De l’Égypte au Soudan, comment la journaliste Somaya Abdelrahman a fui la répression de Sissi
Le pick-up cabossé s’est arrêté dans le désert. Il ne pouvait pas aller plus loin, ses roues arrière patinaient dans la poussière. Des hommes emmitouflés dans des manteaux pour se protéger du froid ont sauté du pick-up pour tenter, en vain, de le désensabler.
Ce n’était pas la première fois que ce véhicule se retrouvait bloqué juste au nord de la frontière entre l’Égypte et le Soudan – mais cela n’avait jamais été aussi grave.
La douzaine de passagers voyaient alors les heures défiler. Parmi eux figurait la photojournaliste Somaya Abdelrahman, 26 ans, enveloppée dans deux vestes, un foulard et un hijab pour se protéger du froid.
Elle ne connaissait pas le nom de ses compagnons de voyage, pas plus qu’ils ne connaissaient le sien. Mais ils avaient tous un objectif commun : fuir l’Égypte.
« Je ne me souviens que de la douleur de l’attente, de la peur », témoigne-t-elle à Middle East Eye. Dans les jours, les mois et les années qui ont suivi, cette douleur incessante est revenue hanter son sommeil.
« Je n’arrêtais pas de penser à notre sort si les gardes-frontières nous avaient trouvés », raconte la photojournaliste. « Nous aurions pu être tués parce que les gardes avaient l’ordre direct de tirer. Je me disais : “Je ne veux pas mourir.” Durant ces moments, j’espérais avoir la chance de mon côté. »
Sissi et la guerre contre les médias
L’Égypte a l’une des approches les plus autoritaires au monde en matière de liberté de la presse. Reporters sans frontières classe le pays au 168e rang (sur 180) dans son classement mondial de la liberté de la presse et décrit l’Égypte comme « l’une des plus grandes prisons au monde pour les journalistes ».
Des dizaines de journalistes sont emprisonnés. La presse indépendante est à l’agonie. Des centaines de sites web ont été bloqués ou sont pour la plupart inaccessibles.
Il y a 12 ans, commençaient les 1res manifestations de la Révolution en #Égypte🇪🇬. Depuis, les gouvernements successifs n'ont cessé d'écraser la liberté de la presse & de cibler les journalistes. 25 d'entre eux sont actuellement en prison. RSF réclame leur libération immédiate. pic.twitter.com/SLGQeLnpWA
— RSF (@RSF_inter) January 25, 2023
Somaya Abdelrahman est née en 1996 dans le gouvernorat côtier de Beheira, dans le nord du pays. À l’époque, les médias étaient réprimés par le président déchu Hosni Moubarak : son père, responsable de la prière dans la mosquée du quartier, a été arrêté en 1998 et accusé d’avoir tenté de renverser le gouvernement Moubarak.
« Mon père n’appartenait à aucun parti politique », soutient-elle. « Il a été arrêté parce qu’il était imam d’une mosquée sous le règne de Moubarak et que dans ses sermons de la prière du vendredi, il parlait aux gens de l’importance de rejeter la corruption et de combattre l’injustice. »
Son père a ensuite été emprisonné pendant sept ans au siège des services de sûreté de l’État ainsi qu’à la prison d’al-Abadiya à Damanhur. « J’étais très jeune à l’époque, mais je me souviens que les services de sécurité l’enlevaient, le cachaient et le torturaient de temps à autre », raconte sa fille.
La famille s’est ensuite installée au Caire et s’est jointe aux millions de personnes qui sont descendues dans la rue en 2011. « Nous avons occupé la place Tahrir jusqu’au jour où Moubarak a quitté le pouvoir », raconte Somaya Abdelrahman, qui avait 14 ans à l’époque.
« J’étais très jeune à l’époque, mais je me souviens que les services de sécurité l’enlevaient, le cachaient et le torturaient de temps à autre »
- Somaya Abdelrahman en parlant de son père
« Il y avait des discussions quant à savoir s’il fallait partir ou rester sur la place tant que les revendications de la révolution n’étaient pas satisfaites. Mon père soutenait l’idée de rester jusqu’à ce que les revendications soient entendues, en particulier la justice pour les martyrs et les victimes de la révolution.
« Je me souviens très bien de la diffusion du discours de démission sur la place, tout le monde criait, riait et se sentait fort. Je me souviens des larmes autour de moi, des gens qui se prenaient dans les bras et des célébrations. »
Elle se souvient également de la joie que son père a éprouvée lorsque le siège de l’Agence de sécurité nationale, qui contenait des dossiers sur les opposants à Moubarak, a brûlé. « Je me souviens que mon père a pleuré. Ses dossiers se trouvaient là. Il a été kidnappé, emprisonné et torturé. »
La photojournaliste n’est plus en contact avec son père, devenu violent après sa libération. « Ma mère me disait qu’avant son arrestation, il était affectueux et gentil, mais il est devenu cruel et violent à cause de la torture qu’il a subie pendant des années. J’ai également vu des signes de torture sur le corps de mon père, des marques de décharges électriques sur son dos et son cou, ainsi que sur sa jambe. »
Ses espoirs d’une société plus libre se sont éteints en 2013, lorsque l’armée a évincé Mohamed Morsi, le premier dirigeant égyptien élu démocratiquement. Depuis l’arrivée de Sissi à la présidence, les médias égyptiens ont les mains liées par des sociétés appartenant au service de renseignement égyptien, qui contrôle dans les faits la majeure partie du secteur.
L’affaire 441/2018
En 2014, Somaya Abdelrahman a commencé à étudier à l’université de Helwan, au sud du Caire, mais rêvait de devenir photojournaliste « à cause de la révolution et de ce [qu’elle a vu], pour rendre compte de la vérité ». Très vite, elle a commencé à se former pendant son temps libre.
Elle était également active dans la politique étudiante dans le cadre de Muqawima, un mouvement défendant les droits des étudiants – notamment de ceux qui avaient été placés en détention –, prônant la gratuité de l’éducation et des livres universitaires et soutenant les valeurs de la révolution du 25 janvier, notamment la liberté, la justice sociale et la dignité humaine.
Après avoir travaillé pour Al Bawaba, elle a rejoint en 2017 Veto, une plateforme pro-gouvernementale supervisée par les services de sécurité. Souhaitant couvrir les violations des droits de l’homme, la violence politique et la dégradation de l’économie, Somaya Abdelrahman s’est cependant heurtée à l’opposition de sa hiérarchie, dans la mesure où cela allait à l’encontre de la politique éditoriale de Veto. À la place, ses reportages ont été diffusés sur Al Jazeera, sans son nom pour des raisons de sécurité.
Finalement, en juin 2018, Somaya Abdelrahman et un autre photojournaliste, Islam Jomaa, ont été convoqués par le chef du service photographie du journal, qui les a licenciés sans explication et leur a retiré leur carte de presse.
Le lendemain à l’aube, Islam Jomaa a été arrêté à son domicile par l’Agence de sécurité nationale et a disparu pendant 44 jours. Lorsqu’il est réapparu fin août, il avait été inculpé dans le cadre de l’affaire 441/2018, où un grand nombre de journalistes et d’autres personnes étaient soupçonnés d’appartenance à un groupe terroriste et de diffusion de fausses informations.
« Ma famille et moi avons pris peur et nous avons décidé de changer de maison », raconte Somaya Abdelrahman. Nous avons déménagé dans une autre maison dans une ville en dehors du Caire. »
Somaya Abdelrahman a commencé à postuler pour des bourses destinées aux photojournalistes et a été acceptée par la Fondation Magnum, fondée par des membres du prestigieux collectif Magnum Photos, en coopération avec la fondation AFAC (Arab Fund for Arts and Culture) établie à Beyrouth.
Elle a souhaité se concentrer sur la question des mutilations génitales féminines (MGF) en Égypte, une pratique qu’elle a elle-même subie à l’âge de 10 ans. Le pays présente l’un des taux les plus élevés de mutilations génitales féminines : selon une étude sur la santé des familles égyptiennes (EFHS) réalisée en 2021, 86 % des femmes égyptiennes mariées âgées de 15 à 49 ans en ont été victimes.
Fin août 2019, la jeune femme s’est rendue à l’aéroport international du Caire pour participer à un atelier d’une semaine à Beyrouth dans le cadre de son programme de bourse. Elle y a été interpellée, détenue pendant huit heures et interrogée. Elle a été autorisée à partir, mais son passeport lui a été confisqué. Il lui a fallu trois mois pour en obtenir un autre, qui pouvait facilement être confisqué à nouveau, ce qui, dans les faits, la retenait en Égypte.
Son plan était désormais de rester à l’écart de la presse et de la politique afin de pouvoir fuir l’Égypte. « En restant en Égypte, je devais soit renoncer à ma passion pour mon travail, qui est le sens de ma vie et ce que j’aime, soit finir emprisonnée. C’était une époque où je n’étais plus vivante. »
Le Soudan, unique option
Elle a fait profil bas, changé ses numéros de téléphone et arrêté de publier des contenus touchant à la politique, même sur les réseaux sociaux. Elle a également déménagé à Marsa Alam, une station balnéaire bordant la mer Rouge, où elle est devenue photographe de mariages et de fêtes pour les touristes.
Karim Abdel-Rady, directeur exécutif de la Law and Democracy Support Foundation établie à Berlin, ne connaît que trop de cas semblables à celui de Somaya Abdelrahman. Avocat et défenseur des droits de l’homme, il est exilé en Allemagne depuis juin 2021, après avoir fui l’Égypte en novembre 2020 via le Liban, la Turquie et le Kenya.
En Égypte, il a représenté des journalistes et des activistes des droits de l’homme, notamment des milliers de personnes arrêtées le 20 septembre 2020 pour avoir manifesté contre Sissi. Il a également été la cible d’une enquête dans le cadre de l’affaire 173 visant des groupes accusés d’être financés par l’étranger, ainsi que de harcèlement et de menaces d’arrestation.
La confiscation des passeports par les autorités égyptiennes est d’après Karim Abdel-Rady un outil fréquemment utilisé par le gouvernement actuel au mépris de l’article 62 de la Constitution égyptienne, qui stipule que « la liberté de circulation, de résidence et d’immigration est garantie ».
« La perturbation des voyages peut prendre la forme d’enquêtes illégales menées par les services de sécurité dans les aéroports, d’annulations de vols, voire d’interdictions de voyager et de saisies de passeports, qui sont devenues des moyens employés pour brider les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme. Il s’agit généralement d’une décision unilatérale prise par les services de sécurité et qui peut être appliquée sans qu’aucune accusation ne soit portée. »
Somaya Abdelrahman savait que sa meilleure option pour sortir du pays était la voie terrestre, en franchissant clandestinement la frontière sud de l’Égypte pour entrer au Soudan. Elle a pris contact avec des passeurs, qui lui ont demandé 1 000 dollars pour le trajet.
« Les passeurs m’ont dit : “Si les gardes-frontières nous trouvent, ils vont tirer parce qu’ils ont l’ordre direct de tirer sur ceux qui traversent la frontière en courant.” J’ai accepté parce que j’étais aussi morte en Égypte. Mais au moins, fuir était une forme de tentative de survie, je m’évadais pour retrouver la vie. »
Le 16 janvier 2020, Somaya Abdelrahman a pris le train au Caire en direction du sud. Après avoir rencontré son contact, elle a été emmenée dans une voiture. Sous le faux nom d’Amal, elle a rejoint sept autres Égyptiens dans un pick-up qui allait les transporter vers la frontière avec le Soudan. Ils ont été rejoints par deux Éthiopiens qui cherchaient à se rendre en Israël. Leur véhicule était souvent le seul sur la route.
Les passeurs ont demandé aux passagers d’éteindre leur téléphone afin de ne pas être localisés. Chacun était méfiant à l’idée de partager des informations personnelles avec les autres. « On ne parlait pas beaucoup et on n’utilisait pas notre vrai nom, mais on avait tous eu des problèmes à cause de nos opinions politiques ou de décisions de justice. »
« J’ai pleuré quand j’ai passé la frontière »
Somaya Abdelrahman n’a pas informé ses amis ou sa famille de son itinéraire, de peur de les inquiéter ou de les mettre en danger. « Je leur ai juste dit que j’allais fuir, mais ni comment ni où. J’ai dit à ma mère : “Quand je m’installerai dans un pays, je te le dirai. Je fais ça pour être en sécurité. » Elle a appris plus tard que les forces de sécurité avaient rendu visite à son père après son départ.
Parmi ses compagnons de voyage figurait un adolescent d’environ 16 ans, qui affirmait être membre des Frères musulmans. Plusieurs de ses proches avaient déjà été emprisonnés : il lui a expliqué qu’il avait décidé de fuir pour éviter de connaître le même sort. « Il n’a pas arrêté de pleurer pour sa famille, qui ne le reverrait peut-être jamais. »
C’est ensuite que le pick-up s’est retrouvé bloqué dans le désert ; il a fallu plusieurs heures de travail acharné pour le libérer. Finalement, le groupe est entré au Soudan le 20 janvier.
« J’ai pleuré quand j’ai passé la frontière, se souvient-elle. Les menaces d’emprisonnement ou de disparition forcée étaient derrière moi. Mais c’était aussi une souffrance, parce que j’ai compris que je ne reverrais plus jamais ma famille et que la vie que j’avais connue s’arrêtait ici, avec tous les souvenirs qu’elle comportait. »
« Personne dans ma famille n’a essayé de voyager auparavant. Ils ont peur de faire ce pas, par crainte qu’une situation semblable à ce qui m’est arrivé à l’aéroport ne leur arrive, également en raison de nos positions politiques. »
La liberté a également apporté son lot de restrictions temporaires. Craignant toujours d’être retrouvée, elle s’est cachée pendant un mois dans un refuge situé dans une ville frontalière soudanaise.
« J’étais dans un état psychologique terrible, puisque je ne pouvais pas sortir dans la rue comme j’étais entrée clandestinement. Si on m’avait arrêtée pour quelque raison que ce soit, on m’aurait expulsée vers l’Égypte avant que les passeurs n’aient pu organiser mon voyage vers la Turquie. »
Somaya Abdelrahman a fini par obtenir un cachet d’entrée contre 300 dollars grâce à des contacts au sein des Frères musulmans, dont elle n’est pas membre, noués pendant qu’elle travaillait pour des médias d’opposition.
Elle s’est ensuite dirigée vers Khartoum et son aéroport, où elle a réservé un vol pour Le Caire, mais surtout avec une escale à Istanbul. Elle n’allait pas rentrer en Égypte, mais s’échapper en Turquie.
La Turquie n’est pas une terre d’asile
La photojournaliste n’avait pas de visa lorsqu’elle est arrivée à l’aéroport d’Istanbul le 20 février. Elle s’est rendue d’elle-même aux forces de sécurité. « J’ai été détenue à l’aéroport pendant 22 heures et soumise à un interrogatoire. J’ai été agressée verbalement et forcée de signer un accord en vue d’une expulsion vers l’Égypte. »
Elle est toutefois parvenue à entrer en contact avec des membres égyptiens des Frères musulmans en Turquie. « Ce sont eux qui m’ont aidée et qui ont soumis une demande aux autorités pour que je puisse entrer en Turquie afin de ne pas être expulsée vers Le Caire », raconte-t-elle.
« Je ne prévoyais pas spécifiquement de rester en Turquie ou ailleurs », explique-t-elle. « Ce n’était pas le pays qui importait, mais ma sécurité. Quand j’ai quitté l’Égypte, je me suis dit : “L’endroit où je me sentirai en sécurité sera ma patrie. Quand j’aurai peur et que je me sentirai menacée en Turquie, je partirai.” »
En Turquie, elle s’est mariée mais a rapidement été victime de violences conjugales, notamment des coups pour lesquels elle a dû recevoir des soins à l’hôpital. Elle a signalé ces violences à la police et une ordonnance restrictive a été délivrée, mais son bourreau a continué de la menacer.
En tant que réfugiée vulnérable, seule et sans soutien en Turquie, Somaya Abdelrahman était terrifiée et a décidé de ne pas insister. « C’était une relation toxique, j’ai pu m’en sortir avec l’aide de psychiatres », confie-t-elle.
La violence n’était pas le seul danger qui la guettait, dans la mesure où Ankara et Le Caire opéraient une réconciliation. Les deux gouvernements étaient en froid depuis 2013 et la chute de Morsi. Mais dans le contexte d’un réchauffement des relations entre les deux pays, des chaînes d’information d’opposition établies en Turquie, comme El Sharq et Mekameleen TV, ont cessé d’émettre, tandis que Le Caire a demandé à Ankara de désigner comme terroristes les figures de l’opposition égyptienne présentes en Turquie, notamment des individus comme Hossam al-Ghamry.
Osama Heikal, alors ministre d’État égyptien pour l’Information, a salué le « geste positif » d’Ankara. Ce rapprochement représentait un message menaçant pour Somaya Abdelrahman et les autres exilés, sommés de faire leurs valises pour ne pas risquer d’être expulsés vers l’Égypte.
Pour rejoindre un pays sûr, il lui fallait cependant renouveler son passeport, le seul document officiel qu’elle possédait, à l’ambassade d’Égypte. Ses craintes se sont amplifiées lorsqu’elle a appris qu’un citoyen égyptien se trouvant en Turquie s’était vu confisquer son passeport par des fonctionnaires de l’ambassade.
En parallèle, son travail de photographe a commencé à être reconnu dans les médias internationaux. Pour son projet « Permanent Wound » consacré aux mutilations génitales féminines, elle est devenue en décembre 2020 la première lauréate de l’Emerging Photographers Fellowship Award, décerné par l’organisation internationale à but non lucratif Too Young to Wed en collaboration avec Canon USA.
Dans un communiqué, la photojournaliste s’est exprimée publiquement au sujet de ce qui lui est arrivé à l’âge de 10 ans. « Je me souviens de ce jour comme de la pire journée de ma vie. Pour me guérir et guérir mon esprit, j’ai réalisé un documentaire visuel regroupant des histoires de femmes et de jeunes filles qui ont été victimes de MGF à un moment de leur vie. »
« Je suis intimement convaincue que les visuels peuvent soutenir une cause ; il s’agit ici de ma façon d’encourager les survivantes et davantage d’hommes à se rebeller contre cette pratique. »
Le projet a été relayé par le Washington Post le 4 janvier 2021. Kenneth Dickerman, rédacteur en chef photo du journal, y a écrit que la persistance de Somaya Abdelrahman face à l’adversité avait contribué à la mener là où elle se trouvait.
« Bien sûr, j’étais heureuse », confie-t-elle à propos de cette reconnaissance. « Et parce que je suis une femme et une journaliste, il est important pour moi que le monde connaisse la véritable situation en Égypte en ce qui concerne les femmes et les journalistes et ce qui les affecte. »
À la fin du même mois, les autorités égyptiennes ont durci les sanctions à l’encontre des auteurs de ces crimes, ce qui a intensifié les revendications en faveur de son interdiction totale.
Une nouvelle vie en Allemagne
Finalement, Somaya Abdelrahman a trouvé un moyen de quitter la Turquie. Cherchant à étudier en Allemagne, elle a été acceptée dans un cursus de six mois en photojournalisme et photographie documentaire à l’université de Hanovre, ce que son portfolio, son expérience et sa réputation internationale croissante ont facilité.
Après avoir obtenu un visa étudiant auprès de l’ambassade d’Allemagne en Turquie, elle est arrivée à Hanovre le 8 avril 2022 puis a demandé l’asile fin août.
Son audience a eu lieu le 24 janvier. « J’ai pleuré pendant l’audience devant le juge », se souvient la photojournaliste, qui ajoute qu’elle a raconté toute son histoire pour espérer obtenir une protection. Ce fut également une révélation. « Je me suis sentie désolée pour moi-même, pour ce que j’ai vécu. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de ce que j’avais vécu. »
En attendant l’issue de l’audience, elle apprend l’allemand et suit les cours de photographie à l’université. Elle envisage également de futurs projets journalistiques, notamment un livre et un travail retraçant son expérience et celle d’autres femmes qui ont dû fuir l’Égypte en raison de la violence et de l’injustice.
« Ma vie en Égypte était ravagée par la peur de l’emprisonnement », affirme-t-elle. « En fuyant au Soudan, je fuyais vers un destin inconnu. J’aurais pu être tuée à tout moment. Et en Turquie, ma malchance m’a contrainte de fuir une nouvelle fois le danger.
« J’ai l’intention de faire de l’Allemagne ma patrie, malgré la douleur causée par le sentiment de perte et l’exil. Après tout ce que j’ai traversé, j’ai découvert que ma patrie serait l’endroit où je ne ressentirais pas la peur. »
Retournera-t-elle en Égypte un jour ?
« J’aimerais pouvoir y retourner, mais je ne peux pas. Si je rentre en Égypte, j’irai en prison. Je n’ai pas ma place en Égypte. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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