Soudan : Khartoum, « ville fantôme » ravagée par les combats
Les premiers jours de combats intenses à Khartoum ont fait des ravages : des bâtiments et infrastructures ont été endommagés, les réserves de nourriture et de carburant s’amenuisent et les habitants terrifiés se cachent dans les sous-sols alors que les explosions, les tirs et les frappes aériennes continuent de secouer la capitale soudanaise.
La bataille pour le contrôle des lieux entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) se poursuivent encore ce mardi matin. Au moins 185 personnes ont été tuées et 1 800 autres blessées, selon le chef de la mission de l’ONU au Soudan.
L’infrastructure déjà faible de la ville s’est rapidement effondrée. L’électricité étant coupée depuis plus de 24 heures, de nombreuses rues ont à nouveau été plongées dans l’obscurité à la tombée de la nuit. L’horizon urbain était cependant illuminé par la lueur des bâtiments incendiés par les frappes aériennes des FAS, ou par les tirs d’artillerie et d’armes anti-aériennes effectués en réponse par les combattants des FSR.
La violence qui a explosé au Soudan au cours du week-end est liée à des désaccords concernant l’intégration des FSR, l’une des forces les plus puissantes du pays, dans l’armée régulière. Le chef des FSR, Mohamed Hamdan Dagalo, communément appelé Hemetti, avait aidé le chef militaire et dirigeant de facto, le général Abdel Fattah al-Burhan, à mener à bien son coup d’État en octobre 2021. Mais leur alliance précaire s’est aujourd’hui complètement brisée.
Lundi, un gigantesque incendie faisait encore rage près du quartier général de l’armée dans le centre de Khartoum. Des explosions retentissaient au même endroit.
Les habitants des quartiers proches du quartier général sont partis de chez eux ou se réfugient dans le sous-sol de leur immeuble depuis des heures en raison du pilonnage incessant.
Interrogée par Middle East Eye, une habitante du quartier Khartoum 2 raconte que les fenêtres de son appartement ont été brisées lorsqu’une bombe est tombée à proximité.
« C’est le bruit le plus puissant que j’aie entendu de toute ma vie », confie-t-elle.
« Les fenêtres ont volé en éclats, les portes ont été emportées et des ampoules et des lunettes ont également été brisées. Cela semble avoir été causé par une bombe larguée par un des avions qui étaient dans les parages [hier] matin. »
Un petit tour dans la ville permet de constater que l’aéroport international, l’une des principales centrales électriques, des bâtiments ministériels et des immeubles résidentiels ont été endommagés.
Le quartier général de l’armée concentrait encore les affrontements les plus violents lundi soir.
Des hôpitaux pris dans les combats
Lorsque les combats se sont transformés en affrontements urbains, les deux camps belligérants ont utilisé des bâtiments scolaires et des hôpitaux comme postes de contrôle et comme abris contre les tirs ennemis, selon des médecins et des enseignants.
D’après le Comité central des médecins soudanais, des hôpitaux ont également été pris entre deux feux.
« Des hôpitaux et des établissements de santé de Khartoum et de toutes les villes du Soudan sont touchés par des tirs d’artillerie lourde et d’armes à feu. De graves dommages ont été confirmés à l’hôpital universitaire al-Shaab, à l’hôpital spécialisé Ibn Sina et à l’hôpital Bashayer, à la suite des affrontements et des pilonnages mutuels entre les Forces armées et les Forces de soutien rapide dans les environs », a déclaré l’organisation dans un communiqué commun publié avec le syndicat des médecins.
Un médecin interrogé par MEE souligne d’« importants problèmes » rencontrés dans les hôpitaux en raison des pénuries.
« Le manque d’électricité entrave aussi notre travail », affirme le médecin.
La police étant absente dans les rues et même dans des postes de police de certains quartiers, les habitants ont choisi de rester chez eux non seulement à cause des combats, mais aussi en raison d’un sentiment croissant d’anarchie.
Un témoin oculaire vivant dans le quartier central d’al-Amarat décrit Khartoum comme une « ville fantôme », évoquant l’obscurité, les rues vides et les vols nocturnes.
Lundi, des pénuries de gaz et d’essence sévissaient et de nombreux habitants éprouvaient des difficultés à acheter des produits de base, notamment du pain.
Des craintes pour l’avenir
Alors que les deux camps affirment contrôler des endroits clés, certains habitants font part de leur incertitude au sujet de la situation ainsi que de leurs craintes pour l’avenir.
Dans un communiqué publié lundi, les FAS ont affirmé qu’elles contrôlaient les principales bases des FSR à Merowe et dans d’autres secteurs. Le groupe a déclaré avoir arrêté des dizaines de combattants des FSR et exhorté les autres combattants à se rendre, garantissant leur sécurité.
Les FSR ont précisé dans un communiqué qu’elles contrôlaient le palais présidentiel, la base aérienne de Jebel Aulia et une partie du quartier général de l’armée.
Le groupe a accusé les FAS d’effectuer des frappes aériennes dans des quartiers résidentiels densément peuplés.
« Nous appelons la communauté internationale à intervenir et à surveiller les violations commises par les FAS sous le commandement de [Burhan]. Nous affirmons que nous sommes sur le point de remporter une victoire totale et nous sommes convaincus qu’il s’agit de la victoire du peuple soudanais. Nous réitérons également notre engagement en faveur du processus politique afin de revenir sur la voie de la transition », indique le communiqué.
Lundi, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a exhorté une nouvelle fois les parties belligérantes au Soudan à « cesser immédiatement les hostilités » et prévenu qu’une nouvelle escalade « pourrait être dévastatrice pour le pays et la région ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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