Le Financial Times enquête sur une plainte après des déclarations d’Emmanuel Macron sur les musulmans français
Selon les informations recueillies par Middle East Eye, le Financial Times se penche actuellement sur une plainte formulée à la suite d’affirmations du président français Emmanuel Macron au sujet des musulmans, jugées fausses et incendiaires.
Greg Callus, avocat spécialisé dans la diffamation et commissaire aux plaintes de la rédaction du journal britannique, mène l’enquête sur les déclarations faites par Emmanuel Macron.
Dans une lettre publiée par le Financial Times en novembre, le chef de l’État affirme que dans certains lieux en France, « des petites filles de 3 ou 4 ans » portent le voile et sont « élevées dans un projet de haine des valeurs de la France ».
L’enquête de Greg Callus répond à une plainte adressée au Financial Times par une lectrice musulmane du journal – une mère de famille originaire de Bobigny, en banlieue parisienne – dont l’identité est connue de MEE mais qui a souhaité conserver l’anonymat.
La plainte a été transmise à Greg Callus en décembre après que Suzanne Blumsom, rédactrice en chef du Financial Times, a répondu à cette lectrice que la lettre d’Emmanuel Macron ne comportait « aucune inexactitude, déclaration trompeuse ou distorsion significative ».
Le rôle du commissaire aux plaintes est d’examiner les plaintes qui ne peuvent être résolues par les rédacteurs en chef du Financial Times, indique le code éditorial du journal.
Le 1er février, Greg Callus a indiqué à la plaignante qu’il espérait « pouvoir effectuer une publication dans un délai de quelques jours plutôt que quelques semaines ».
Cette plainte fait suite à une lettre adressée par le président français au journal en réponse à une chronique de Mehreen Khan, correspondante du journal à Bruxelles, qui critiquait sa rhétorique envers les musulmans.
Emmanuel Macron a dénoncé de « fausses citations » contenues dans l’article. « J’ai ainsi été accusé de stigmatiser, à des fins électorales, les Français musulmans ; pire, d’entretenir un climat de peur et de suspicion à leur égard », a-t-il ajouté. Il s’est ensuite adressé aux lecteurs : « Ne cultivons donc pas l’ignorance, en déformant les propos d’un chef d’État. »
« Des erreurs factuelles »
L’article de Mehreen Khan a été retiré dans les heures qui ont suivi sa publication « après qu’il est apparu que celui-ci contenait des erreurs factuelles », a expliqué le journal.
L’enquête de Greg Callus vise à déterminer si la lettre d’Emmanuel Macron contenait des inexactitudes, que la plaignante a décrites comme des fake news.
La plus grave d’entre elles figurerait dans sa description des « quartiers où des petites filles de 3 ou 4 ans portent le voile intégral, sont séparées des garçons et, dès le plus jeune âge, sont mises à part du reste de la société, élevées dans un projet de haine des valeurs de la France ».
Dans sa réponse à la plaignante, consultée par MEE, Suzanne Blumsom a défendu la publication de la lettre, affirmant qu’elle s’inscrivait « dans le cadre de la liberté d’expression légitime d’un chef d’État » et décrivant « un vif intérêt du public pour de telles déclarations politiques du président français ».
La rédactrice en chef a défendu la publication de la lettre, affirmant qu’elle s’inscrivait « dans le cadre de la liberté d’expression légitime d’un chef d’État »
« Les autorités françaises luttent depuis un certain temps contre l’existence de lieux clandestins et dangereux où elles affirment que des jeunes filles, retirées par leurs parents des écoles officielles enseignant le programme français pour recevoir une ‘’instruction à domicile’’, sont emmenées durant la journée pour être instruites par des personnes non qualifiées », a déclaré Suzanne Blumsom.
« Les responsables indiquent que le gouvernement a fait fermer plusieurs de ces lieux au cours des deux dernières années. En référence à vos trois premiers points, les institutions et les agissements de nature illégale, y compris le fait d’imposer le port du voile intégral à des fillettes, sont par nature dissimulés dans de nombreux cas. »
Quatre jours plus tard, Suzanne Blumsom a de nouveau écrit à la plaignante : « Nous avons examiné plus en détail votre plainte et nous maintenons notre réponse précédente, à savoir que la lettre d’Emmanuel Macron ne comportait aucune inexactitude, déclaration trompeuse ou distorsion significative », lui a-t-elle indiqué.
« De nombreuses fake news »
Le lendemain, la plainte a été transmise à Greg Callus, qui a promis de « parler à la rédactrice et d’émettre un verdict en temps voulu ».
Après un retard de près de trois mois, Greg Callus a écrit à la plaignante pour présenter ses excuses, affirmant qu’il espérait « pouvoir effectuer une publication dans un délai de quelques jours plutôt que quelques semaines ».
Deux semaines plus tard, la plaignante s’est adressée à Greg Callus : « Cela fait maintenant trois mois que j’ai écrit [au Financial Times] pour demander des preuves justifiant les propos haineux d’Emmanuel Macron dont il est question ci-dessus. Il est prouvé que la lettre contenait de nombreuses fake news. »
« Ces dernières semaines, vous n’avez cessé de prétendre que vous alliez publier un rapport objectif sur ce scandale, mais vous ne le faites jamais. Toutes les garanties que vous avez données jusqu’à présent n’ont abouti à rien. »
« Je compte publier le verdict prochainement, je l’espère cette semaine », a déclaré Greg Callus mercredi à MEE. Je l’enverrai à la plaignante et au [Financial Times] avant de le mettre sur FT.com, où il sera accessible au public. »
MEE a contacté le palais de l’Élysée, la Police nationale, le ministère de l’Intérieur ainsi que d’autres autorités compétentes. Aucun interlocuteur n’a été en mesure d’étayer les affirmations d’Emmanuel Macron concernant les fillettes voilées et séparées des garçons.
Les déclarations d’Emmanuel Macron abordent un sujet sensible dans un contexte de répression de l’islam français, qui se matérialise par des expulsions, des interdictions prononcées contre des mosquées et des prédicateurs ainsi que de nouveaux pouvoirs permettant de proscrire les organisations accusées d’encourager l’islamisme ou le séparatisme.
Emmanuel Macron a décrit l’islam comme une religion « en crise », qui serait en contradiction fondamentale avec la liberté d’expression et les valeurs laïques de la République française.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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