Aller au contenu principal

Les projets d’annexion d’Israël ravivent les craintes d’un nouveau conflit avec Gaza

Alors que les tensions à la frontière entre Israël et Gaza s’accroissent déjà, certains craignent une confrontation majeure en réaction aux projets d’annexion israéliens en Cisjordanie occupée
Funérailles symboliques de Ramadan Shallah, ancien dirigeant du Jihad islamique, à Gaza (Reuters)
Par Adam Khalil à GAZA, bande de Gaza sous blocus

La perspective de l’annexion de terres en Cisjordanie occupée a ravivé les craintes de futurs troubles à travers la région, le roi de Jordanie allant même jusqu’à mettre en garde contre un « conflit majeur ».

Bien que les regards soient naturellement tournés vers la Cisjordanie, où Israël a désigné ses colonies illégales et la vallée du Jourdain comme étant des zones qu’il pourrait décréter unilatéralement comme lui appartenant, la crainte d’une escalade dans la bande de Gaza s’accentue.

Divers groupes gazaouis, tels que le Hamas, qui dirige l’enclave côtière, ont publié des communiqués rejetant le projet d’annexion, sans prédire explicitement une confrontation avec Israël lors de sa mise en œuvre.

Le vice-président du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, a déclaré dans une interview accordée à Al-Aqsa TV que cette initiative israélienne engendrerait sûrement une certaine forme d’escalade, mais qu’une confrontation n’était pas au programme des factions palestiniennes dans l’immédiat.

VIDÉO : Les Palestiniens de la vallée du Jourdain face à la menace d’annexion
Lire

Il a néanmoins ajouté qu’une confrontation requerrait que « les diverses factions se mettent d’accord sur un plan national global pour s’opposer au plan israélien ».

De même, les analystes politiques de Gaza font valoir qu’il est peu probable que l’annexion engendre une véritable escalade dans l’enclave assiégée, à moins que des réactions populaires violentes en Cisjordanie n’aient un effet domino sur les Gazaouis.

Mukhaimer Abu Saada, professeur de sciences politiques à l’Université al-Azhar de Gaza, explique que le Hamas voit l’annexion comme un échec du projet politique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui dirige l’Autorité palestinienne (AP) basée à Ramallah. Le Hamas croit que « la force » est la solution pour communiquer avec Israël, ajoute-t-il.

« Le Hamas ne déclenchera pas une confrontation totale avec Israël à cause de l’annexion. Le Hamas ne croit pas que l’Autorité palestinienne soit prête à renoncer aux accords d’Oslo ou qu’elle soit sérieuse à ce sujet, et il est persuadé que l’AP n’autorisera pas d’action militaire en Cisjordanie », explique-t-il à Middle East Eye.

D’après le professeur, le Hamas désire que « la confrontation, si confrontation il y a, intervienne dans le cadre d’un plan convenu par les factions », telles que le Jihad islamique et le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).

Craintes d’un conflit

L’armée israélienne semble, quant à elle, redouter qu’un conflit avec Gaza ne se profile.

La bande de Gaza a connu trois affrontements militaires majeurs avec Israël ces dernières années, au cours desquels des milliers de Palestiniens ont été tués et blessés.

Selon les médias israéliens, des responsables de la sécurité du pays ont exprimé leur inquiétude face à la possibilité d’un nouvel affrontement, ou du moins une montée meurtrière des tensions comme cela s’est produit à de multiples reprises ces dernières années.

« Le Hamas et le Jihad islamique auront du mal à ne pas réagir depuis Gaza et à [éviter] une escalade sécuritaire, et le lancement de ballons pourrait constituer le début de tensions », a rapporté le quotidien israélien Yediot Aharonoth.

« Les lancements de ballons incendiaires depuis la bande de Gaza constituent une démonstration de force et de capacité, dans le but de signaler à Israël le mécontentement existant à Gaza. »

« Le Hamas se réjouit de l’échec du projet de paix »

- Hussam Dajani, journaliste

Les tensions à la frontière entre Israël et Gaza s’accroissent déjà.

Ces derniers jours, un certain nombre de ballons incendiaires ont été lancés depuis l’enclave en direction des villes israéliennes, ainsi qu’un missile. Cette tournure des événements a ravivé les appels aux représailles en Israël.

Cependant, le journaliste politique Hani Habib ne croit pas qu’ils aient quoi que ce soit à voir avec le projet d’annexion, malgré plusieurs déclarations, et estime que l’action palestinienne et la réaction israélienne sont « normales ».

Le Hamas, d’autres factions gazaouis et Israël coexistent actuellement dans le cadre de divers accords de cessez-le-feu qui font régner le calme et la stabilité depuis plusieurs mois, fait-il observer. 

Selon lui, il serait difficile de rompre ces accords à cause de leur impact positif sur la vie quotidienne de la population, en ce qui concerne l’électricité, la sécurisation de fonds qataris et d’autres ressources importantes.

« Compte tenu des précédents, la situation à Gaza restera sous contrôle », affirme le journaliste à MEE.

« Gaza pourrait être plus enthousiaste, mais en fin de compte, la situation palestinienne ne peut plus tolérer de confrontations injustifiées. On pourrait constater quelques percées çà et là. »

Les options du Hamas

Le Hamas est la force militaire la plus importante de la bande de Gaza, mais le Jihad islamique (soutenu par l’Iran) dispose également de grandes capacités.

Les Brigades al-Qods, le bras armé du Jihad islamique, a adopté des positions différentes de celles du Hamas lors de situations précédentes et a attaqué Israël seul, entraînant des représailles israéliennes sur ses positions uniquement. Cependant, Israël insiste régulièrement sur le fait qu’il tient le Hamas responsable de toute attaque depuis le territoire de Gaza.

Le politologue Mukhaimer Abu Saada est convaincu que le Hamas ne souhaite pas d’escalade avec Israël pour le moment, mais selon lui, il est possible que le Jihad islamique ou d’autres factions soient d’un autre avis.

« Ce sera pire qu’une guerre s’il est appliqué » : à Gaza, le plan de Trump ne passe pas
Lire

« Une escalade est possible de la part du Jihad islamique et d’autres factions, car le Hamas pense que la responsabilité du premier pas appartient à l’AP », explique-t-il.

Hussam al-Dajani, journaliste politique proche du Hamas, est persuadé que le mouvement se contentera d’attendre de voir ce qu’il se passe, plutôt que de prendre l’initiative d’affronter Israël.

« Le Hamas se réjouit de l’échec du projet d’accord de paix et du fait que son principal instigateur, [le président de l’Autorité palestinienne] Mahmoud Abbas, l’ait retiré », indique-t-il à MEE, ajoutant que le mouvement gazaoui a l’impression que son approche à l’occupation se trouve ainsi justifiée.

Selon le journaliste, le Hamas a trois options : attendre et anticiper, ce qui est le plus probable ; soutenir et aider ; ou laisser Abbas affronter son destin et en supporter seul les conséquences.

Avant même d’envisager de soutenir l’Autorité palestinienne, dit-il, le Hamas exige que l’AP cesse de poursuivre et arrêter ses membres et laisse la résistance armée opérer librement en Cisjordanie.

« Si le Hamas conclut que le président Abbas est sérieux à propos de la mise en œuvre de ces mesures, les opportunités de soutien et d’alliance avec lui seront fortes », estime Dajani.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].