Le Refugee Food Festival, rencontres et partage autour de l’assiette
Après avoir voyagé caméra à l’épaule et partagé des repas à travers le monde, les Français Marine Mandrila et Louis Martin, fondateurs de l’association Food Sweet Food, ont pris conscience que la cuisine et la table étaient des vecteurs incroyables de création de liens culturels.
Ils décident alors de se lancer dans une initiative citoyenne en créant le Refugee Food Festival (RFF). Le but ? Faire évoluer le regard que l’on porte sur les réfugiés, créer des opportunités d’emploi et satisfaire les curieux de saveurs venues d’ailleurs.
Depuis 2016, autour du 20 juin, Journée mondiale des réfugiés, des chefs réfugiés amateurs ou professionnels dont l’objectif est de se lancer dans le monde de l’HoReCa (Hôtellerie, Restauration, Cafés) investissent les cuisines de restaurants bien implantés.
Après une première édition à Paris en 2016, le festival s’est développé à travers le monde entier. Au menu : des plats syriens, iraniens, somaliens, tchétchènes… Le tout en mode fusion ou dans le respect des traditions. De Madrid à New-York en passant par Le Cap, tout le monde se retrousse les manches en cuisine.
Partager les savoirs et les saveurs
À Bruxelles, huit restaurants accueillent cette année neuf chefs réfugiés pour des collaborations inédites. Fanny Borrot, coordinatrice de projet pour le RFF depuis Paris, travaille au développement du festival dans les autres villes d’Europe et du monde, dont Bruxelles.
« On accueille des profils très différents, certains travaillent depuis toujours dans l’HoReCa, d’autres avaient une autre activité mais souhaitent maintenant se lancer professionnellement dans le monde de la cuisine », indique-t-elle.
« Ce qui est certain, c’est que tous ont envie de transmettre leur culture culinaire. Pendant le repas, on demande aux chefs de se rendre au moins dix minutes en salle ; les gens les remercient, ça leur donne confiance. »
Julie Houle, consultante éditoriale, organise bénévolement le festival à Bruxelles avec Raphaël Beaumond, consultant en stratégie et administration pour les ONG. Ensemble, ils portent le projet en Belgique. « Les matchings [collaborations] entre les chefs et les restaurateurs sont des moments assez magiques », confie-t-elle. « La cuisine explose toutes les barrières et les frontières. »
Raphaëlle Mucher, propriétaire de l’Estaminet, un restaurant de la capitale belge qui propose une cuisine locale, bio et de saison, partage ce constat. « Je suis super enthousiaste à l’idée de m’engager pour cette cause qui me touche particulièrement », déclare-t-elle.
« Je vais travailler avec une chef somalienne, Ifrah Daha. C’est une cuisine qu’on ne connaît pas trop, ça va être une belle découverte. J’ai juste un peu recadré le menu, pour que les recettes soient adaptées aux produits de saison et locaux. Je lui ai dit qu’on avait de la chance d’être au mois de juin... », raconte-t-elle en riant.
Un tremplin professionnel
Abdell Baset participe au festival depuis trois ans. Il vient de Damas, en Syrie. Il est arrivé pendant la crise des migrants en décembre 2015. « J’ai démarré mon propre service traiteur à domicile de nourriture syrienne. Dans le cadre du festival, je vais travailler chez Humus & Hortense, qui vient d’être désigné meilleur restaurant vegan du monde », dit-il fièrement.
« Cette initiative permet de se faire connaître mais aussi de découvrir des techniques, sans le RFF, je ne pourrais pas rentrer dans les cuisines de si bons restaurants. »
Ali Krizi, arrivé à Bruxelles en 2014, a grandi entre Bagdad et Beyrouth, déménageant au gré des guerres. « Jusqu’ici, je cuisinais bénévolement. La cuisine, c’était surtout un plaisir avec mes amis, mais j’ai décidé de me lancer, je suis une formation de sous-chef », explique-t-il.
« Au restaurant le Mess, dans le cadre du festival, je vais préparer des mezzés, des plats, des desserts. Les chefs ont gouté, ils sont contents, ils ont aimé. C’est là que je vais faire mon stage d’un mois aussi. »
L’insertion professionnelle est un objectif primordial du festival. « On organise plusieurs activités à l’année pour assurer un suivi et les soutenir dans leurs projets d’avenir. Aussi, on est en partenariat avec de grandes structures de la restauration et de l’hôtellerie qui peuvent offrir des opportunités d’emploi », explique Fanny Borrot.
Selon l’enquête d’impacts réalisée par les organisateurs, 59 % des chefs ont eu accès à au moins une opportunité professionnelle grâce au festival. L’intégration à travers la gastronomie, un pari réussi !
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