Coronavirus : les travailleurs palestiniens ordonnés de quitter Israël en raison de mauvais traitements
Les travailleurs palestiniens quittent Israël après l’indignation suscitée par plusieurs cas d’ouvriers malades renvoyés par leurs employés israéliens.
Au cours des derniers jours, plusieurs ouvriers palestiniens qui travaillent en Israël ont en effet été déposés aux points de contrôle entre Israël et le nord de la Cisjordanie après avoir présenté des symptômes du COVID-19.
Les images vidéo d’un travailleur malade et diminué, allongé au sol pendant des heures devant un check-point de la région de Ramallah après y avoir été abandonné par les autorités israéliennes sont devenues virales plus tôt cette semaine, remettant en question le traitement réservé par Israël aux travailleurs palestiniens.
Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne (AP) ordonne à tous ses citoyens qui travaillent en Israël de revenir en Cisjordanie et d’entrer dans une quarantaine obligatoire de quatorze jours, sous peine de sanctions non précisées de la part du gouvernement.
« Compte tenu des développements graves et successifs en Israël et des restrictions attendues en matière de circulation, nous demandons à tous les travailleurs palestiniens de rentrer chez eux afin de les protéger et de préserver leur sécurité », déclarait le Premier ministre de l’AP, Mohammad Shtayyeh, dans un communiqué mardi.
Jeudi dernier, Shtayyeh avait annoncé que les Palestiniens avaient désormais également l’interdiction de travailler dans des colonies israéliennes illégales dans le territoire occupé.
Cette décision est survenue quelques jours seulement après que des milliers de travailleurs se sont précipités en Israël sur la promesse qu’ils se verraient attribuer un logement convenable par leurs employeurs israéliens et seraient autorisés à dormir en Israël, afin d’éviter la propagation du virus en Cisjordanie – l’opportunité pour d’innombrables travailleurs de subvenir aux besoins de leur famille dans un contexte de chômage accru pendant la pandémie.
Schéma inquiétant
Au moins quatre incidents impliquant des ouvriers palestiniens abandonnés aux postes de contrôle par les forces israéliennes ont été révélés ces derniers jours.
Lundi, Ibrahim Abu Safiya, du village de Beit Sira, dans la région de Ramallah, a raconté à Middle East Eye qu’il avait vu un ouvrier palestinien, identifié plus tard comme étant Malek Jayousi, couché au sol devant le check-point local avec une forte fièvre et des difficultés respiratoires.
Abu Safiya a affirmé que la veille, un autre ouvrier du camp de réfugiés de Jalazone, dans le gouvernorat de Ramallah, s’était également présenté au poste de contrôle de Beit Sira avec une forte fièvre, après que son employeur l’eut privé de son emploi en Israël.
L’homme, qui se serait vu refuser des soins médicaux en Israël, s’est rendu seul au check-point en taxi avant d’être transféré à Ramallah dans une ambulance.
Mardi soir, les médias palestiniens ont rapporté que trois ouvriers avaient été déposés par les autorités israéliennes à un poste de contrôle près de Tulkarem, tandis qu’un autre avait été déposé devant le poste de contrôle de Jbara, près de Hizma, dans le centre de la Cisjordanie.
Les informations précisaient que plusieurs des ouvriers étaient symptomatiques, avec des fièvres élevées, parfois au-delà de 40 degrés. Tous les travailleurs auraient été testés pour le coronavirus par des médecins locaux et placés en isolement.
Le porte-parole de l’AP, Ibrahim Melhem, a condamné le traitement israélien « raciste et inhumain » des travailleurs palestiniens.
« Si vous devez travailler pour gagner votre vie, alors que ce soit dans la dignité, et non de cette manière dégradante », a-t-il affirmé dans un communiqué, s’adressant aux milliers d’ouvriers palestiniens qui travaillent en Israël.
Ribal Kurdi, un activiste de 29 ans de Bethléem, a déclaré à MEE qu’il était à la fois dévasté et outré en voyant comment les travailleurs présentant des symptômes de maladie étaient traités par les autorités et les employeurs israéliens.
« Israël voulait que les travailleurs viennent dans le pays et travaillent », rappelle Kurdi. « Mais [les Israéliens] ne veulent plus être responsables lorsque les travailleurs tombent malades. »
« L’occupation israélienne devrait être responsable de la vie des travailleurs palestiniens », estime-t-il.
« Les employeurs ne nous ont rien donné »
Selon les groupes de défense des droits de l’homme, la décision prise la semaine dernière d’autoriser les travailleurs à passer la nuit en Israël – contrairement à la politique habituelle d’Israël en matière de permis de travail – pour une période prolongée afin d’éviter une nouvelle propagation du COVID-19 était viciée dès le début.
Kav LaOved, un groupe israélien de défense des droits des travailleurs, a déclaré dans un communiqué publié sur Facebook le 18 mars que « malheureusement, la majorité des acteurs israéliens n’[avaient] pas respecté les engagements pris en vue de fournir un logement convenable et sain aux travailleurs ».
En plus des photos de centaines d’ouvriers palestiniens bloqués à un poste de contrôle non identifié, le groupe a également affirmé qu’aucune mesure n’avait été prise pour « assurer une protection sanitaire au cas où un travailleur serait exposé » au coronavirus.
Selon Kav LaOved, environ 60 000 Palestiniens travaillent en Israël, principalement dans la construction et l’agriculture. On estime que 30 000 autres travaillent dans des colonies israéliennes à travers la Cisjordanie.
Kav LaOved, l’Association for Civil Rights in Israel (ACRI) et Physicians for Human Rights ont exigé que le gouvernement israélien – en particulier le ministre de la Défense Naftali Bennett, qui avait approuvé l’entrée des travailleurs – protègent les droits de travailleurs palestiniens pendant la pandémie.
« Nous avons contacté les ministères du Travail, de la Sécurité et de la Santé pour exiger que le gouvernement supervise l’emploi de ces travailleurs et leur séjour ici, et pour protéger leurs droits. Nous avons spécifiquement demandé des logements acceptables et des soins de santé », a déclaré un porte-parole de l’ACRI à MEE.
Mais jusqu’à présent, les efforts de ces ONG ont été vains.
A., un travailleur qui a passé plusieurs nuits en Israël, a confié à MEE sous couvert d’anonymat que lui et ses collègues avaient été forcés de dormir sur du carton sur le chantier de construction où ils travaillaient et n’avaient pas reçu de produits d’hygiène tels que des gants, des masques ou du désinfectant pour les mains.
« C’est très différent de ce qu’on nous a dit », déplore-t-il. « Nos employeurs ne nous ont rien donné, et si vous tombez malade, ils vous renverront sans le moindre traitement. »
« Si vous tombez malade, ils vous renverront sans le moindre traitement »
- A., ouvrier palestinien en Israël
Mercredi, le nombre de cas confirmés de coronavirus en Palestine est passé à 62 – contre plus de 2 100 cas confirmés en Israël.
Wafa, l’agence de presse officielle de l’AP, a rapporté que l’un des nouveaux cas confirmés, une femme dans la soixantaine du village de Biddu, près de Ramallah, « pourrait avoir contracté la maladie auprès de ses fils qui travaillent en Israël ».
Ribal Kurdi a insisté sur le fait que ce n’était pas la faute des ouvriers qui allaient travailler en Israël. « Ils ont dû choisir entre nourrir leur famille ou tomber malade. C’est une situation affreuse », a déclaré l’activiste. En fin de compte, pour lui, c’est « l’occupation israélienne qui est responsable de la mise en danger de la santé de toute la Cisjordanie ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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