Des demandeurs d’asile syriens bloqués sur un îlot grec depuis des semaines, sans eau ni nourriture
Un groupe d’une quarantaine de demandeurs d’asile syriens est bloqué sur un îlot sur la rivière grecque Évros à la frontière avec la Turquie depuis près de deux semaines, sans accès à de l’eau, à de la nourriture ou à des soins médicaux.
Le groupe a raconté aux organisations de défense des droits de l’homme être arrivé en Grèce depuis la Turquie et avoir été illégalement refoulé sur cette toute petite île par les autorités grecques. Pendant le refoulement, trois hommes sont morts : un homme est décédé après avoir été passé à tabac et deux se sont noyés dans la rivière quand les autorités grecques les ont repoussés sur cet îlot, selon le média local Efsyn.
Mardi, le groupe a envoyé un message à une ONG et l’a informée qu’une fillette de 5 ans piquée par un scorpion était décédée. Sa grande sœur (9 ans) a elle aussi été piquée et a besoin de soins médicaux d’urgence.
Le groupe compte actuellement une femme enceinte, sept mineurs et une femme âgée et diabétique.
Toutes ces personnes ont été frappées et refoulées à la frontière par les forces de l’ordre grecques et turques. Après avoir été refoulé en Turquie la première fois, un second groupe est venu se greffer au premier.
Le droit de demander l’asile est protégé par le droit international, qui interdit par ailleurs le « renvoi forcé illégal ».
Cet îlot est situé sur le territoire grec près de la frontière turque. La zone frontalière est très militarisée et les organisations humanitaires et autres ONG ne peuvent y accéder.
Le 20 juillet, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a approuvé des mesures provisoires pour le groupe, à la suite d’une demande conjointe du Conseil grec pour les réfugiés et de HumanRights360.
Ces mesures provisoires contraignent le gouvernement grec à fournir au groupe le droit de rester temporairement sur le territoire grec et de recevoir une assistance, notamment de l’eau, de la nourriture et des soins médicaux.
Refus grec
Un représentant d’İHH İnsani Yardım Vakfı, une association turque, explique à Middle East Eye avoir tenté de livrer de l’aide sur cet îlot mais n’avoir pas pu pénétrer sur le territoire grec.
Les autorités grecques prétendent ne pas avoir trouvé le groupe et avoir reporté toute opération de sauvetage. Les deux ONG ont également déposé un recours auprès du bureau du procureur d’Athènes le 26 juillet puisque les autorités n’ont pas agi après la décision de la Cour européenne.
MEE a sollicité une réaction des autorités grecques et turques mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication.
Selim Vatandaş de l’International Refugee Rights Association indique à MEE avoir contacté les autorités grecques et les autorités turques, qui prétendent ne pas avoir pu localiser le groupe sur l’île.
Cependant, des habitants grecs ont entendu des appels à l’aide depuis l’îlot et dans une vidéo publiée sur Twitter, on peut entendre la police s’identifier face au groupe sur l’îlot.
« Au départ, nous étions une cinquantaine de personnes, mais la police grecque nous a frappés et nous a ramenés en Turquie. Les Turcs nous ont parqués dans des baraques militaires puis nous ont jetés sur l’une des îles grecques une seconde fois sans eau ni nourriture et trois personnes qui étaient avec nous depuis ont été tuées », raconte l’une des personnes bloquées sur l’île, selon Alarm Phone.
Un problème systématique
D’après l’antenne grecque de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 33 personnes du premier groupe sont désormais de retour sur l’îlot avec un autre groupe. On estime que 40 à 70 personnes seraient bloquées sur l’île sur l’Évros depuis le 5 août.
« Le HCR s’inquiète vivement du bien-être de ces personnes et est en contact régulier avec des ONG qui défendent cette affaire », assure à MEE Louise Donovan du HCR en Grèce.
Le problème des groupes bloqués sur des îlots sur l’Évros est systématique et remonte à 2019, d’après un rapport de Border Violence Monitoring Network (BVMN) publié le 1er juillet.
BVMN a recensé trois affaires dans lesquelles des groupes bloqués ont envoyé des signaux de détresse à des ONG comme le Conseil grec pour les réfugiés, Human Rights360 et Alarm Phone.
Comme dans l’affaire la plus récente, les organisations de défense des droits de l’homme ont déposé des recours pour des mesures provisoires auprès de la CEDH qui contraignent les autorités grecques à permettre à ces personnes un accès temporaire à son territoire pour y recevoir de l’aide.
Selon les ONG de défense des droits de l’homme, malgré l’approbation des mesures provisoires par la CEDH, les autorités grecques refoulent les groupes en Turquie après les avoir laissés bloqués sur ces îlots sans eau, nourriture ou soins médicaux.
Depuis mars 2022, la CEDH a accordé des mesures provisoires dans quatorze affaires similaires à Évros, mais les autorités grecques n’ont porté secours qu’à quatre groupes. Les autres ont été refoulés en Turquie.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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