Comment la série Mo de Netflix sensibilise à l’autisme au Moyen-Orient
Dans les premières minutes de la série à succès Mo de Netflix, acclamée par la critique, le réfugié palestinien Mo Najjar voit son frère, Sameer, debout dans sa chambre tenant son chat bien-aimé, Crystal, et regardant Mo en silence.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? », demande Mo.
« Je travaille mon contact visuel », répond Sameer.
Cette première conversation peut sembler étrange pour certains, mais elle parle à ceux qui sont touchés par l’autisme.
Sameer est un personnage qui a du mal à s’intégrer en raison d’un trouble non pris en charge (autisme exacerbé par un trouble de stress post-traumatique). Avec une innocence enfantine, il est d’une honnêteté désopilante, obsédé par les routines, et fait de son mieux pour s’intégrer, formant un personnage complexe dont il est difficile de ne pas tomber amoureux.
Le personnage a été salué en ligne par des gens qui l’ont trouvé attachant et attachant.
« J’ai été diagnostiqué autiste quand j’étais très jeune », écrit un internaute. « En vieillissant, j’ai du mal à montrer aux gens autour de moi que je suis quand même capable de vivre ma vie. [Sameer] a aidé à présenter des gens comme moi sous un meilleur jour. »
« Mon fils est autiste et j’aime la façon dont Sameer vit sa vie chaque jour pour être une personne meilleure. Ce personnage ouvre les portes à l’acceptation dans ce monde », écrit un autre.
« Une représentation touchante »
Tout en recevant de nombreux éloges pour avoir réussi à transposer le vécu des réfugiés palestiniens sur nos écrans de télévision, la série Mo de Netflix devrait également être créditée pour montrer les réalités de la vie avec l’autisme dans les ménages arabes.
La sensibilisation à l’autisme s’améliore au Moyen-Orient au fil du temps, mais la stigmatisation persiste. À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé estime que la prévalence des Troubles du spectre autistique (TSA) est 1 pour 100 enfants.
Traduction : « Merci pour cette belle œuvre d’art et ces messages sincères reçus de ceux parmi vous qui sont touchés par l’autisme. Merci aux thérapeutes comportementaux spécialistes des TSA, aux membres des familles, aux centres de traitement et aux patients, qui ont méticuleusement travaillé avec moi pendant des mois pour honorer et rendre justice à ce personnage. J’espère que nous aurons la chance d’aller plus loin avec Sameer dans la prochaine saison de Mo. Aux autistes : vous êtes vus, vous êtes entendus, vous êtes profondément appréciés, et je vous aime tous tellement ! »
Bien qu’étant parmi les troubles les plus courants au monde, les TSA sont moins susceptibles d’être diagnostiqué dans les communautés arabes, car les parents ne savent pas reconnaître les symptômes pour demander un diagnostic et un traitement, ce qui rend le personnage de Sameer dans Mo primordial pour sensibiliser les familles du Moyen-Orient aux TSA.
Les TSA n’y sont pas identifiés en partie en raison d’une pénurie importante de professionnels formés qui travaillent avec l’autisme. Selon un rapport, dans toute la région, il existe également de très longues listes d’attente pour le traitement, et les évaluations sont également considérablement coûteuses.
Sameer est interprété par Omar Elba, un Américano-Égyptien surtout connu pour avoir joué aux côtés de Tom Hanks dans le film Un hologramme pour le roi. Il a reçu des critiques positives pour son portrait authentique et nuancé de l’autisme, notamment de la communauté autiste elle-même.
« En tant que personne ayant travaillé avec des enfants aux besoins particuliers, la performance d’Elba était incroyable et si bien réalisée », écrit un internaute.
« En tant que mère d’un enfant aux besoins particuliers, le portrait formidable [d’Elba] est si touchant », affirme une autre.
« Sameer [est] joué à la perfection par Omar Elba », a écrit la critique télé Laura Zornosa pour Time.
Omar Elba, qui a répondu en exclusivité aux questions de Middle East Eye, a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce que la série touche autant les gens ni aux réactions très positives.
« Si les critiques et les fans de la série l’apprécient, c’est génial, mais en réalité ce sont les commentaires des personnes directement touchées par l’autisme qui comptent », affirme-t-il.
Besoin d’authenticité
« Une énorme quantité de travail et de recherche a été consacrée à la compréhension de la réalité du niveau d’autisme de ce personnage, et [c’était] quelque chose que je devais gérer avec soin afin de trouver l’authenticité », souligne Omar Elba pour parler de la préparation de son rôle.
Ce besoin d’authenticité a poussé le comédien à chercher un thérapeute comportemental spécialiste des TSA, avec lequel il a travaillé rigoureusement pendant des mois, en observant et effectuant des recherches – une tâche qui s’est avérée quasi impossible au départ en raison du secret médical.
Omar Elba a finalement trouvé un thérapeute comportemental qui lui a donné accès à des cliniques spécialisées dans les TSA, lui ouvrant la voie pour contribuer à l’écriture du personnage et des scènes de Sameer.
« C’était une chance pour [le créateur de la série] Mo Amer et les scénaristes parce qu’ils voulaient de l’authenticité et étaient curieux d’en apprendre plus sur l’autisme de mon point de vue et de savoir ce que j’avais recueilli auprès de mon thérapeute comportemental », explique Elba.
Elba a écrit une partie des scènes, en particulier celles qui comprenaient les moments où Sameer s’effondre, de la persévérance au discours fragmenté et à l’écholalie retardée (où un individu autiste mémorise une phrase ou même un paragraphe de discours – d’un livre ou d’une émission de télévision, par exemple – puis le répète après un certain temps).
Ce qui est remarquable, c’est le fait qu’Omar Elba lui-même se situe sur le spectre, ce qui lui a permis d’apporter son propre vécu au rôle, même si lui et Sameer sont à des niveaux différents du spectre.
« J’ai été officiellement diagnostiqué à la fin de la trentaine – avec des cas de TSA à haut niveau de fonctionnement, il n’est pas rare d’être diagnostiqué à l’âge adulte – car il est souvent non diagnostiqué dans l’enfance », confie Omar Elba. « Le diagnostic fut un choc au début mais finalement, un soulagement car c’était la pièce manquante du puzzle. »
L’acteur raconte qu’enfant, il pratiquait l’autostimulation vocale (un symptôme de TSA) et qu’à l’âge adulte, il a tendance à être facilement drainé dans les grandes foules, peut devenir obsédé par certaines routines et certains modèles, et est hypersensible à la lumière et au son.
« J’ai eu une petite amie il y a des années, qui a choisi de passer son 24e anniversaire dans une boîte de nuit et voulait vraiment que je sois là, alors je suis allé acheter des bouchons d’oreilles pour y assister », raconte-t-il. « Naturellement, elle et ses amis pensaient que c’était très étrange… comme vous pouvez l’imaginer, cette relation n’a pas duré. »
Tabous au Moyen-Orient
Mo aborde les tabous de l’autisme dans la culture arabe. D’une part, Sameer, qui a une bonne trentaine d’années, n’est toujours pas diagnostiqué. Pourtant, il est apparemment conscient que quelque chose est différent chez lui, mais n’est pas sûr car aucun des personnages autour de lui ne reconnaît son autisme face à lui ou même entre eux.
« Dis maman, pourquoi à moi tu me dis jamais de me marier ? » demande Sameer à sa mère (interprétée par l’actrice Farah Bsieso). « Je suis l’aîné et tu me dis jamais de me marier. C’est parce que je suis pas normal ? »
« Non. Non, non non non non. Je t’interdis de dire ça. Mashallah, il n’y a rien d’anormal chez toi », répond-elle.
Bien que cette interaction puisse sembler attachante pour certains, cette scène puissante renvoie en fait à la honte inhérente à laquelle les enfants autistes sont confrontés dans une famille arabe.
Leur TSA doit être caché, pas accepté (d’où la scène où la tante Samia explique que Sameer sera le tourment de sa mère car il sera avec elle toute sa vie).
« Il existe des tabous indéniables sur l’autisme et la santé mentale dans de nombreux foyers arabes. Beaucoup de gens veulent être considérés par les autres comme génétiquement “parfaits”, “nos gènes et notre lignée familiale ne produiraient jamais en un million d’années une progéniture autiste”, “ne dites pas que votre sœur ou votre frère est autiste, vous ferez honte à toute notre famille” – ce genre de mentalité basée sur la peur », explique Omar Elba.
« Je pense que cette honte autour de l’autisme existe parce que les perceptions des autres sont déformées, dures et intolérantes », ajoute-t-il.
Par son jeu d’acteur, il a cherché à remettre en question la conception de la normalité.
« Prétendre que les problèmes de santé mentale n’existent pas restreint la définition déjà déformée de “normal” par d’autres, ce qui, à son tour, alimente le niveau de prétention pour répondre à cette norme étroite, irréaliste et épuisante de “normal” et vice versa – c’est un cercle vicieux inconscient. »
« J’aime mon peuple arabe, mais cette honte autour de la santé mentale est quelque chose que nous devons vraiment aborder et faire disparaître », estime-t-il.
Plaidoyer pour l’autisme
C’est quelque chose qu’il espère aborder dans la deuxième saison de Mo : « J’ai confiance, notre série aura le niveau de profondeur et le courage de pouvoir le faire. Pour être clair, ce tabou n’est pas exclusif à la culture arabe, et donc l’aborder dans la deuxième saison de la série serait très puissant, car cette détresse émotionnelle atteindrait diverses cultures universellement. »
Les téléspectateurs de la série sont désireux d’en savoir plus sur le personnage de Sameer en particulier.
On se demande s’il trouvera l’amour, comment il interagira avec son identité de réfugié et si sa famille reconnaîtra enfin qu’il est, en fait, sur le spectre.
Omar Elba pense qu’il serait le mieux placé pour écrire ces scènes potentielles.
« En fait, j’adorerais écrire pour Sameer. En général, je pense que cela fournirait un niveau d’authenticité plus profond si un personnage neurodivergent venait d’une perspective neurodivergente. En fin de compte, c’est à Mo de le faire », affirme-t-il.
Elba est convaincu que les personnes autistes peuvent vivre une vie épanouissante, c’est le thème principal de son plaidoyer et ce pour quoi il essaie de se battre, même en dehors de son personnage, Sameer. « La croyance selon laquelle les autistes ne peuvent pas vivre une vie épanouissante est le résultat d’une discrimination neurotypique contre l’inconnu », estime-t-il.
« Albert Einstein était autiste et à l’école, ses professeurs pensaient qu’il était lent, non pas qu’il pourrait mener une vie épanouissante. C’est le gars qui a révolutionné notre compréhension de l’espace, du temps et de la gravité, et pourtant il a été rejeté par ses professeurs et jugé inadapté », poursuit Omar Elba.
« Albert Einstein était autiste et à l’école, ses professeurs pensaient qu’il était lent, non pas qu’il pourrait mener une vie épanouissante. C’est le gars qui a révolutionné notre compréhension de l’espace, du temps et de la gravité, et pourtant il a été rejeté par ses professeurs et jugé inadapté »
- Omar Elba
Il comprend, cependant, que tout le monde n’a pas les mêmes TSA qu’Einstein, et qu’il y a des individus à différents niveaux du spectre.
« Comment leur vie s’épanouit-elle ? Quelles sont leurs contributions ? Nous ne le savons pas encore. Par conséquent, nous ne pouvons pas les rejeter ou les brider. »
Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur l’autisme et ses effets, par conséquent, Elba croit que nous pouvons apprendre beaucoup des personnes autistes si nous faisons particulièrement attention.
« L’autisme est un diagnostic encore entouré de mystère ; nous n’avons aucune idée de ce dont la communauté de l’autisme est capable », assure-t-il.
« Nous pourrions bientôt découvrir, si nous y prêtons une attention particulière, qu’ils peuvent donner accès à une certaine sagesse inaccessible à l’esprit neurotypique. Restez à l’écoute – c’est peut-être le cas avec Sameer. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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