes saoudiens défendent désormais l’idée d’une paix avec Israël, du jamais vu en Arabie saoudite.
Et début juin, le journal saoudien Arab News a réalisé un entretien avec le ministre israélien de la Coopération régionale, Essaoui Frej, qui a souligné que Ryad serait au « centre » de toute solution du conflit israélo-palestinien.
Quel intérêt à normaliser ?
Pour la chercheuse Yasmine Farouk, du Carnegie Endowment for International Peace, la normalisation des relations avec Israël serait vue d’un bon œil par l’opinion publique en Occident.
Cela « ouvrirait des portes au prince héritier et l’Occident accordera à l’Arabie saoudite un rôle plus grand non seulement sur le plan régional mais international ».
Pour Israël, cela ne lui « ouvrirait pas seulement la porte de l’Arabie, mais celle de tous les pays [arabes et musulmans] qui pourraient déjà avoir engagé des discussions secrètes mais n’ont pas encore normalisé [leurs relations avec Israël] ».
Sollicités par l’AFP, des responsable saoudiens n’ont pas souhaité s’exprimer sur cette question jugée « sensible ».
Un diplomate résidant à Ryad souligne, sous le couvert de l’anonymat, que « les deux pays ont un ennemi commun qui est l’Iran ».
L’Arabie veut pouvoir davantage compter sur Israël pour s’opposer à la réactivation de l’accord sur le nucléaire entre la République islamique et les Occidentaux, que « les deux pays considèrent comme une menace pour leur sécurité ».
Quel timing ?
L’ancien ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, aujourd’hui chercheur au cercle de réflexion Atlantic Council, a récemment dit à l’AFP qu’il s’attendait à une « feuille de route » en vue d’une normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël.
Yasmine Farouk estime de son côté qu’il y aura peut-être une « certaine forme de relations » mais, selon la chercheuse, il est peu probable que, sous le règne du roi Salmane, le pays aille aussi loin que les Émirats arabes unis ou Bahreïn.
Le souverain, âgé de 86 ans, a toujours affirmé que le royaume ne normaliserait ses relations avec Israël qu’après la création d’un État palestinien ayant Jérusalem-Est pour capitale, une perspective qui, en l’état actuel des choses, semble lointaine.
Pour Kristian Ulrichsen, de l’Institut Baker de l’Université Rice, l’établissement de relations diplomatiques et politiques entre les deux pays n’aura lieu que lorsque Mohammed ben Salmane deviendra roi.
En attendant, l’approche consiste à répandre « l’idée que les deux pays ne sont pas des ennemis et qu’ils partagent des intérêts régionaux et géopolitiques ».
Par Haitham el-Tabei à Riyad.
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