Égypte : morosité en vue à cause de la pénurie de thé
Les Égyptiens pourraient faire face à une pénurie de thé d’ici moins d’un mois si les banques ne débloquent pas les dollars américains nécessaires aux accords d’importation, a fait savoir lundi un géant du thé.
El-Fath for Food Industries, la société qui emballe et vend le célèbre thé El-Arosa, a déposé une réclamation officielle auprès du gouvernement égyptien, avertissant que les Égyptiens ne trouveront bientôt plus de thé dans les rayons car les stocks dans les silos s’épuisent.
Environ 6 000 tonnes de thé El-Arosa se trouvent dans les ports égyptiens depuis près d’un mois, mais sans devises étrangères pour le payer, la société ne peut pas dédouaner sa cargaison.
Ahmed al-Shami, président du conseil d’administration d’une compagnie maritime, explique à Middle East Eye que les agences de transport maritime ne peuvent pas accepter les paiements en livres égyptiennes parce que la majeure partie de la cargaison arrive dans les ports locaux à bord de navires appartenant à des sociétés étrangères.
« Le fret continue de s’accumuler dans les ports parce que les entreprises importatrices n’ont pas de dollars pour régler les cargaisons », souligne-t-il.
El-Fath prévient que des retards importants dans le dédouanement du thé importé endommageraient le chargement et entraîneraient des pénalités pour les compagnies maritimes.
Dimanche, la société a pressé les ministres, y compris Ali al-Moselhi, le ministre de l’Approvisionnement, de demander aux banques de débloquer des dollars américains afin que les entreprises de thé puissent payer pour les accords d’importation.
El-Fath a également demandé aux institutions financières, y compris les banques The National, Alexandria, Qatar National et Commercial International de fournir des dollars américains pour assurer les importations de thé.
Restrictions sur les importations
Les réserves de devises étrangères de l’Égypte ont diminué en juillet à environ 33,14 milliards de dollars, tandis que la livre égyptienne s’affaiblit et devrait atteindre un record de 25 points par rapport au dollar américain.
Certains économistes égyptiens signalent que le pays pourrait faire face à une baisse des réserves monétaires dans des limites qui ne couvriraient pas trois mois d’importations, alors que les Égyptiens continuent de faire face à l’inflation et aux factures d’énergie élevées, exacerbées depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine en février.
Selon l’économiste Mamdouh al-Wali, les banques locales ne sont pas en mesure de mettre à disposition les dollars nécessaires aux opérations d’importation parce qu’« il existe un marché parallèle croissant des devises étrangères qui rivalise avec les banques pour les quelques dollars disponibles ».
« Les banques ont cessé de fournir aux hommes d’affaires les dollars nécessaires aux importations. Cela a coïncidé avec les restrictions imposées par le gouvernement sur les processus d’importation », explique-t-il à MEE. « Le gouvernement doit exempter les matières premières de ces restrictions et aider les importateurs à débloquer les marchandises accumulées dans les ports. »
Le thé est un des produits les plus essentiels d’Égypte, les Égyptiens consommant 5 milliards de livres égyptiennes de feuilles vertes chaque année (260 millions de dollars), selon les estimations officielles.
Le thé El-Arosa, surnommé « Remonte-moral des Égyptiens » et qui voit son nom immortalisé dans des chansons et la culture, n’atteindra pas les rayons des commerces si le gouvernement ne peut pas surmonter ses obstacles financiers.
Les journaux locaux ont mis en garde contre les conséquences, titrant notamment « Le moral des Égyptiens en danger », le hashtag « thé El-Arosa » a été tendance sur les réseaux sociaux depuis que la nouvelle est connue, et un commentateur bien connu a prévenu que « Le thé El-Arosa est une ligne rouge ».
El-Fath a annoncé qu’elle pourrait en arriver au point où elle ne pourrait pas payer ses 5 000 ouvriers, ingénieurs, chimistes et administrateurs si la crise se prolongeait
El-Fath a annoncé qu’elle pourrait en arriver au point où elle ne pourrait pas payer ses 5 000 ouvriers, ingénieurs, chimistes et administrateurs si la crise se prolongeait. Elle exhorte le gouvernement à lui venir en aide, affirmant que le thé est un produit essentiel, comme le blé.
L’Égypte importe 60 % du thé qu’elle consomme, dont 84 % des importations en provenance du Kenya en 2020, pour un total de 167 millions de dollars. L’Égypte a importé 4,8 % de son thé du Sri Lanka et 2,19 % des Émirats arabes unis la même année.
L’Égypte se classait au septième rang de la consommation mondiale de thé par personne en 2016, tandis que la Turquie arrivait première. En 2018, environ 273 milliards de litres de thé et de café ont été consommés dans le monde, selon le Comité international du thé. En 2020, l’Égypte a importé pour 195,6 millions de dollars de thé au total.
* Reportage additionnel du correspondant de Middle East Eye au Caire.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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