Le droit international est clair sur un point : les colonies israéliennes sont illégales
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a fait la une des journaux dans le monde entier cette semaine en annonçant que les États-Unis avaient revu leur position et ne considéraient plus les colonies israéliennes comme une violation du droit international.
Dans l’une des déclarations publiques les plus stupides de notre époque, Pompeo a expliqué que « les discussions sur qui a raison et qui a tort au regard du droit international n’apporteront pas la paix ». C’est stupide, d’abord, parce qu’il n’y a pas de véritable débat au sujet de l’illégalité des colonies : jusqu’à ce que les États-Unis s’expriment à leur tour en ce sens, Israël était le seul à défendre leur légalité.
Plus encore, le rôle du droit international est de réglementer le comportement approprié des États souverains – pas de faire la paix en niant la pertinence de la loi, ce qui ressemble bien à un encouragement à la loi de la jungle.
« Réalité sur le terrain »
Pompeo a levé tout doute à ce sujet quand il a justifié ce changement dans la position des États-Unis en admettant que ceux-ci « reconnaissaient la réalité sur le terrain ». En d’autres termes, les comportements anarchiques peuvent devenir licites s’ils sont maintenus assez longtemps par la force – une logique qui non seulement défie le droit international, mais qui est contraire aux engagements juridiques fondamentaux de la Charte des Nations unies.
En particulier dans le domaine de la paix et de la sécurité, le droit international peut être quelque peu ambigu. Des positions opposées peuvent être raisonnablement soutenues, résolues soit par un tribunal agréé, soit par une pratique prolongée dans le temps.
Ce que Pompeo a décrété est une évolution de la position politique du gouvernement américain. Elle est insignifiante sur le plan juridique, mais significative sur le plan géopolitique
L’établissement de colonies dans le territoire palestinien occupé est toutefois un exemple de question sur laquelle il n’est pas possible de présenter un argument responsable en faveur de la légalité.
L’illégalité de l’empiètement des colons a été soulignée à plusieurs reprises par des observateurs éclairés comme le plus grand obstacle à la paix, et l’illustration la plus vive et la plus éhontée du mépris israélien envers le droit international.
Alors, Washington a-t-il donné sa bénédiction à Israël, lui permettant de faire ce qu’il veut à l’avenir en ce qui concerne les colonies – et d’ailleurs, dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée ? Après tout, si la Maison-Blanche approuve dorénavant l’annexion israélienne du plateau du Golan en territoire souverain syrien, la Cisjordanie pourrait être considérée comme insignifiante.
La clarté du droit international sur la question des colonies israéliennes découle en partie du fait inhabituel qu’elles ont été officiellement déclarées illégales par les plus importantes sources de supervision internationale faisant autorité. Plusieurs exemples clés illustrent ce consensus international.
Le droit international unanime
Premièrement, l’article 49 de la quatrième Convention de Genève stipule qu’une « puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». Cette disposition importante du droit international humanitaire est universellement comprise comme interdisant l’établissement de colonies israéliennes dans n’importe quelle partie des territoires palestiniens occupés.
Si Israël se conformait au droit international, il aurait dû cesser ses activités de colonisation et démanteler ce qui avait été construit dans les années qui ont suivi la guerre de 1967. Au contraire, Israël a continué à construire des colonies, à un rythme accéléré, avançant la justification boiteuse que les Israéliens devaient pouvoir vivre où ils voulaient en Palestine.
Israël ne considère même pas les zones de Jérusalem et de la Cisjordanie où les colonies existent comme étant « occupées » au sens juridique, mais comme faisant partie de la « terre promise ».
Deuxièmement, la Cour internationale de justice a réaffirmé en 2004 avec force l’illégalité de la construction de colonies israéliennes en territoire occupé – et avec une décision prise à 14 contre 1, la Cour a fait preuve d’un degré d’unité très inhabituel.
La Cour a souligné que le mur de séparation avait été construit de manière à mettre du côté israélien 80 % de la population des colons, notant au passage que les colonies avaient été établies en violation de la loi en vigueur. Israël a refusé de se conformer à ce jugement concluant, soulignant son caractère « consultatif ».
Troisièmement, en décembre 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2334, estimant par un vote 14-0 que les colonies n’avaient aucune validité juridique. Les États-Unis se sont abstenus lors du vote. Cette résolution note que les colonies constituent « une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux États et à une paix juste, durable et globale ». Elle soulignait exactement l’opposé de ce qu’a avancé Pompeo.
Importance géopolitique
Aucun pays ne peut, par décret, influencer le statut juridique de l’activité de colonisation israélienne. Ce que Pompeo a décrété est une évolution de la position politique du gouvernement américain. Elle est insignifiante sur le plan juridique, mais significative sur le plan géopolitique.
Les communicants de Trump ont cherché à minimiser cette évolution en rappelant que Ronald Reagan, lorsqu’il était président, avait un jour indiqué de façon informelle qu’il ne pensait pas que les colonies fussent illégales – mais, et ce n’est pas si souvent noté, il avait poursuivi en insinuant que l’expansion de la colonisation était en revanche « une provocation inutile ».
Plus pertinente était la correspondance entre l’ancien président américain George W. Bush et l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon en 2004, dans laquelle ils convenaient que tout accord de paix viable avec les Palestiniens permettrait aux colonies le long de la frontière d’être incorporées en Israël.
Encore une fois, un tel accord parallèle était sans base juridique, ne représentant rien de plus qu’une tape géopolitique dans le dos d’Israël – mais c’était un bon indicateur de ce qu’Israël et les États-Unis exigeraient dans les futures négociations de paix.
Ce qui rend la déclaration de Pompeo différente, c’est son positionnement par rapport à d’autres décisions controversées de Trump et son langage disculpant, ce qui incite Israël à aller de l’avant avec l’annexion. C’est un autre exemple de l’ambition excessive des États-Unis.
Dernier clou dans le cercueil
La résistance palestinienne reste forte, comme l’illustre la Grande marche du retour le long de la barrière entre Gaza et Israël, et les initiatives de solidarité internationales se renforcent – une réalité qu’Israël semble admettre, en diffamant ses opposants non violents à coups d’accusations d’antisémitisme.
Cette mesure déplace la boussole politique vers une solution à un État, avec la probabilité de la domination juive et de l’assujettissement des Palestiniens au sein d’une structure étatique qui ressemble et se comporte de plus en plus comme un régime d’apartheid
La nouvelle rhétorique sur les colonies poursuit le schéma établi par l’administration Trump : rejeter le consensus international sur les questions clés portant sur les droits et les devoirs des États.
Les faits marquants de cette tendance dans le contexte palestinien ont inclus le déplacement de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, l’approbation de l’annexion israélienne du plateau du Golan, et maintenant, la mise à l’écart comme non pertinente de l’illégalité des colonies israéliennes.
Cette mesure a été condamnée dans les milieux diplomatiques comme un dernier clou dans le cercueil de la solution à deux États. Elle déplace la boussole politique vers une solution à un État, avec la probabilité de la domination juive et de l’assujettissement des Palestiniens au sein d’une structure étatique qui ressemble et se comporte de plus en plus comme un régime d’apartheid.
Est-ce donc la fin de la lutte palestinienne ? Je ne pense pas. La résistance palestinienne et le mouvement mondial de solidarité raconteront au monde une autre histoire.
- Richard Falk est un spécialiste en droit international et relations internationales qui a enseigné à l’université de Princeton pendant quarante ans. En 2008, il a également été nommé par l’ONU pour un mandat de six ans en tant que Rapporteur spécial sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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