Des colons attaquent un père et son fils alors que les violences contre les Palestiniens s’accentuent
Le passage à tabac dont a été victime Raed al-Kharraz a causé « des fractures du crâne qui ont engendré une hémorragie interne grave, sans compter des fractures du visage et des dents cassées ».
Son fils Mohammad (10 ans) n’a pas été épargné : « Son visage a été mutilé et son cou et son corps sont couverts de bleus ; il souffre de panique et d’anxiété depuis l’accident. »
Samir al-Kharraz, un proche de Raed, raconte ce qui est arrivé à ce quadragénaire de Naplouse et son fils après l’attaque brutale de leur véhicule par des colons mercredi soir près du village d’al-Mughayyir, au nord-est de Ramallah.
Selon les activistes contre les colonies qui se sont confiés à Middle East Eye, cette agression – l’une des pires perpétrées par les colons en Cisjordanie occupée au cours du mois écoulé – a été préméditée et les habitants palestiniens délibérément visés.
Cette attaque n’est que l’une des cinq perpétrées par les colons en l’espace de moins de 24 h à Naplouse, Ramallah, Hébron et leurs villages environnants.
La violence était d’intensité variable : blocages de route, jets de pierres et incendies de véhicules, graffitis anti-arabes et agressions de gens chez eux comme dans le cas du village de Burqa à Naplouse et al-Mughayyir à Ramallah.
Les colons ont mené leurs attaques sur des routes secondaires, aux intersections et près des entrées des colonies.
Cette escalade fait suite au récent décès d’un soldat israélien, tué par le Palestinien Fadi Abu Shkheidem, qui a ouvert le feu sur des Israéliens à Jérusalem.
« J’ai vu le visage de mon père couvert de sang »
Muhammad raconte à MEE que son père, qui vend des accessoires pour voiture, et lui se rendaient en voiture à Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie. Ils se trouvaient sur la route principale entre Naplouse et Jéricho près du village d’al-Mughayyir, connu par les Israéliens sous le nom de Allon Road, lorsqu’ils ont été attaqués.
« Le pare-brise nous a explosé au visage, mon père a perdu le contrôle de la voiture, elle a quitté la route et a fait un tonneau »
- Muhammad, victime de colons
Une voiture remplie de colons s’est précipitée vers eux et ses occupants ont jeté « un gros morceau de métal » contre leur véhicule, lequel a atteint et brisé le pare-brise.
S’exprimant péniblement, Mohammad relate : « Le pare-brise nous a explosé au visage, mon père a perdu le contrôle de la voiture, elle a quitté la route et a fait un tonneau. Je ne savais pas ce qui se passait, je pensais que je rêvais.
J’ai regardé mon père, qui a marmonné quelques mots avant de s’évanouir. J’ai vu son visage couvert de sang et j’ai commencé à pleurer et crier, jusqu’à ce qu’un Palestinien arrive et me tire de là. »
Muhammad, qui est aujourd’hui soigné dans un hôpital de Ramallah, poursuit : « Puis d’autres sont arrivés, il y avait des soldats israéliens parmi eux, et ils ont commencé à découper le pare-brise pour sortir mon père. »
Raed a ensuite été transporté par hélicoptère militaire israélien à l’hôpital Hadassah de Jérusalem.
« Dangereux et brutal »
Cette attaque est la seconde que la famille Kharraz subit ce mois-ci, selon Amin Abu Alia, qui préside le conseil du village d’al-Mughayyir.
Ce dernier rapporte que le 6 novembre, à peu près au même moment de la journée, les colons des avant-postes voisins ont tendu des embuscades aux véhicules palestiniens et les ont bombardés de pierres et d’objets en métal tranchants.
Selon Ghassan Daghlas, le fonctionnaire de l’Autorité palestinienne responsable des questions liées à la construction de colonies au nord de la Cisjordanie, l’attaque de mercredi contre la famille Kharraz est la seconde attaque « la plus dangereuse et la plus brutale » de ce type récemment.
La première a eu lieu à Burqa, au nord de Naplouse, il y a un peu plus d’une semaine, lorsque des dizaines de colons de la colonie voisine de Khomesh ont agressé des agriculteurs sur leurs terres.
« C’était la treizième attaque contre le village ce mois-ci, il y a eu une fusillade nourrie pour terroriser les [Palestiniens] », ajoute Daghlas.
Il précise que 29 Palestiniens ont été blessés dans les dizaines d’attaques perpétrées par les colons à travers la Cisjordanie au cours des dix derniers jours, sans compter les autres attaques telles que la destruction et la mise à feu de véhicules et de terres appartenant à des Palestiniens.
Vider les terres de leurs habitants
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a exprimé son inquiétude face à l’essor de la violence des colons contre les Palestiniens, signalant 410 attaques au cours des dix premiers mois de l’année. Parmi elles, 108 ont fait des blessés et 302 ont engendré la destruction de biens privés.
Daghlas compare l’actuelle violence des colons aux opérations des milices sionistes comme la Haganah, le Lehi et l’Irgoun avant la Nakba, l’expulsion de 700 000 Palestiniens lors de la guerre israélo-arabe de 1948 qui a ouvert la voie à la création de l’État d’Israël.
« Aujourd’hui, les groupes de colons portent des noms différents : Making them Pay, Kahane Chai (Meir Kahane vit) et les Jeunes des collines », explique le fonctionnaire de l’Autorité palestinienne.
« [Ces groupes s’efforcent] d’imposer une réalité sur le terrain afin d’établir leur existence sur cette terre au dépend du peuple palestinien. »
« Le danger des gangs de colons est leur désir de mener des attaques de représailles et le fait qu’il nuisent délibérément aux Palestiniens dans l’objectif de vider les terres de leurs habitants. »
« La violence est organisée et coordonnée »
Issa Amro, fondateur de l’organisation Youth Against Settlements à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, abonde dans le sens de Daghlas. Selon lui, les attaques de colons s’inscrivent dans un projet plus large visant à l’annexion de la Cisjordanie à Israël en imposant une « réalité sur le terrain ».
Les données des ONG israéliennes montrent qu’environ 666 000 colons israéliens vivent actuellement répartis dans 145 colonies et 140 avant-postes (colonies illégales selon le droit israélien) en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.
Amro indique que la violence des colons vient compléter les politiques de l’occupation et du gouvernement israélien, notamment la démolition de maisons et l’expulsion d’agriculteurs de leurs terres.
« Cette violence est organisée et coordonnée entre le gouvernement et les colons », déclare-t-il à MEE.
L’activiste indique que le nombre d’attaques s’est accru de 100 % l’année dernière et que de nombreuses attaques ont été perpétrées contre des personnes et leurs biens à Hébron.
Il décrit les attaques comme des actes « d’expulsion forcée », qui nourrissent un sentiment d’insécurité chez les Palestiniens et créent « un environnement invivable, qui les force à partir ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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