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Cinq fleurs nationales du Moyen-Orient et leur symbolique

De la tulipe turque au lotus égyptien, certains de ces symboles floraux ont une histoire millénaire
Les fleurs ont une portée symbolique, religieuse ou mythologique (MEE/Mohamad Elasaar)
Les fleurs ont une portée symbolique, religieuse ou mythologique (MEE/Mohamad Elasaar)

La grande majorité des pays ont une fleur nationale pour des raisons aussi diverses que leur symbolique mythologique ou leur simple présence indigène à une région particulière. 

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Dans certains cas, les associations sont historiques et l’importance de certains symboles floraux est attestée dès l’âge du bronze et celui du fer.

Si elles ne sont pas aussi connues que les drapeaux, et que les légendes héroïques se construisent autour de la faune plutôt que de la flore, les fleurs véhiculent néanmoins une charge poétique et artistique importante en tant que motif représentant la nation dans son ensemble.

Middle East Eye s’intéresse ici aux fleurs nationales de cinq pays du Moyen-Orient

1. La tulipe, Turquie

De nos jours, on associe généralement la tulipe aux Pays-Bas, où des centaines d’hectares sont couverts d’une multitude de fleurs colorées qu’on voit à des kilomètres à la ronde.

Cependant, cette fleur n’est cultivée dans le pays que depuis le XVIe siècle et y est arrivée via l’Empire ottoman.

La Turquie, qui a succédé à l’empire, a adopté la tulipe comme symbole national et son nom en turc, lale, est également un prénom féminin populaire. 

Les tulipes seraient arrivées en Europe après avoir été offertes à un diplomate par le sultan Suleiman (AFP)
Les tulipes seraient arrivées en Europe après avoir été offertes à un diplomate par le sultan Suleiman (AFP)

Les fleurs du genre tulipa doivent leur nom au mot turc tulbent, qui vient lui-même du mot perse dulband

Ce terme turc signifie « mousseline » et le terme original perse signifie « turban ». On pense que l’association tient au fait que les pétales recourbés de la fleur ressemblent aux plis d’un morceau de tissu.

Les tulipes ont commencé à être cultivées vers le début du second millénaire avant notre ère dans le nord de l’actuel Iran.

À peu près à cette époque, les tribus turciques d’Asie centrale connues sous le nom de Seldjoukides ont établi un empire à travers le Moyen-Orient, jusqu’en Anatolie, y introduisant la culture de la tulipe.

Le sultan Mehmet II le Conquérant évoquait les fleurs dans ses poèmes et on attribue à Soliman le Magnifique, dirigeant ottoman du XVIe siècle, sa culture à grande échelle.

On dit que c’est via le sultan, qui comme les autres Ottomans portait la tulipe sur son turban, que la fleur a tracé son chemin jusqu’en Europe.

Si les origines exactes de la tulipe en Europe ne sont pas connues, l’un des récits les plus courants veut qu’un dignitaire de la cour des Habsbourg, leur ambassadeur en Turquie Ogier Ghislain de Busbecq, s’est vu offrir ces fleurs lors d’une visite à la cour de Soliman. 

Chaque année, la Turquie organise un festival de la tulipe dans la plus grande ville du pays, Istanbul (AFP)
Chaque année, la Turquie organise un festival de la tulipe dans la plus grande ville du pays, Istanbul (AFP)

Le diplomate a introduit la tulipe à la cour des Habsbourg à Vienne et, de là, elle a fait son chemin jusqu’aux Pays-Bas, possession de la dynastie, via un botaniste, Charles de l’Écluse, qui a étudié la fleur. 

Aujourd’hui, les Néerlandais exportent les tulipes dans le monde entier et sont responsables de 80 % du commerce de la fleur.

En Turquie, la tulipe symbolise les périodes de paix et de prospérité. Entre 1718 et 1730, l’« ère des tulipes » sous le règne du sultan Ahmet III a été une période de croissance économique et de calme politique : les usines de tapis, l’imprimerie, les arts et le commerce international prospéraient. 

La tulipe fait partie de l’identité nationale turque et on la trouve sur les souvenirs, sculptée dans l’architecture ainsi qu’en bijoux. De nombreux parcs publics en Turquie comprennent des parterres de tulipes et Istanbul organise un festival chaque printemps depuis 2005. 

2. Le lotus, Égypte 

Parfois surnommée « lys sacré du Nil », la fleur de lotus est déjà mentionnée dans l’Antiquité, notamment dans les hiéroglyphes, et se trouve plus particulièrement sur la couronne mortuaire trouvée sur Toutânkhamon.

Un des symboles de l’Égypte ancienne est le Dieu-soleil qui émerge du lotus ; le parfum puissant associé à cette fleur était censé indiquer la présence d’un Dieu. 

Pour les anciens Égyptiens, cette fleur qui se ferme et s’immerge, avant d’émerger et de s’ouvrir à nouveau à l’aube, est devenue un symbole de renaissance, ainsi que de l’unité entre la Basse- et la Haute-Égypte. 

Les fleurs de lotus sont dépeintes dans les hiéroglyphes depuis des siècles (Reuters)
Les fleurs de lotus sont dépeintes dans les hiéroglyphes depuis des siècles (Reuters)

La fleur est également associée à la pureté et à la divinité. Dans les temps anciens, elle jouait par ailleurs un rôle significatif dans les funérailles, lors desquelles des fleurs de lotus étaient placées sur les cercueils pour symboliser l’entrée du défunt dans les Enfers. 

Si la fleur a des pétales délicats, elle est connue pour ses qualités durables et sa capacité d’adaptation à différents environnements. La fleur a souvent été utilisée à des fins décoratives, dans les bouquets et l’art. 

La fleur de lotus apparaît dans les gravures de l’Égypte ancienne, telles que celle qui a été restaurée dans la tombe du vizir Mérérouka, de la VIe dynastie, à Saqqarah en Égypte (Wikimedia)
La fleur de lotus apparaît dans les gravures de l’Égypte ancienne, telles que celle qui a été restaurée dans la tombe du vizir Mérérouka, de la VIe dynastie, à Saqqarah en Égypte (Wikimedia)

La fleur de lotus bleu était particulièrement recherchée pour ses qualités supposées d’aphrodisiaque et d’aide à la fertilité. Les chercheurs ont depuis découvert qu’un composé chimique de la fleur, l’apomorphine, aide au relâchement des muscles et à soulager l’anxiété.

3. Le coquelicot, Palestine

Le coquelicot figure depuis longtemps dans l’art palestinien et, au printemps, la fleur tapisse les champs de la région de son rouge vif.

Comportant les quatre couleurs du drapeau palestinien, le coquelicot est devenu symbole de la résistance et du patrimoine palestinien indigène ; l’intensité du rouge représente aussi le sang versé par ceux qui ont combattu pour la nation palestinienne.

Le coquelicot palestinien est un symbole de résistance et de patrimoine (AFP)
Le coquelicot palestinien est un symbole de résistance et de patrimoine (AFP)

« Le coquelicot symbolise la relation d’échange et de réciprocité entre la vie des Palestiniens et la terre de Palestine : les corps des Palestiniens donnent vie à la terre de Palestine », écrit Nasser Abufarha, professeur palestinien à l’Université du Wisconsin-Madison aux États-Unis.

Les différentes régions de Palestine ont leurs appellations locales de cette fleur : au nord, c’est hannoun, mot arabe signifiant « passionné », et dans le sud, shakik qui signifie « frère ». 

Le coquelicot palestinien comporte les couleurs qui apparaissent sur le drapeau palestinien (AFP)
Le coquelicot palestinien comporte les couleurs qui apparaissent sur le drapeau palestinien (AFP)

On les appelle aussi shaka’ik al-Nuʿman (les frères et sœurs de Nuʿman), ce qui est censé véhiculer la félicité du coquelicot.

Aujourd’hui, l’image du coquelicot est largement partagée sur les réseaux sociaux par les activistes souhaitant témoigner leur solidarité avec le pays.

4. Le jasmin, Syrie

Le jasmin, mot qui vient du perse yasmine et qui signifie « don de Dieu », est particulièrement apprécié en Syrie depuis des générations et prospère dans le pays encore aujourd’hui.

La capitale du pays, Damas, est surnommée « ville du jasmin » tellement la fleur y est répandue, couvrant les murs et les parcs.

On retrouve le jasmin partout à Damas, où son parfum emplit l’air (AFP)
On retrouve le jasmin partout à Damas, où son parfum emplit l’air (AFP)

Avec ses pétales doux blancs ou jaunes, la fleur est cultivée pour en extraire de l’huile utilisée dans les parfums et les cosmétiques depuis des siècles. 

La culture et l’exportation de la fleur, originaire des régions tropicales et subtropicales de l’Eurasie et de l’Océanie, contribuaient autrefois substantiellement à l’économie syrienne jusqu’au début de la guerre en 2011.

L’importance culturelle de cette fleur se retrouve dans la popularité des prénoms comme Yasmine ou Jasmine.

5.  Fleur du caféier d’Arabie, Yémen

Le Yémen n’a pas officiellement de fleur nationale, mais la fleur du caféier d’Arabie est généralement associée au pays à cause de son importance capitale dans la culture et la démocratisation du café.

Dans le sud-ouest de la péninsule Arabique, le Yémen est le premier endroit hors de la corne de l’Afrique où le grain a été cultivé.

Le caféier d’Arabie est un arbuste vert aux feuilles vert foncé brillantes et aux fleurs blanches en forme d’étoiles, légèrement recourbées. La plante produit des baies vert foncé qui prennent une teinte rouge profonde quand elles arrivent à maturité. 

Un cultivateur montre des grains de café dans une ferme du district de Haraz près de Sanaa au Yémen (Reuters)
Un cultivateur montre des grains de café dans une ferme du district de Haraz près de Sanaa au Yémen (Reuters)

Au Yémen, le café fait partie de la tradition depuis des siècles et on trouve la trace de l’utilisation du grain comme stimulant au milieu du XVe siècle, il était alors utilisé par les soufis qui espéraient ainsi des nuits de veille en prière.

Cette plante est considérée comme un trésor national du Yémen et malgré la culture généralisée du café en dehors de la région, le pays a la réputation de produire des récoltes de qualité.

Certains des meilleurs cafés au monde viennent du Yémen, où il a été cultivé pour la première fois il y a plus de 500 ans (Wikimedia Commons)
Certains des meilleurs cafés au monde viennent du Yémen, où il a été cultivé pour la première fois il y a plus de 500 ans (Wikimedia Commons)

Mais combien de temps le pays pourra-t-il continuer à cultiver des plants de café ? La question se pose car dans les régions montagneuses où la plante est typiquement florissante, les récoltes s’étiolent d’année en année à cause des conséquences des changements climatiques et de la hausse des températures

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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