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En Égypte, premières réactions mesurées au coup d’État à Khartoum

Si les événements de ce lundi 25 octobre au Soudan sont observés avec attention chez le voisin égyptien, les premières analyses de la presse et réactions officielles se veulent prudentes et s’abstiennent de prendre position
Les forces de sécurité soudanaises en patrouille lors des manifestations contre le coup d’État qui a mis fin à la transition vers un régime civil, le 25 octobre 2021, dans la ville jumelle de la capitale, Omdurman (AFP)

Le coup de force militaire au Soudan, traduit par l’arrestation du premier ministre Abdallah Hamdok, d’un grand nombre de ministres et de la totalité des membres civils du Conseil de souveraineté (qui constituait la plus haute autorité chargée de la transition vers des élections en 2023 depuis l’éviction d’Omar el-Béchir), a logiquement été commenté en Égypte.

Toutefois, ces premières réactions, tout comme les premiers communiqués officiels du gouvernement égyptien, se veulent surtout factuelles et se gardent d’afficher un avis tranché.

Preuve de cette retenue, les unes de nombreux médias en ligne ou des sites internet de quotidiens d’information étaient largement consacrées à la visite du Premier ministre égyptien en France et à sa rencontre avec son homologue Jean Castex, reléguant presque les événements soudanais au second plan.

Un traitement factuel des événements par la presse

Le principal quotidien égyptien Al-Ahram, contrôlé par l’État, se cantonne à relayer les principaux faits et la communication officielle des militaires soudanais. Sa version arabe titre à propos de la déclaration du général Abdel Fattah al-Burhan, qui présidait le Conseil de souveraineté et est à la tête des putschistes.

Le journal rapporte les points clés de son discours, tels que la dissolution du Conseil de souveraineté de transition et du Conseil des ministres, la déclaration de l’état d’urgence dans le pays et la destitution des gouverneurs des États, mais aussi l’attachement d’al-Burhan « à l’accord de paix de Juba [entre le gouvernement et le Front révolutionnaire du Soudan] et au processus constitutionnel », le gouvernement devant « gérer les affaires d’État jusqu’aux élections prévues en juillet 2023 ».

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Al-Ahram relaie aussi l’appel au ralliement des Soudanais, qui méritent « que [les dirigeants militaires] se sacrifient pour eux et veillent à les protéger, à préserver leur dignité et leurs droits ».

Al-Mesryyoon, quotidien indépendant en langue arabe, traite d’une interview à Al Arabiya TV de Hanafi Abdullah, ancien général des services de renseignement soudanais et membre du Conseil souverain soudanais, selon laquelle les arrestations qui ont eu lieu visaient à corriger « le cours de la transition démocratique dans le pays ».

Le magazine en ligne généraliste et arabophone Mada Masr, héritier depuis 2013 de la version papier du Egypt Independent et se considérant « indépendant et progressiste », choisit lui de mettre l’accent sur les « milliers de Soudanais qui manifestent contre le coup de force de l’armée » et le retour des barrages dressés par les manifestants dans les rues de Khartoum.

Une information reprise par le site indépendant d’information en anglais Daily News Egypt qui relaie l’appel à la résistance civile par le parti Umma et la Sudanese Professionals Association, qui encourage les citoyens à investir les rues pour « contrer le coup d’État ».

Interrogations sur les auteurs du putsch et leurs motivations

Le site d’information généraliste en anglais Egyptian Streets, qui se revendique comme le plus lu des journaux en ligne du pays avec 600 000 visiteurs mensuels, s’interroge sur les raisons de ce coup d’État. Il souligne que les « tensions se sont intensifiées entre les parties dirigeantes civiles et militaires depuis 2019, alors que les deux groupes étaient supposés travailler conjointement pour une transition vers un nouveau gouvernement à travers le comité conjoint du Conseil de souveraineté ».

Egyptian Streets rappelle que plusieurs tentatives de coup d’État avaient été déjouées depuis 2019, la plus récente datant de septembre dernier. Selon le site d’actualité, les militaires accusaient leur contrepartie civile de gestion médiocre et avaient constitué une coalition avec des groupes rebelles et certains partis politiques pour « dissoudre le cabinet civil ».

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Shorouk News, quotidien arabophone d’information et d’opinion, consacre un article sur le parcours et la personnalité du général al-Burhan. Il y est indiqué que ce dernier n’était pas sur le devant de la scène politique soudanaise lors de la révolution du 19 décembre 2018 qui a renversé le régime du président Omar el-Béchir. Toutefois, « sa personnalité modérée et relativement acceptée par tous a précipité son accession à la présidence du Conseil militaire de transition ».

Diplômé de l’Académie militaire, al-Burhan aurait servi au combat sur les fronts du Darfour et du Soudan du Sud, et a reçu des formations militaires en Égypte et en Jordanie. Le quotidien précise qu’al-Burhan est originaire de l’État du Nil, dans le nord du Soudan, et appartiendrait à une famille religieuse de l’ordre soufi Khatmiyya.

Shorouk News relate également la justification du coup d’État avancée par aBurhan, lequel a pointé du doigt les « conflits entre les parties du gouvernement de transition » qui selon lui « menaçaient la sécurité et la paix du Soudan ».

Le média qui démontrait lundi 25 octobre le plus d’intérêt pour les événements au Soudan était peut-être Al-Wafd (arabophone à tendance libérale), le journal du parti éponyme, l’un des plus anciens d’Égypte. Il a notamment consacré un suivi en direct de la situation à Khartoum, à propos de la progression des protestations, des tirs de l’armée sur les manifestants, et relayant le bilan humain communiqué par le Comité des médecins soudanais faisant état de plusieurs victimes.

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Al-Wafd donne aussi la parole sur son site à un expert de la politique soudanaise, qui analyse les déclarations de Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », numéro deux du Conseil de souveraineté et chef des Forces de soutien rapide (FSR), qui auraient participé à l’exécution du coup d’État.

Selon l’expert, Hemetti essaierait d’éviter « la colère de Washington à travers une série de déclarations niant le retour au pouvoir des militaires au Soudan » car celui-ci se sentirait menacé par la constitution d’un dossier contre lui au sujet de crimes perpétrés au Darfour et lors de la répression violente d’un sit-in à Khartoum le 3 juin 2019 par les FSR qui avait fait plus d’une centaine de mort. Ce dossier, selon l’analyste, serait constitué par Hamdok, encouragé par les États-Unis (qui joueraient un rôle ambigu au Soudan), et aurait pu le conduire devant la Cour pénale internationale (CPI) à l’issue de la période de transition.

Al Wafd, comme plusieurs de ses confrères, passe également en revue les réactions internationales, dont la majorité condamnent le coup d’État et demande, à l’instar de la France ou de l’Union européenne, la libération immédiate des civils arrêtés.

Shorouk News évoque les propos similaires de l’ambassade des États-Unis à Khartoum, qui demande la libération des responsables soudanais détenus.

Egyptian Streets fait écho au communiqué du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, qui appelle les parties soudanaises à se « conformer pleinement au document constitutionnel signé en août 2019 ainsi qu’à l’accord de paix de Juba de 2020.

L’Égypte ne condamne pas le putsch

Daily News Egypt fait quant à lui état d’un appel téléphonique ce lundi 25 octobre entre le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Chouky et l’envoyé spécial des États-Unis pour la Corne de l’Afrique Jeffrey Feltman, au cours duquel ils auraient échangé sur la nécessité du « maintien de la stabilité et de la sécurité au Soudan ».

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Enfin, le site anglophone du journal égyptien Al-Masri al-Yawm consacre un article à la réaction officielle égyptienne. Le ministère des Affaires étrangères a insisté dans un communiqué sur l’importance « de la stabilité et la sécurité pour les Soudanais » et d’une réponse « aux défis actuels d’une manière qui garantisse la sûreté de ce pays frère ».

Le communiqué souligne aussi que « la sécurité et stabilité du Soudan constituent « une part intégrale de la sécurité et de la stabilité de l’Égypte et de la région ».

Si les autorités égyptiennes appellent également « à la retenue et à donner la priorité au consensus national », elles s’abstiennent de toutes formes de condamnation du putsch ou de ses auteurs. Elles pourraient ne pas voir d’un mauvais œil l’arrivée de militaires à la tête du Soudan, plus conformes à leur vision de l’exercice du pouvoir.

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De plus, les liens entre l’Égypte et le Soudan sont actuellement renforcés par leur opposition commune au projet de remplissage du Grand barrage de la Renaissance par l’Ethiopie, en amont du Nil.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi rappelait à ce sujet, pas plus tard que dimanche 24 octobre, dans un discours relayé par Daily News Egypt, « les dangers que le barrage éthiopien faisaient peser de façon conjointe sur l’Égypte et le Soudan ».

Ainsi, cette prudence dans les réactions officielles, qui se reflète de façon générale dans le traitement des événements par les médias du pays, pourrait traduire a minima la volonté des autorités égyptiennes de ne pas s’aliéner les éventuels futurs dirigeants de son voisin et partenaire stratégique.

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