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Café salé et jeu déloyal : invitation à un mariage turc

En Turquie, les cérémonies nuptiales comprennent certains rituels pour le moins surprenants
Les mariages turcs entremêlent des traditions uniques et quelque peu non conventionnelles, dont beau-coup proviennent de l’Antiquité ainsi que de rites religieux (illustration de MEE)
Les mariages turcs entremêlent des traditions uniques et quelque peu non conventionnelles, dont beau-coup proviennent de l’Antiquité ainsi que de rites religieux (illustration de MEE)

Si en général, ce sont les futurs mariés qui se chargent en grande partie des préparatifs de leur union, en Turquie, les parents du couple sont également très présents tout au long des différentes étapes.

La raison en est que les mariages turcs sont extrêmement symboliques – non seulement pour célébrer l’avenir du jeune couple, mais aussi pour marquer la fusion des deux familles.

Les mariages turcs entremêlent des traditions uniques et quelque peu non conventionnelles, dont beaucoup proviennent de l’Antiquité ainsi que de rites religieux.

Bien qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui optent pour des mariages plus simples, abandonnant certaines coutumes anciennes, plusieurs de ces traditions figurent toujours en bonne place.

Ici, Middle East Eye vous emmène dans un surprenant voyage dans l’intimité d’un mariage turc classique, dans le cadre d’une série d’articles sur les traditions nuptiales de toute la région.

Café salé et rejet de la demande en mariage

Traditionnellement, la planification d’un mariage turc ne peut commencer sans le « kız isteme ». Ce rituel consiste, pour les parents du marié, à se rendre chez la famille de l’heureuse élue pour demander sa main en mariage.

Pour les familles musulmanes, un élément clé de cette étape est la participation à une coutume qui remonte aux premiers jours de l’islam. À ce stade, un ancien de la famille déclare : « Sur l’ordre d’Allah et la sunna [actes et paroles] du prophète Mohammed, nous voulons votre fille pour notre fils. »

La mariée met du sel dans le café de son futur époux pour tester son tempérament (Reuters)
La mariée met du sel dans le café de son futur époux pour tester son tempérament (Reuters)

S’il s’agit d’une étape importante du processus nuptial, dans certaines régions telles que Trabzon et Ordu, la coutume s’apparente à un jeu.

Au cours des deux premières visites du marié, la famille de la jeune femme convoitée refusera de donner son consentement au mariage, forçant la famille du marié à revenir demander sa main encore et encore.

En règle générale, à la troisième ou quatrième visite, le père de la future mariée cessera de faire semblant et donnera sa bénédiction pour que les préparatifs du mariage se poursuivent.

En signe de respect envers les aînés de la famille, les futurs mariés embrasseront leurs mains et les remercieront pour leur approbation.

Un couple s’apprête à poser pour ses photos de mariage (AFP)
Un couple s’apprête à poser pour ses photos de mariage (AFP)

L’une des coutumes les plus connues est celle qui consiste pour la mariée à servir à son futur époux un café turc contenant de grandes quantités de sel. Cette tradition est considérée à la fois comme un test du tempérament du marié et un symbole du fait que le mariage n’est pas toujours doux.

Si le marié est capable de finir la tasse sans afficher son mécontentement et son dégoût, il sera considéré comme doté d’un bon tempérament.

Condition pécuniaire

Dans les petites villes et villages conservateurs, la famille du marié doit, avant le mariage, effectuer un paiement à la famille de la mariée en espèces, parfois en bétail ou en tout autre bien matériel.

La coutume, appelée « başlık », a pu par le passé provoquer de longues querelles inter-familiales. Jadis, lorsqu’un jeune homme ne pouvait pas se permettre l’argent du başlık, la femme qu’il souhaitait épouser était mariée de force à un autre homme capable, lui, de se procurer la somme.

Un couple turc se marie dans la ville historique de Hasankeyf, dans le sud-est de la Turquie (AFP)
Un couple turc se marie dans la ville historique de Hasankeyf, dans le sud-est de la Turquie (AFP)

Souvent, dans certaines régions de Turquie, les hommes sont censés posséder une maison avant que la famille de la jeune femme ne consente à ce que le mariage se poursuive.

Pour cette seule raison, de plus en plus de personnes en Turquie choisissent de quitter le pays pour convoler en justes noces.

Pièces d’or et nuit du henné

Le « çeyiz », la dot de la mariée, est une tradition qui rapproche mères et filles depuis des générations. Le çeyiz est un ensemble d’articles dont nécessitent les jeunes mariés, comme de la literie, des vêtements et des accessoires de maison, qui sont réunis par les personnes les plus proches de la mariée.

La nuit du henné, également connue sous le nom de « kına gecesi », est réservée aux femmes. Cette cérémonie, qui se tient au domicile de la mariée, est une affaire intime.

Traduction : « La nuit du henné est l’une des coutumes traditionnelles du mariage turc en Turquie. C’est une fête de femmes avant le mariage. Les amis et les membres de la famille de la mariée se réunissent pour manger, danser et chanter avant que la mariée ne quitte la maison de sa mère en pleurant. C’est ce qu’on appelle la ‘’nuit du henné’’ parce qu’ils mettent du henné sur leurs mains. La nuit du henné, en tant que partie la plus colorée d’une série de rituels de mariage, a été pendant des siècles l’un des ‘’rites de passage’’ principaux pour les peuples d’Anatolie de l’Empire ottoman. »

Dans certaines régions, la mariée enfile une robe colorée appelée « bindallı » et s’assied au centre d’un cercle de convives portant un voile rouge. La couleur rouge revêt une importance particulière car elle symbolise la chance et la positivité.

Traduction : « Les rituels des nuits du henné en Turquie. Selon la tradition, la future mariée n’ouvre pas ses mains pour le henné tant que sa belle-mère n’a pas placé une pièce d’or dans sa paume. »

Dans le but de convaincre la mariée d’ouvrir ses mains pour les recouvrir de henné, les femmes de la famille du marié la « soudoieront » avec une pièce d’or. Celle-ci est placée soit à l’intérieur du henné, soit dans la paume de la mariée pour lui souhaiter bonne chance et abondance. Le henné, qui symbolise l’acceptation par la mariée de son nouveau rôle d’épouse, est d’abord appliqué sur la main droite (le côté droit est considéré comme sacré dans l’islam) et enveloppé d’un tissu traditionnel, le « dolak ».

La journée se termine par des danses et des chants qui se poursuivent jusqu’au petit matin.

Lors de l’événement, les femmes dégustent des feuilletés au fromage et aux épinards ainsi que des friandises traditionnelles, comme le halva.

Pâtisseries traditionnelles servies lors d’un mariage turc (AFP)
Pâtisseries traditionnelles servies lors d’un mariage turc (AFP)

Selon une recherche effectuée par Meltem Emine Santur, du Centre de recherche en turcologie de l’Université Çukurova en Turquie, la nuit du henné représentait une cérémonie solennelle aux premiers jours de l’islam parce qu’elle marquait la dernière nuit de la mariée dans la maison de ses parents avant d’aller vivre avec son mari.

Aujourd’hui, cette idée transparaît dans la chanson folklorique populaire Yüksek yüksek tepelere, qui commence par la phrase : « Ne donne pas ta fille aux hautes et hautes collines ».

Enlèvement, déguisement et mauvais traitements

Les rituels prénuptiaux du côté du marié – le « damat donatma » ou « habillage du marié » – sont très différents de ce qui se passe lors de la cérémonie du henné.

Un tapis turc est d’abord posé au sol. Puis, les amis du marié se réunissent pour lui ôter ses vêtements de célibataire et lui faire endosser son costume de marié, tout en chantant des chansons traditionnelles.

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Dans la ville de Muş, dans l’est du pays, avant d’enfiler le costume, le marié apparaît devant les invités en sous-vêtements, se retourne trois fois et ce n’est qu’alors qu’il est autorisé à enfiler son costume.

Le matin du damat donatma, si l’un des amis du marié dort trop longtemps ou ne se présente pas à l’heure à l’événement, les hommes se rendent chez lui et le réveillent en lui versant de l’eau froide dessus.

Dans d’autres régions, les amis du marié ont des pratiques un peu moins orthodoxes.

L’une des traditions les plus connues est appelée « arap », « arab » ou « kız kaçırmak » (qui signifie « enlèvement de fille »).

Tous les hommes portent des vêtements féminins et se maquillent lourdement de manière à ressembler à des femmes. Ensuite, ils commencent à courir dans tous les sens pour essayer de se « kidnapper » comme s’ils étaient des femmes qu’ils essayaient d’enlever pour les épouser.

Au cours de ce jeu, un personnage appelé « çoban » (berger) essaie de battre les hommes avec une canne ou un bâton.

Le matin de son mariage, le marié est malmené de diverses manières par ses meilleurs amis. Ils le font marcher pieds nus dans la ville, le recouvrent de substances collantes ou lui demandent de déclarer sa flamme depuis le minaret de la mosquée locale.

Festivités du jour du mariage

Dans certains villages et petites villes, des coutumes uniques sont encore pratiquées.

Par exemple, dans certaines régions, les festivités du jour du mariage commencent par le hissage du drapeau turc devant la maison du marié après le retour des hommes de la prière de midi à la mosquée.

Un repas appelé « le dîner du drapeau » est ensuite préparé dans la maison du marié.

Dans d’autres régions, il est d’usage d’accrocher des fruits et des légumes, comme des pommes ou des oignons, à un mât ou d’attacher des objets comme un miroir. Plus tard, alors que le cortège nuptial approche de la porte du marié, les hommes de la noce tirent au pistolet sur la pomme. Celui qui parvient à la faire tomber reçoit un bakchich (pourboire) de la part de la mariée.

Dans certaines familles, le père ou le frère de la mariée noue autour de la taille de cette dernière un ruban rouge qui représente l’ancienne ceinture de chasteté. Attacher ce ruban rouge est l’une des coutumes nuptiales les plus courantes de Turquie.

Attacher un ruban rouge à la taille de la mariée est l’une des coutumes nuptiales les plus courantes de Turquie (capture d’écran/Instagram)
Attacher un ruban rouge à la taille de la mariée est l’une des coutumes nuptiales les plus courantes de Turquie (capture d’écran/Instagram)

Ensuite, le groupe de la mariée se dirige vers la cérémonie nuptiale proprement dite, accompagné de musiciens jouant de la zurna (un instrument à vent traditionnel) et du davul (grosse caisse).

Un rituel encore pratiqué même dans les rues de la ville moderne d’Istanbul aujourd’hui consiste pour les enfants et adolescents à bloquer les routes afin d’arrêter le convoi nuptial et recevoir des pourboires. Les enfants refusent de céder tant qu’ils n’ont pas été payés.

Une vieille coutume tribale encore vivante aujourd’hui consiste à tirer des coups de feu en l’air pour marquer l’arrivée du convoi de la mariée.

Se marcher sur les pieds

L’une des coutumes les plus divertissantes, qui a lieu juste après la signature du certificat de mariage par le couple, est le jeu de pieds. Celui-ci consiste, pour le jeune couple, à tenter par tous les moyens de se marcher sur les pieds.

Ce jeu symbolise leur désir de dominer le mariage. On dit que celui (ou celle) qui gagne le combat sera celui (ou celle) qui mènera la danse dans la relation.

Une fois le gâteau coupé, des rubans rouges sont placés autour du cou des nouveaux mariés ou sur leurs vêtements. Lorsque les invités s’approchent pour les féliciter, ils épinglent de gros billets de banque ou des pièces d’or sur ces rubans.

Frapper le marié pour lui ôter toute anxiété

Lors de leur première nuit en tant que couple, les nouveaux époux sont censés consommer le mariage à la lumière des traditions. Cette nuit de noces est connue sous le nom de « gerdek gecesi ».

Mais avant d’entrer dans leur nouvelle maison, la mariée brise une cruche d’argile traditionnelle appelée « testi » dans un rituel symbolisant le fait que la femme est forte et ne sera pas brisée.

Un mariage à Hasankeyf, près de Batman, en Turquie (AFP)
Un mariage à Hasankeyf, près de Batman, en Turquie (AFP)

Dans certaines familles, le marié saupoudre du riz, du blé, du sucre et parfois de l’argent sur la tête de son épouse avant d’entrer dans leur nouvelle maison.

Cela représente le souhait que son union soit marquée par la richesse, l’abondance et le bonheur. À Diyarbakir, une peau de mouton est posée sous les pieds de la mariée à son entrée. Cela signifie que le marié souhaite une épouse « aussi docile qu’un mouton ».

Aujourd’hui, certaines coutumes jugées par beaucoup archaïques sont encore pratiquées. Il s’agit notamment du fait pour les amis et parents du marié de le frapper dans le dos et de le battre, un acte censé lui ôter toute anxiété. On met aussi dans les bras de la mariée un nourrisson de sexe masculin dans l’espoir que son premier-né soit un mâle.

Bien qu’à ce stade, la cérémonie nuptiale soit terminée, les jeunes mariés ont encore des devoirs à accomplir. Le couple commencera notamment à recevoir des invités dans sa nouvelle maison juste après le mariage.

Dans la ville de Gaziantep, dans le sud-est du pays, ces visites peuvent durer 60 jours.

Traduit de l’anglais (original).

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