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Qu’y a-t-il derrière la dernière offensive israélienne à Jénine et à quoi ressemble l’avenir ?

MEE examine les raisons sous-jacentes de l’opération israélienne à grande échelle à Jénine et en quoi elle diffère des opérations précédentes
Un bulldozer de l’armée israélienne traverse Jénine en Cisjordanie occupée lors d’une opération militaire, le 3 juillet 2023 (AFP)
Un bulldozer de l’armée israélienne traverse Jénine en Cisjordanie occupée lors d’une opération militaire, le 3 juillet 2023 (AFP)
Par Lubna Masarwa à JÉRUSALEM et Nadda Osman à LONDRES, Grande-Bretagne

Ce mardi matin, au deuxième jour d’une offensive israélienne ayant tué au moins dix Palestiniens, de grandes parties de la ville de Jénine, en Cisjordanie occupée, étaient couvertes de décombres.

Durant cette incursion, la plus importante de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée depuis plusieurs années, qui a mobilisé des centaines de soldats et fait notamment usage de drones, plus de 80 personnes ont jusqu’à présent été blessées, les ambulances n’ayant pas pu atteindre les victimes en raison des routes et bâtiments détruits.

« Environ 3 000 personnes ont déjà quitté le camp », a déclaré dans la soirée à l’AFP le gouverneur adjoint de Jénine, Kamal Abou al-Roub, en précisant que des mesures étaient prises pour les accueillir dans des écoles et d’autres locaux de la ville.

Des hommes portent le corps d’un homme tué lors de l’opération militaire israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, le 4 juillet 2023 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)
Des hommes portent le corps d’un homme tué lors de l’opération militaire israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, le 4 juillet 2023 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)

Juliette Touma, porte-parole de l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, a confirmé que des habitants quittaient le camp où habitent quelque 18 000 Palestiniens.

Les responsables de Jénine ont décrit l’attaque comme l’une des pires depuis des années, un porte-parole de l’hôpital gouvernemental de Jénine comparant le niveau de destruction aux attaques israéliennes contre la ville en 2002, durant la seconde Intifada.

Traduction : « Des images choquantes de la façon dont un soldat israélien ouvre la porte d’un véhicule militaire pour tirer directement sur une caméra appartenant aux journalistes d’Alaraby TV à Jénine. Le soldat a tiré au moins 25 balles sur la caméra jusqu’à ce qu’il s’assure qu’elle soit endommagée et tombe au sol. »

Dans le cadre de son opération Bouclier défensif en Cisjordanie, les forces israéliennes ont lancé en avril 2002 une attaque de dix jours sur Jénine qui a entraîné la mort de plus de 52 Palestiniens.

Au cours de l’offensive, pour laquelle plus de 150 chars, avions de combat et forces armées sont descendus sur des zones civiles à Jénine, l’aide médicale et les fournitures essentielles ont été empêchées d’entrer dans la ville, tandis que le camp de réfugiés a été bombardé.

Peter Bouckaert, chercheur principal à Human Rights Watch (HRW), qui a participé à l’enquête sur l’offensive, a décrit l’attaque à l’époque comme « extrêmement grave » et a déclaré que « certains cas semblent être des crimes de guerre ».

Mais les experts disent qu’il existe des différences notables entre l’offensive d’aujourd’hui et les attaques des années précédentes.

Qu’est-ce qui motive l’offensive et pourquoi maintenant ?

Des images de l’opération ont montré des centaines de véhicules blindés et de soldats prenant part à l’opération, qui comprenait également des descentes dans des maisons et des arrestations.

Des bulldozers de l’armée ont été vus en train de raser des maisons et des rues, laissant des tas de décombres à travers Jénine.

Tariq Ziad, un journaliste de Jénine, explique à Middle East Eye que l’offensive actuelle diffère de l’opération de 2002, lors de la seconde Intifada.

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« En 2002, Israël savait qu’une invasion conduirait à l’effondrement de l’Autorité palestinienne [AP], et à l’époque, il voulait éliminer l’AP parce qu’il considérait que Yasser Arafat faisait partie de la résistance. »

Selon Ziad, Israël n’est plus intéressé par l’effondrement de l’Autorité palestinienne.

Au lieu de cela, affirme-t-il, la motivation derrière l’offensive est davantage de cibler la résistance armée en plein essor à Jénine, à l’mage des Brigades de Jénine.

Sari Abu Nasr el-Din, écrivain et analyste politique, précise que les forces israéliennes ont causé des niveaux de destruction importants, touchant les infrastructures du camp, l’électricité, l’eau et les lignes téléphoniques.

Nasr el-Din, qui vit dans un quartier proche de Jénine, pense que l’offensive actuelle vise des maisons qui servent à loger des membres des Brigades de Jénine.

« [Les forces israéliennes] ont frappé le camp de réfugiés de Jénine depuis toutes les régions, en utilisant certaines des tactiques utilisées en 2002. Il y a eu des dizaines de blessés. »

Il estime que l’offensive a principalement pour but de cibler des groupes de résistance qu’Israël accuse d’avoir mené plusieurs attaques.

« Une autre raison est d’envoyer un message aux gens qui hébergent les membres de la Brigade et qui se montrent solidaires avec eux. L’occupation [Israël] veut montrer que cette destruction est le résultat du soutien à la résistance », insiste-t-il.

« Il y a aussi des raisons politiques derrière l’offensive, certaines d’entre elles ont été rendues publiques, d’autres doivent être lues entre les lignes. »

Vers le soulèvement d’autres villes

Les groupes de la résistance armée palestinienne ont précédemment appelé à des affrontements directs contre les forces d’occupation israéliennes et ont recueilli un large soutien à travers la Cisjordanie occupée et Gaza.

Le groupe du Jihad islamique palestinien a déclaré dans un communiqué : « Toutes les options sont ouvertes pour frapper l’ennemi en réponse à l’agression à Jénine. »

Selon Awni al-Mashni, militant et membre du conseil consultatif du Fatah, l’offensive à Jénine pourrait éventuellement amener d’autres villes palestiniennes à se soulever et à résister à l’occupation.

De la fumée s’élève d’un immeuble pendant l’opération militaire menée par l’armée israélienne à Jénine, le 4 juillet 2023 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)
De la fumée s’élève d’un immeuble pendant l’opération militaire menée par l’armée israélienne à Jénine, le 4 juillet 2023 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)

« Ce qui se passe était attendu, c’est ainsi que se passent les relations avec les forces d’occupation – les civils rejettent l’occupation et l’occupation s’impose par la force », résume-t-il à MEE.

Le militant pense que l’offensive pourrait marquer le début d’une réalité différente sur le terrain.

« L’offensive d’Israël sur Jénine ne transformera pas Jénine en ville pacifique sous les Israéliens, c’est une illusion », ajoute-t-il.

« Ce qui est plus susceptible d’arriver, c’est que d’autres villes palestiniennes finissent comme Jénine. La même chose se produira en Cisjordanie, et aura également lieu à Qalqilya, Tulkarem, Naplouse, Ramallah, Hébron et Bethléem, et le peuple continuera à résister. »

Après cette offensive, selon lui, la résistance dans des villes comme Jénine ne fera que se renforcer. « Ils auront un rôle plus important maintenant, et leur moral sera plus fort. »

Une réponse depuis Gaza et/ou le Liban

Selon les experts, les jours à venir seront décisifs et détermineront l’ampleur des réactions en Palestine comme au Liban.

Selon Tariq Ziad, l’offensive d’aujourd’hui est différente de celle de 2002 en raison du potentiel de réponse à Gaza et au Liban.

« Le nombre de personnes tuées déterminera le déroulement de cette opération et la réponse à y apporter », commente-t-il pour MEE.

« S’il y a beaucoup d’effusions de sang, Gaza interviendra. En 2002, il y avait eu 73 martyrs. Aujourd’hui, je ne pense pas que Gaza attendra que ce chiffre soit à nouveau atteint. »

Les réactions depuis Gaza et le Liban lors des années précédentes font réfléchir Israël à deux fois avant de mener des attaques longues et à grande échelle.

« Ce gouvernement veut effacer les Palestiniens de la surface de la Terre, mais la résistance à Gaza les fera réfléchir avant de prendre des mesures qui déclencheraient une risposte », estime le journaliste.

Pour Sari Abu Nasr el-Din, l’offensive d’aujourd’hui pourrait déclencher une réaction des Palestiniens en Cisjordanie, à la fois organisée et sporadique de la part d’individus, et dirigée contre les colons. « Ce qui se passe ensuite dépend des actions des forces d’occupation. »

L’attaque militaire contre Jénine s’est poursuivie pendant plus de douze heures, sans aucun signe de fin prochaine.

Traduction : « Des Palestiniens brûlent des pneus et agitent le drapeau national pour protester contre l’incursion à Jénine le 3 juillet 2023, le long de la barrière frontalière avec Israël, à l’est de la ville de Gaza. »

Des témoins oculaires et des journalistes locaux ont décrit la situation sur le terrain comme l’une des pires qu’ils aient vues depuis l’invasion de 2002.

En l’absence de signes d’apaisement des tensions, certains prédisent que les événements pourraient potentiellement se poursuivre et même se répandre dans d’autres villes.

Awni al-Mashni en est certain : la résistance à Jénine s’étendra à d’autres villes et le pouvoir de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie s’affaiblira progressivement.

« Finalement, l’occupation finira par accepter le fait que ses tactiques ne peuvent pas continuer », croit-il. « À mon avis, c’est le début d’un changement de comportement de la part des Palestiniens, c’est une réaction normale de leur part et l’occupation ne durera pas longtemps en Cisjordanie. »

Traduit de l’anglais (original).

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